SENIORS
ACTUALITÉ
DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS
La pédagogie Montessori, utilisée dans l’enseignement pour les enfants dits inadaptés, fait son chemin auprès des personnes âgées désorientées. Des formations se développent.
Je veux initier une activité avec un résident, comme plier du linge. Comment je m’y prends ? » Silence dans la salle de formation. Une aide-soignante hasarde : « Je lui demande ? » Mauvaise réponse. « Il faut sortir du verbal. Commencez l’activité avec lui, et il y a des chances pour qu’il suive », recommande Olivia Charbit. Voilà un peu plus d’un an que la formatrice transmet, ainsi, la méthode Montessori à des équipes soignantes pluridisciplinaires un peu partout en France. Ce jour-là, c’est dans un Ehpad de Rueil-Malmaison (92) que cela se passe. « Les anciennes pratiques sont tenaces, il faut persévérer ! », explique-t-elle.
Développée par le médecin italien Maria Montessori au début du XXe siècle, cette pédagogie s’appuie, notamment, sur l’épanouissement de l’enfant par l’activité qu’il accomplit lui-même. Selon elle, le frein à toute évolution réside dans l’idée que l’on a qu’une personne n’est pas (ou n’est plus) capable de faire telle ou telle chose. Cette approche a été adaptée aux personnes âgées désorientées par le neuropsychologue américain Cameron Camp.
« Il existe de nombreuses formations sur la maladie d’Alzheimer », note Françoise Leblanc, également formatrice chez AG & D, le seul organisme qui enseigne cette approche à ce jour. « Mais peu expliquent aux soignants comment faire, en particulier comment communiquer. Celle-ci leur dit comment s’adapter au patient pour l’aider à “faire seul” », commente-t-elle. Pour cela, il faut d’abord recenser les acquis restants. « Et la liste est souvent plus longue que ce qu’on avait imaginé, vous seriez surpris ! », assure, de son côté, Olivia Charbit.
Formée il y a quelques mois, Sophie Galtié, infirmière à l’Aubergerie du 3e âge à Quincy-sous-Sénart (91), se sert de ce nouvel outil au quotidien. « C’est une autre manière de communiquer. C’est très intéressant. On veut adapter nos rituels de la vie moderne à des patients : les repas, la douche, aller aux toilettes… Mais ils ont perdu toutes ces conceptions ! S’adapter à leur rythme leur permet, au contraire, d’être bien plus autonomes », explique-t-elle.
Les Ehpad ne sont pas les seuls séduits. Récemment, le CHRU de Lille a formé 65 personnes du service orthopédie-traumatologie. « Le constat était que les soins techniques post-opératoires semblaient très bien assurés, mais que l’accompagnement des personnes âgées, très nombreuses dans ces services, restait un échec, mettant les équipes en souffrance. Depuis, il s’avère que les contentions sont beaucoup moins utilisées, et que les services “criants”
1– Expression utilisée dans le Nord pour les services où les personnes âgées crient beaucoup.
« La devise Montessori est “Aide-moi à faire seul”. Elle valorise le patient, lui donne la possibilité d’avoir un sentiment d’utilité et, donc, d’existence. En se focalisant sur des activités simples, on joue sur la mémoire procédurale : celle qui lui permet de manger seul, de nouer ses lacets… Autant de réflexes manquants qui sont à l’origine de troubles du comportement que l’on peut éviter. La formation peut changer le regard des soignants sur la maladie, souvent négatif et teinté d’impuissance. Ces derniers se sentent moins démunis pour accompagner le résident. Mais cela demande de changer beaucoup de choses dans l’organisation. Il faut que le personnel d’encadrement soit partie prenante du concept, qu’il soit prêt à l’inscrire dans le projet institutionnel de l’établissement. »
PROPOS RECUEILLIS PAR C.A.
→ Alzheimer et communication non verbale, Cécile Delamarre, éd. Dunod, 26 € (en librairie depuis le 1er juillet 2011)