L'infirmière Magazine n° 283 du 15/07/2011

 

POINTS DE VUE

ACTUALITÉ

COLLEGE DE SOIGNANTS*

Christine Abad, cadre supérieure de santé au CHS Montperrin (CNI)

Il est important que le soignant désigné connaisse le patient. Mais l’infirmier, qui a un lien fonctionnel hiérarchique avec le médecin, pourra-t-il se positionner contre l’avis du psychiatre ? Sera-t-il porteur d’une décision collective discutée en amont ?

Annick Perrin-Niquet, cadre supérieure de santé au CHS St-Cyr-au-Mont-d’Or (Cefi-Psy)

À mon avis, ce n’est pas un progrès pour la profession. Il est problématique de demander à l’infirmier de se positionner sur un diagnostic médical. Ce n’est pas notre métier : l’indication d’admission ou de sortie d’hospitalisation complète est une compétence purement médicale. On manque de formation. Le nouveau référentiel ne prévoit plus qu’une centaine d’heures d’enseignement en psychiatrie. Avec le gros turn-over des jeunes collègues dans nos services, on n’a pas le temps de bâtir une compétence collective en termes de clinique.

Olivier Mans, cadre supérieur de santé au CHS de Caen (Serpsy)

C’est une responsabilité supplémentaire pour les soignants, à qui l’État demande de garantir le risque zéro. Si le patient sort sur avis du collège et qu’il y a un drame, la population les montrera du doigt, alors que l’on sait qu’il n’y a rien de plus imprévisible que l’humain.

SOINS AMBULATOIRES SANS CONSENTEMENT

Annick Perrin-Niquet

Le remplacement des HDT et HO par l’appellation « soins sans consentement » est plutôt un progrès. Mais que se passera-t-il si le patient ne respecte pas le programme de soins en extrahospitalier ? Il faudra interpeller le directeur de l’hôpital, puis le préfet. Quel impact cela aura-t-il sur la relation de confiance avec le patient ?

Olivier Mans

Nous n’imposons pas des soins. C’est une rencontre. Il faut du temps pour décoder la folie dans la cité. La loi sera difficile à appliquer, sauf à radicaliser les pratiques et à fermer les portes. Or, nous pensons que la meilleure façon de fermer une porte, c’est de la laisser ouverte… Les nouvelles générations d’IDE développent de plus en plus de compétences. Certains les font valoir en libéral, mais, comme dans le public, les tutelles refusent de rémunérer les heures passées en conversation au domicile du patient. Nous défendons une psychiatrie de la parole ; là, on risque d’aller vers une psychiatrie de l’injection.

CONTRÔLE SYSTÉMATIQUE DU JLD

Annick Perrin-Niquet

C’est une nouveauté intéressante. Nous étions le seul pays à nous passer du juge. A priori, dans le Rhône, les JLD viendront dans les établissements un jour par semaine avec audiences toute la journée. Il faudra faire accompagner le patient par au moins un soignant, voire deux. Quand on a deux infirmières et un aide-soignant pour 25 lits, extraire un soignant pour quelques heures, ça déstabilise l’organisation. Est-ce aux cadres d’accompagner les patients ? Pendant ce temps, ils ne font pas non plus leur travail. Et quid des personnes qui ne peuvent pas se déplacer, qui sont, par exemple, en isolement thérapeutique ? Cela nous laisse vraiment perplexes…

Christine Abad

Si le patient est délirant ou halluciné, on ne pourra pas le jeter en pâture lors d’une séance publique au tribunal, ce serait moyenâgeux ! Un déplacement du juge est peut-être plus adapté, mais la justice en a-t-elle les moyens ? Quant à la visioconférence, elle n’est pas idéale pour favoriser l’échange. Et quelle capacité ont les juges pour évaluer l’état du patient ? Ils ne sont pas formés.

Olivier Mans

On va faire des visioconférences deux jours par semaine avec le JLD. Comment réagiront nos patients psychotiques, qui ont déjà l’impression d’avoir des caméras dans la tête ?

* Pour les malades « à risque » – ceux ayant fait l’objet d’une hospitalisation en UMD depuis moins de dix ans ou d’une déclaration d’irresponsabilité pénale –, un collège composé de deux psychiatres et d’un membre de l’équipe soignante pluridisciplinaire rendra un avis pour tout changement de prise en charge.