PRATIQUE INFIRMIÈRE
ACTUALITÉ
DU CÔTÉ DES… COLLOQUES
Le Français Philippe Delmas et la Canadienne Lyne Cloutier plaident pour formaliser et développer la pratique de l’examen clinique par les infirmières.
Ce dont on va parler, vous verrez que vous le faites déjà… La particularité, en France, c’est que ce n’est pas systématisé, pas reconnu comme de l’examen clinique. » Ce constat, Lyne Cloutier, professeure et chercheuse québécoise en sciences infirmières, le répète souvent lorsqu’elle s’adresse à des infirmières françaises, comme fin mai, lors d’une journée sur la recherche paramédicale
Dans l’Hexagone, explique-t-elle, on effectue bien un recueil de données, mais sans que soit formalisé un examen clinique infirmier comme au Québec. Là-bas, cette pratique est devenue obligatoire quand un patient arrive à l’hôpital. Il s’agit de réaliser « un examen complet… mais qui va être réduit : suivant l’unité de soins, certains éléments seront plus pertinents que d’autres. On ne va pas faire l’examen gynécologique à chaque fois ! », plaisante-t-elle. Cette démarche permet de faire des rapprochements entre les diverses données recueillies, et d’aborder le patient dans sa globalité. « L’examen clinique comprend deux grands axes : d’une part, l’histoire de santé, et, de l’autre, l’examen physique », rappelle Philippe Delmas. Français devenu docteur en sciences infirmières au Québec, ce cadre expert au GH Cochin-Broca-Hôtel-Dieu (AP-HP), chargé du développement de la recherche, enseigne actuellement à la Haute École La Source, à Lausanne (Suisse). Il a contribué avec Lyne Cloutier à mettre en place un programme de formation franco-québécois à l’examen clinique (lire l’encadré ci-dessous). Selon lui, les infirmières françaises maîtrisent bien l’entretien, mais sont moins rompues à l’examen physique (« recueillir les signes objectifs, palper, ausculter, percuter… »).
La clinique serait-elle l’apanage des médecins ? Pourtant, avec l’essor de l’imagerie, ces derniers y recourent de moins en moins. Pour les infirmières, estime Philippe Delmas, il y aurait matière à « se réapproprier des choses », dans le but d’évaluer les besoins du malade. Tout en restant dans leur rôle. « Un patient présentant une douleur thoracique, je ne vais pas le diagnostiquer à la place du médecin, prévient Lyne Cloutier, mais je m’assure qu’il aura rapidement un traitement. » Pour formaliser l’examen clinique, « vous n’avez pas à demander la permission. Cela fait partie de votre pratique, de votre législation depuis longtemps ! », commente-t-elle.
Elle ajoute : « Qualifiez, quantifiez chaque fois que c’est possible. Au sein de votre service, faites-vous des cas cliniques pour les situations que vous rencontrez souvent. » Dans la salle, des mains se lèvent. « Je travaille en hôpital de jour, on nous en demande toujours plus. Je ne vais pas passer 45 minutes au lit de chaque patient ! », objecte une IDE. Philippe Delmas admet qu’« en hôpital de jour, un examen complet n’a pas lieu d’être. Il doit être ciblé ». D’ailleurs, note-t-il, l’examen clinique a surtout de l’intérêt dans les vingt-quatre premières heures. « Et il peut très bien être effectué en équipe. » Au final, « vous faites gagner du temps au médecin, au kiné, à vos collègues. Plus vous démontrerez que vous êtes un gain pour l’hôpital, plus votre activité aura une visibilité. »
Comment développer cette pratique en France ? Philippe Delmas voit des signes positifs dans le nouveau programme de formation en Ifsi
1– Cette journée a été organisée à l’hôpital Bichat le 24 mai par le groupe hospitalier HUPNVS (Beaujon, Bretonneau…) de l’AP-HP. L’occasion de faire connaître les projets de recherche infirmière et paramédicale présentés par les équipes dans le cadre du PHRI et du PHRIP.
2– Voir, notamment, la compétence 1 du nouveau référentiel : « Évaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier ».
Dans le cadre de la formation continue, le GH Cochin–Broca–Hôtel-Dieu a mis en place une unité d’enseignement de l’examen clinique délivrée par l’Université de Québec à Trois-Rivières. Elle a été supervisée par Philippe Delmas et le Pr Josette Dall’ava. Les cours théoriques étaient délivrés par visio-conférence par Lyne Cloutier, et des TP ont permis de pratiquer les examens sous l’égide de médecins des services. Les premiers diplômes ont été remis le 23 mai dernier.