À LA RECONQUÊTE DE L’ESTIME PERSONNELLE - L'Infirmière Magazine n° 284 du 01/09/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 284 du 01/09/2011

 

ADOLESCENTS

DOSSIER

PRISE EN CHARGE

Prise de conscience, premières expériences sexuelles… : un suivi multi–disciplinaire des patients adolescents s’impose, qui leur réserve écoute et disponibilité pour les aider à asseoir leur confiance en eux-mêmes.

La majorité des adolescents qui vivent avec le VIH ont été contaminés par voie materno-fœtale. Si, dans la majorité des cas, leur état de santé général est comparable à celui de leurs pairs, la particularité qu’induit leur maladie prend tout son relief aux abords de l’adolescence et peut être la source d’une grande souffrance psychologique. Une prise en charge spécifique s’avère nécessaire lors de cette étape capitale pour leur construction personnelle.

Isolement

« Avec l’arrivée de nouveaux questionnements liés aux premiers émois sexuels, ils opèrent une prise de conscience massive de l’origine de leur maladie et des conséquences sociales et personnelles de leur séropositivité. Ils prennent également conscience du fait qu’ils portent un virus mortel qu’ils peuvent transmettre », résume Marie-Laure Brival, gynécologue à la maternité des Lilas. Cette découverte renforce un isolement vécu depuis l’enfance. Ces jeunes patients ont en effet grandi, dans la plupart des cas, dans le tabou au sujet de leur maladie, de celle de leur mère et dans une vie familiale parfois très éloignée de la norme. Alors que, durant l’enfance, le traitement pouvait représenter une forme de routine, il perd souvent son caractère d’évidence à l’adolescence. Les invitations à passer la nuit chez un(e) camarade ou à participer à un séjour scolaire représentent alors des moments de vive tension. La volonté d’être comme les autres, la honte vis-à-vis de sa maladie, la révolte et le recours à la prise de risque peuvent conduire à une perte de l’observance.

L’entrée dans la sexualité de ces jeunes patients, qui se fait souvent selon un mode traumatisant, est également un enjeu important de leur prise en charge. Le docteur Brival décrit les deux types d’attitudes qu’adoptent les adolescentes vivant avec le VIH : « Il y a celles qui se placent en retrait de toute vie sexuelle. Plutôt que d’avoir à parler de leur maladie à un partenaire sexuel et de risquer d’être rejetées, elles préfèrent éviter toute rencontre, toute relation. À l’inverse, certaines jeunes filles adoptent un relativisme absolu et mettent leur corps à la portée de n’importe quel garçon, sans insister pour que les rapports sexuels soient protégés. »

Disponibilité

Des rendez-vous réguliers avec un praticien permettent d’écouter les adolescents, de les aider à poser des mots sur leurs premiers émois sexuels et de leur donner sans détour toutes les informations nécessaires pour s’approprier leur sexualité. « Je dis à mes jeunes patientes qu’elles sont importantes à mes yeux, explique Marie-Laure Brival. C’est un discours qu’elles ont rarement l’habitude d’entendre. Pour qu’elles puissent peu à peu s’autoriser à avoir une vie de femme, c’est important pour elles d’avoir leur gynécologue. » La praticienne insiste sur la nécessité de « se montrer très disponible pour les rendez-vous. Quand un adolescent est prêt, il faut pouvoir le recevoir au moment qu’il propose. Sinon, le risque est grand de ne plus le revoir ».

Anticiper

Une prise en charge multidisciplinaire permet aux patients adolescents de reconquérir leur estime personnelle, de retrouver une bonne observance et de se préparer à sortir du secret quand le moment sera venu.

Il est, enfin, nécessaire de veiller à ce que le passage à une prise en charge dans un service adulte se fasse dans les meilleures conditions. Il peut être difficile pour eux de quitter un pédiatre qui les suit souvent depuis leur naissance. La proximité avec des patients adultes, pouvant présenter des atteintes somatiques importantes, et l’éventuelle fréquentation du service par un parent risquent aussi de les rebuter. On doit les y préparer, et prévoir la présence physique éventuelle du pédiatre le jour de la première consultation.