Les risques électriques - L'Infirmière Magazine n° 285 du 15/09/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 285 du 15/09/2011

 

FORMATION CONTINUE

FICHE TECHNIQUE

La complexité de la prise en charge d’une victime électrisée dépend tout autant de l’origine de l’électrisation que de l’électrisation elle-même. Connaître les mécanismes lésionnels ainsi que les conséquences physiopathologiques et cliniques est un préalable indispensable.

DÉFINITION

On distingue l’électrisation de l’électrocution.

→ L’électrisation désigne l’ensemble des conséquences de l’exposition au courant électrique.

→ On parle d’électrocution en cas d’arrêt cardio-respiratoire par électrisation. Le courant électrique passe par le cœur et provoque une fibrillation ventriculaire.

PHYSIOPATHOLOGIE

Le parcours du courant à l’intérieur du corps joint un ou plusieurs points d’entrée et de sortie. Le point de sortie est souvent en contact avec le sol (terre). Entre ces points, le courant électrique parcourt l’organisme en suivant, en général, les axes vasculo-nerveux. Sur le trajet surviennent des dysfonctionnements électriques cardiaques, neurologiques et musculaires.

Les effets du choc électrique varient en fonction de la qualité des « éléments conducteurs » qu’il rencontre.

Voici quelques exemples, du moins résistant au plus résistant :

Nerfs → Vaisseaux sanguins → Muscles → Peau → Tendons → Graisse → Os

La brûlure, le choc électrique cellulaire avec modification de la porosité ainsi que la rhabdomyolyse (destruction des cellules musculaires) sont des conséquences fréquentes de l’électrisation grave.

SYMPTÔMES

Les situations cliniques sont variées, allant de la personne choquée (simple vasospasme avec réaction chronotrope positive) à la victime en arrêt cardiaque. Tous les tissus de l’organisme sont susceptibles d’être atteints par des lésions d’électrisation. (Pour le détail de ces lésions et les différentes détresses, lire page suivante, à droite).

FACTEURS DÉTERMINANT L’IMPORTANCE DES LÉSIONS ÉLECTRIQUES

Facteurs liés au courant

→ Type (continu ou alternatif), intensité et tension.

→ Trajet :

– long : à risque d’arrêt cardiaque (main-main, tête-pieds) avec brûlure électro-thermique profonde.

– court : enfant mettant deux doigts dans la prise, avec brûlure profonde, localisée, invalidante.

→ Temps de contact :

– prolongé : par les contractions musculaires collant la victime au conducteur.

– court : en cas de projection ou de coupure de courant.

Exemple : un pêcheur entre en contact, par le biais de sa canne à pêche, avec une ligne à haute tension et reste « collé ». On retrouve ici plusieurs facteurs de gravité : ampérage et voltage forts ; trajet long (main-pied) ; et temps de contact important.

Facteurs liés au sujet

La résistance globale au passage du courant varie selon :

→ l’humidité au point de contact ;

→ la résistance du corps : le corps humain se comporte comme un noyau conducteur (nerfs, vaisseaux, muscles), enveloppé d’une écorce isolante, la peau. La peau n’est isolante que si elle est sèche. Au-delà de 1 000  volts, il y a rupture électrique de la peau et donc baisse de la protection.

À noter : le matériel médical (sondes, voie veineuse centrale…) contribue à conduire directement le courant au cœur.

→ L’isolation électrique peut être améliorée par les vêtements (notamment les chaussures) et le sol (moquette…).

Exemple : en cas d’électrisation dans une salle de bain, le sujet, nu et mouillé, est en situation de résistance minimale.

CONDUITE À TENIR

→ Protéger et alerter.

→ Couper ou faire couper le courant sans toucher le corps de la victime.

→ Attention aux pièces humides, à la pluie, aux surfaces métalliques.

Prise en charge initiale et secondaire

→ Mobiliser le patient avec prudence, en respectant l’axe tête-cou-tronc.

→ Mettre en place, dès que possible, une surveillance par ECG sur 24 heures. Évaluer la situation initiale et dépister d’éventuelles aggravations.

→ Installer le patient inconscient qui ventile en position latérale de sécurité (PLS).

→ Prise en charge conventionnelle de l’arrêt cardiaque s’il survient.

→ Le relais par une équipe médicale doit être le plus précoce possible.

→ La prise en charge médicale thérapeutique commence généralement par un remplissage vasculaire.

→ La mise en condition et l’évacuation par Smur doivent être effectuées (risque de troubles du rythme – excitabilité et conduction modifiées –, d’angor, d’infarctus, de fibrillation ventriculaire voire d’asystolie).

– Oxygénation précoce, défibrillation, intubation, ventilation sont à faire. En cas de besoin, des drogues d’urgence seront administrées après évaluation médicale.

– Le traitement médical des brûlures par perfusion de solutés cristalloïdes doit être entrepris.

– Une chirurgie de sauvetage (fasciotomie de décompression, excisions, amputations), doit fréquemment être entreprise, à distance de la prise en charge initiale.

À l’hôpital

Une réévaluation de toutes les grandes fonctions et un bilan traumatique sont menés.

LA PRÉVENTION AVANT TOUT

La prévention des accidents électriques est fondamentale, en particulier pour les accidents du travail au sein des professions exposées, et vis-à-vis des accidents domestiques chez les enfants.

→ Prévention des accidents domestiques :

– surveiller les enfants et poser des cache-prises ;

– ne pas poser d’élément conducteur près des sources de courant ;

– conserver des outils en bon état de marche.

→ Prévention des accidents professionnels :

– respecter normes, équipement de sécurité et procédures de sécurité réglementaires (actions de prévention, sensibilisation du personnel, référents).

→ Prévention d’une fulguration

– éviter toute activité extérieure pendant un orage ;

– s’isoler du sol, s’allonger, s’éloigner des parois.

REPÈRES

→ Épidémiologie et spécificité des risques électriques

→ Le recensement des accidents électriques est difficile car tous ne donnent pas lieu à une prise en charge.

– On déplore 100 décès par an en France (électrocutions), soit 1 personne tuée tous les trois jours. À ce bilan s’ajoutent plusieurs milliers de blessures invalidantes.

– Les accidents domestiques représentent 55 % des circonstances recensées, pour 45 % d’électrisations par courant à haute tension.

– 2,7 à 6 % des admissions au sein des centres de brûlés dans les pays occidentaux relèvent d’accidents électriques, avec une mortalité variant de 3 à 15 %, soit 5 décès par million d’habitants.

→ Les risques particuliers

– Électricité à usage médical : blocs opératoires, endoscopie et défibrillateurs.

– Électricité naturelle : foudre (10-20 morts/an en France) et poisson (exceptionnel).

Sources : INRS et diaporamas médicaux

→ Données chiffrées

→ Pour un courant alternatif standard (50 Hz)

– Seuil de sensation : 0,2 – 0,4 mA ; douleur à partir de 5 mA

– Seuil de lâcher prise (ou de rester pris = tétanisation): 10 – 15 mA

– Seuil d’asphyxie (spasme du diaphragme) : 15 – 25 mA

– Seuil de fibrillation : 30 – 100 mA

POUR EN SAVOIR PLUS

→ Guide national de référence PSC 1.

→ AFGSU niveau 1.

→ Guides nationaux de référence PSE 1 et PSE 2.

→ Lettre de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) du mois de mars 2011 sur le risque électrique (http://kiosque.-inrs.fr/lettre/-archives/)

→ Décret n° 2010-1016 du 30 août 2010 relatif aux obligations de l’employeur pour l’utilisation des installations électriques des lieux de travail.

DÉTRESSE ET LÉSIONS

→ Détresse circulatoire

→ Deux mécanismes impliquent une surveillance ECG/24 h (30 % des cas de personnes électrocutées).

1– Les troubles de repolarisation sont fréquents et peuvent persister plusieurs jours.

2– Ces mêmes signes électriques peuvent survenir quelques jours après l’accident.

→ Autres détresses circulatoires

– Atteinte myocardique, angor, infarctus (atteinte directe, ou secondaire à l’anoxie).

– Hémorragie, anévrysme ou thrombose, hémolyse, CIVD.

→ Détresse respiratoire

Détresse ventilatoire initiale, traumatique, et obstruction des voies aériennes par brûlure.

→ Détresse et séquelles neurologiques

→ Encéphaliques : hémiplégie, paraplégie, tétraplégie, comitialité…

→ Médullaires : destruction de la moelle, fracture du rachis, dénervation d’un membre, thrombose des artères spinales (paraplégie, tétraplégie).

→ Séquelles neuro­sensorielles et des nerfs périphériques.

→ Autres détresses

→ Risques musculaires et rénaux, trophiques, traumatiques, stress post-traumatique et dépression.

→ Iléus paralytique, ulcérations et/ou perforations gastriques.

→ Lésions oculaires et/ou auditives en cas de passage du courant par l’extrémité céphalique.

(Liste non exhaustive)