Cet été, l’Ordre national des infirmiers (Oni) a connu une grande valse des présidents. Le 8 juillet, Dominique Le Bœuf a ouvert le bal, invoquant le manque de soutien du ministère de la Santé et d’une partie du bureau national. Alors désigné président par intérim, David Vasseur a raccroché les gants trois petites semaines plus tard. Le groupe BPCE(1), principal partenaire financier de l’Oni, venait d’annoncer qu’il ne reconduirait pas sa ligne de crédit en août. Uppercut… L’Ordre était KO debout. Affichant déjà un passif de 9 millions d’euros, et dans l’incapacité d’honorer ses créances, il était, de facto, en cessation de paiement. Dans une dernière lettre désespérée adressée à Nicolas Sarkozy, le 28 juillet, David Vasseur écrit : « Monsieur le président, je me tourne vers vous dans un dernier élan d’espoir qu’un geste d’ouverture de la part du groupe BPCE permette à l’Ordre national des infirmiers de perdurer au service de la population. » Supplique visiblement entendue, puisque Didier Borniche, infirmier au CHU de Rouen et nouveau président par intérim, annonçait quelques jours plus tard qu’un accord avait été trouvé avec la BPCE : la banque acceptait, ainsi, de surseoir à sa créance, laissant quatre semaines à l’instance pour trouver une solution. Bref, à l’heure où nous écrivons, l’Ordre n’est pas tout à fait au tapis, certes, mais le décompte a commencé.
Jusqu’à l’étranglement
En l’état, sa marge de manœuvre est plus qu’étroite. Il doit réduire substantiellement son train de vie tout en engrangeant davantage de cotisations, sachant que Xavier Bertrand, ministre de la Santé, a indiqué(2) qu’il ne contraindrait pas les infirmières salariées à cotiser… Selon l’Ordre, 58 000 infirmières seraient à jour de leur cotisation cette année(3), soit quelque 13 % de l’ensemble du corps infirmier. L’Oni s’est donné pour objectif de doubler cet effectif en 2012. Même ainsi, il resterait encore loin des 480 000 adhésions sur lesquelles il avait tablé lors de sa création. Côté cordons de la bourse, le plan de restructuration s’annonce tellement serré qu’on peut parler d’étranglement. L’Ordre pourrait en effet ne conserver que 20 % de ses structures de fonctionnement et diminuer sa masse salariale de deux tiers. Dans ces conditions, la question de sa viabilité se pose clairement. Contactée, la rue Sainte-Anne reste muette. Sans doute préfère-t-elle préparer le prochain round en toute discrétion. Du côté des anti, on ne baisse pas la garde. Une intersyndicale (CFDT, CFTC, CGT, FO, Sud, Snics et Unsa) réclame une fois de plus(4) l’abrogation pure et simple des lois et décrets qui ont institué l’Oni. L’élection d’un nouveau bureau national de l’Ordre, dont plusieurs membres ont démissionné au cours de l’été, doit être organisée lors du premier conseil national de la rentrée, en septembre. Une façon de dire que l’Ordre n’est pas mort. Enfin, pas encore…
1– Banque populaire-Caisses d’épargne.
2– Lettre adressée à l’Oni le 13 juillet.
3– En revanche, au 29 juin, le site de l’Oni recensait 97 770 inscrits : seuls 60 % d’entre eux seraient donc à jour de cotisation.
4– Un courrier adressé à Xavier Bertrand, le 12 juillet, l’appelle à renforcer les pouvoirs du Haut Conseil des professions paramédicales et à « organiser une table ronde avec les réels représentants des salariés que sont les organisations syndicales »…