ACTUALITÉ
CHRONIQUE
Fin de nuit blafarde, me voilà adressée aux urgences pour suspicion de péritonite. Je grelotte de douleur, encore interdite de me retrouver là. Mais, pas le temps de disserter sur ma position dans l’envers du décor : une jeune infirmière pimpante de l’équipe du matin, flanquée de sa stagiaire, me brancarde dans le box. Recroquevillée sur le mal qui me tiraille le ventre, je me prête aux examens et soins de première nécessité. Tandis que je suis branchée et surveillée, la jeune femme réclame toute mon attention : « Madame, il faut que j’évalue votre douleur : 1, vous n’avez presque pas mal ; 10, votre douleur est insupportable. Pouvez-vous me la quantifier avec un chiffre ? » Incrédule, je murmure « 9 ». Une bonne heure passe. Les deux soignantes reviennent vers moi. « Madame, il faut que j’évalue votre douleur : 1, vous n’avez presque pas mal ; 10, votre douleur… » Je supplie : « Je ne sais pas… 9, 10, c’est pire ! Pourriez-vous me faire un calmant ? » L’infirmière note ma réponse et, regardant le scope fixé vers 150, déclare doctement à la stagiaire perplexe : « Cette malade a de la fièvre, c’est ce qui explique sa tachycardie. » Retrouvant un peu de courage, je me hasarde : « La douleur aussi, peut-être… » Disparition des deux acolytes, qui vont sûrement chercher de quoi me soulager.
Fin de matinée, un aller-retour en radio me laisse exsangue, demi-corps transpercé par des coups de sabre. L’infirmière me retrouve, inquiète du temps passé sans m’interroger. Elle me lance : « Madame, il faut que j’évalue votre douleur : 1, vous n’avez presque pas mal, 10… » Dans un souffle de colère salutaire, je lâche enfin : « Si vous ne faites pas quelque chose tout de suite, je serai sûrement inconsciente à la prochaine question ! » L’anesthésiste passe la tête : « Je vous fais prescrire un antalgique… » Sauvée ! J’ai cru que j’allais avoir mal jusqu’à 11…