DOSSIER
PRISE EN CHARGE
La prise en charge des patients infectés par le VIH s’appuie le dialogue et l’écoute, afin d’aider le patient à respecter une bonne observance. La mise en place du traitement, si elle est régie par des données objectives, doit s’élaborer avec l’assurance de l’adhésion du patient.
En 2011, même si le pronostic de l’infection VIH a été considérablement amélioré par les traitements antirétroviraux, l’annonce du diagnostic représente toujours un bouleversement pour le patient. Les mêmes questions émergent sur la vie avec le virus, les risques, le traitement, la possibilité de travailler. La première consultation est l’occasion de donner des informations sur la maladie, la vie avec la pathologie, et d’instaurer une relation de confiance avec le patient.
Il est préférable que le médecin référent puisse travailler en binôme avec le médecin traitant pour un suivi alterné. Un bilan biologique et clinique est nécessaire tous les trois, quatre ou six mois, en fonction des situations.
Les recommandations du rapport Yéni (voir Savoir plus p. 42) précisent que « les patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 compris entre 350 et 500 mm3 » doivent « débuter un traitement antirétroviral, sauf si le patient exprime qu’il n’est pas prêt ». Le traitement est nécessaire sans délai pour les patients symptomatiques ou ceux dont le nombre de lymphocytes CD4 est inférieur à 350 mm3.
La décision de mise en place du traitement doit se prendre conjointement avec le patient. Noëlle Bernard, médecin référent au CHU de Bordeaux, précise : « Nous modulons ces dispositions en fonction de la personne que l’on a en face de nous. Elle est prête, ou elle n’est pas prête. Cela a été le cas avec une patiente dont le nombre de CD4 justifiait un traitement, mais qui vomissait dès qu’elle voyait la boîte de médicaments. J’ai préféré différer le traitement pour qu’il soit bien pris plutôt que de le mettre en place coûte que coûte. Elle aurait alors acquis des résistances et amputé définitivement ses possibilités thérapeutiques pour l’avenir. Elle a été préparée pendant un an par une psychologue, c’était le préalable nécessaire au traitement médicamenteux. » Un dialogue avec le médecin, un appui psychologique et des séances d’éducation thérapeutique peuvent aider le patient à se préparer à la mise en place de son traitement. Dans le cadre du réseau ville–hôpital, une infirmière libérale peut intervenir à domicile pour accompagner cette initiation.
Le niveau d’observance nécessaire à une bonne réponse immunovirologique des traitements se situe à plus de 95 %. Afin d’éviter toute mutation ou résistance du virus, il est nécessaire que le patient prenne son traitement tous les jours, à heure fixe une à deux fois par jour, en fonction des traitements.
Césaltine Dos Santos, infirmière à l’hôpital de jour VIH du CHU de Bordeaux, insiste sur la nécessité de prendre en compte la psychologie du patient : « Nous posons des questions ouvertes. Par exemple, demander à un patient combien de fois il a oublié de prendre son traitement durant le mois passé permet de ne pas le culpabiliser et d’obtenir une réponse qui se rapprochera de la réalité. Si on lui demande s’il a bien pris son traitement, il répondra immanquablement par l’affirmative. » « Nous ne sommes pas dans une comptabilisation précise de l’observance, explique Frédérique Beaumont, infirmière dans le même service. Nous essayons de nous faire une idée générale. Un seul oubli par mois peut déjà avoir des conséquences. »
En cas d’observance insuffisante, il est nécessaire d’en comprendre les causes afin d’élaborer avec le patient des stratégies adaptées. L’emploi d’un pilulier hebdomadaire, d’un bipeur téléphonique permet de pallier les oublis et d’anticiper le renouvellement mensuel du traitement en pharmacie. L’utilisation d’un pilulier hebdomadaire peut être complétée par celle d’un pilulier journalier. Le patient le garde auprès de lui, cela lui permet de prendre son traitement de la façon la plus discrète possible au quotidien, notamment lorsqu’il est en déplacement. Les oublis peuvent également provenir d’une lassitude, d’un « ras-le-bol » vis-à-vis de la maladie. L’écoute sans jugement des soignants et, dans ce cas, fondamentale. Noëlle Bernard insiste sur l’importance d’« offrir au patient la possibilité de dire “ça ne va pas, je ne suis pas bien avec ce traitement”. »
Les effets secondaires sont bien souvent à l’origine d’une observance insuffisante. Il s’agit en premier lieu d’évaluer si les troubles ressentis sont véritablement liés au traitement. Si ces effets sont avérés et gênants, une prescription médicale permettra de les contrer. S’ils se prolongent, une nouvelle combinaison thérapeutique sera discutée avec le médecin référent.
En cas de lassitude profonde, il peut être envisageable de réaliser un break thérapeutique, après discussion et avec l’aval du médecin référent.
La prise en charge sera renforcée par l’éducation thérapeutique. Les études récentes montrent que les patients touchés par le VIH, même bien équilibrés et respectant une bonne observance, connaissent un vieillissement prématuré. Ils développent davantage de complications cardio-vasculaires que la population générale. Ils sont plus fréquemment atteints d’ostéoporose (notamment les hommes) et de troubles mnésiques. En cas d’hépatite C, l’apparition de la cirrhose est plus précoce. Ces patients souffrent également davantage de cancers, notamment pulmonaires.
Une prise en charge globale permet d’éviter, de dépister ou d’accompagner ces troubles. L’éducation thérapeutique aide à sensibiliser le patient à la nécessité d’améliorer son hygiène de vie : alimentation, exercice physique, sevrage du tabac. En effet, le tabagisme a une prévalence de 50 % chez les patients infectés par le VIH (soit deux fois plus que chez la population générale), et le rapport Yéni souligne qu’il « doit être reconnu comme l’un des principaux facteurs de risque de morbidité et de mortalité chez les patients infectés par le VIH ».
Ainsi, les séances d’éducation thérapeutique permettent au patient de comprendre sa pathologie, l’importance du traitement et, avant tout, d’une bonne observance. Elles l’aident à vivre avec le virus (prévention, vie affective et sociale) et peuvent être l’occasion de déconstruire certaines idées reçues et fausses sur la maladie.
En 2011, un tiers des personnes contaminées par le VIH, soit 50 000 personnes sur 150 000, ne savent pas qu’elles sont « séropositives ». Cette ignorance est à l’origine des deux tiers des nouvelles contaminations, qui concernent chaque année, en France, entre 7 000 et 8 000 personnes.
Dépistage précoce
On observe également un retard au diagnostic. Selon les données de déclaration obligatoire de la séropositivité, en 2008, la proportion de patients diagnostiqués avec un nombre de lymphocytes CD4 inférieur à 200 mm3 est de 29 %. Un surcroît de décès de 10,9 % est attribuable à cette prise en charge tardive.
Le dépistage « précoce » permet d’avoir un meilleur taux de CD4 au moment du diagnostic et d’améliorer la survie du patient. De plus, un traitement efficace permet de réduire la transmission du virus et donc de limiter la diffusion de l’épidémie. Proposer un dépistage, c’est aussi offrir un temps pour parler de prévention.
Recommandations
Forte de ces constats, la HAS (Haute Autorité de santé) recommande le dépistage (avec obligation d’informer la personne) pour toute personne de 15 à 70 ans, au moins une fois dans sa vie, et un dépistage régulier pour des populations ciblées : les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les hétérosexuels ayant plus d’un partenaire dans l’année, les partenaires des patients infectés par le VIH, les utilisateurs de drogue par voie intraveineuse, les personnes pratiquant la prostitution, les personnes originaires des Antilles, de la Guyane et de l’Afrique subsaharienne. Un dépistage s’impose également lors de certains événements : grossesse, infection sexuellement transmissible, hépatite B ou C, viol, détention, mise sous contraception.