L'infirmière Magazine n° 285 du 15/09/2011

 

SOINS PALLIATIFS

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

L’Oasis, maison de répit et de soins palliatifs pédiatriques à Seysses, près de Toulouse, est une structure unique en France, conçue comme une alternative à l’hôpital et au domicile familial pour des enfants atteints de maladies incurables et leurs familles.

L’arrivée d’Andy à l’Oasis n’était pas programmée. Mais le vécu de l’enfant et de sa famille à domicile devenait intenable. Andy, 8 ans, atteint d’une tumeur du tronc cérébral, vomissait chaque nuit depuis quelques jours. Sa mère, déboussolée, ne savait plus quoi faire et ne cessait de parler de la possibilité d’un retour à l’hôpital, même si l’état clinique de son fils ne l’imposait pas. « Au terme d’un échange prudent, pudique, l’idée d’un séjour de quelques jours à l’Oasis a alors fait son chemin… L’idée étant d’éviter une hospitalisation tout en offrant une prise en charge, notamment soignante, qui rassurerait la famille, lui permettrait de souffler », explique Agnès Suc, responsable des soins palliatifs pédiatriques au CHU de Toulouse et coordinatrice du réseau Enfant-Do, équipe mobile régionale douleur et soins palliatifs.

Ouverte en décembre dernier à Seysses, près de Toulouse, l’Oasis, maison de répit et de soins palliatifs pédiatriques, a pour objectif d’offrir à des enfants atteints de maladies incurables, et à leurs familles, un espace où se poser un moment, quel que soit le stade de la maladie. Un lieu à mi-chemin entre l’hôpital et le domicile, parfois mal adaptés aux vécus douloureux courant de l’annonce du diagnostic à la fin de vie d’un enfant. Portée depuis 2008 par Christophe Carpentier, infirmier anesthésiste, ancien membre d’Enfant-Do et aujourd’hui directeur de l’Oasis, la structure, unique en France, a été créée par la Croix–Rouge en partenariat avec le CHU de Toulouse, engagé dans l’aventure par le biais d’Enfant-Do. « Voir des parents pleurer la mort de leur enfant dans les couloirs d’un hôpital, sans qu’un accompagnement spécifique ait toujours pu être mis en place, souvent parce que les équipes manquent de formation en la matière ; voir des enfants atteints de maladies incurables rester à l’hôpital alors qu’ils n’ont plus rien à y faire. Voir aussi familles, et parfois équipes soignantes, s’épuiser à domicile… Ce sont ces situations qui nous ont convaincus qu’il manquait un lieu dédié, un chaînon dans la prise en charge », explique Maryline, Iade, membre du réseau.

L’Oasis doit, notamment, pouvoir permettre d’attendre le retour à domicile dans un lieu autre que l’hôpital, le temps de préparer un retour à domicile ; d’offrir un temps de répit à la famille et à l’équipe libérale, ou de rééquilibrer un traitement, dans le cadre d’une prise en charge à domicile ; d’accompagner un enfant en toute fin de vie lorsque la famille en fait la demande ; et de soutenir les proches après le décès de l’enfant. L’accompagnement des enfants et de leurs familles y mobilise une équipe pluriprofessionnelle, formée aux soins palliatifs : quatre gouvernantes, assurant une présence jour et nuit, quatre infirmiers dont deux puériculteurs, un pédopsychiatre à temps partiel, et deux psychologues à mi-temps. Une équipe renforcée par les vacations assurées par des membres du réseau Enfant-Do – Agnès Suc, médecin, présente deux demi-journées par semaine, et les trois Iade du réseau, présents chacun une demi-journée par semaine.

Espace de vie

« Lieu de répit, l’Oasis n’est aucunement un hôpital en miniature, explique Mathieu, infirmier puériculteur. La structure est, et doit rester, un espace de vie. Ici, au delà des soins nécessaires à chaque enfant, priorité est donnée au respect des rythmes et des besoins de chacun. » À l’appui de ses dires, le bâtiment de 350 m2 a d’ailleurs des airs de maisonnée colorée. Il comprend quatre chambres pouvant accueillir chacune un enfant et l’un de ses parents, une suite familiale, et des espaces de vie partagés. Le lieu est médicalisé certes, mais jusqu’à un certain degré seulement. « Nous ne sommes pas équipés pour recevoir, par exemple, un enfant avec une ventilation assistée 24 heures sur 24 avec trachéotomie », explique Marianne, infirmière. Une restriction qui n’est pas vécue par l’équipe comme une « limite » technique mais plutôt comme une correspondance au projet des lieux. « Pansements, nutrition parentérale, mise en place de sédation en toute fin de vie… Bien sûr, explique Marianne, notre rôle infirmier n’est pas dénué de tout aspect technique. Mais l’essentiel n’est pas là. Nous sommes surtout dans le relationnel, la recherche du confort – et donc beaucoup dans l’évaluation de la douleur. » La démarche pourrait avoir des airs familiers pour les équipes de soins palliatifs hospitaliers. Mais, l’Oasis n’étant justement pas un hôpital, elle y a aussi quelque chose d’unique, tant, notamment, la place accordée aux familles y est grande. « Il s’agit bien pour nous de les accompagner, et non de se substituer à elles », souligne Mathieu.

Pouvoir souffler

Mélanie, atteinte du syndrome d’Exner, maladie orpheline incurable, qui en est à son cinquième séjour à l’Oasis, est venue au départ à un moment où son traitement nécessitait d’être rééquilibré. « À cette occasion, nous avons vu à quel point sa maman était, elle aussi, fatiguée, elle qui vit d’ordinaire seule avec sa fille », confie Maryline. Ici, la mère et la fille peuvent souffler. Marie-Jo continue, comme à la maison, à administrer son traitement à sa fille, mais, forte du soutien de l’équipe, elle s’accorde quelques instants de pause – laisser Marianne, infirmière, doucher et habiller son adolescente, pour aller chez le coiffeur. Auprès d’Andy, l’équipe soignante a entamé un travail d’évaluation – état général, douleur, alimentation… De quoi rassurer sa maman, qui accepte de quitter un instant son enfant des yeux pour évoquer la possibilité d’un accompagnement psychologique, pour elle, comme pour le grand frère d’Andy. Cette volonté d’accompagnement individualisé de chaque enfant et de chaque famille impose à chacun de créer sa place au sein de l’équipe. « On a à inventer, en tant que lieu, en tant que professionnels », souligne Mathieu. Ainsi de la gestion des médicaments : dans le cas de Mélanie, c’est sa mère qui continue à les lui administrer, quand, pour Andy, l’équipe s’en charge temporairement.

Soutien de l’État

Depuis son ouverture, l’Oasis a accueilli cinq enfants. Mélanie, Andy, mais aussi Lucie, en toute fin de vie, Julien, atteint d’un néphroblastome, Camille*, venue pour un week-end de répit, puis en toute fin de vie. Cinq enfants, dit comme ça, c’est peu, certes, confie l’équipe. Les journées sans enfants présents existent, et il faut apprendre à les appréhender. Élaboration de protocoles de prise en charge, formation continue…, pour le moment, la jeunesse du lieu fait que les équipes n’ont pas le temps de « s’ennuyer », même si, reconnaît Marianne, « ces journées sans enfants ne sont pas toujours évidentes à gérer ». Mais, pour tous ici, ce nombre encore limité d’enfants accueillis ne remet pas en cause la pertinence des lieux… ni la volonté, qui sait, de servir d’exemple pour d’autres régions. Le projet a reçu le soutien de l’État qui, dans le cadre de son Programme de développement des soins palliatifs 2008-2012, finance la structure pour deux ans à titre expérimental, par le biais d’une dotation annuelle de 500 000 euros (le budget de fonctionnement de l’Oasis avoisine 700 000 euros). Le lieu doit encore se faire connaître, trouver sa place dans l’offre régionale de soins. Et pour cela, les retours unanimement positifs des enfants et des familles accueillies sont un atout phare, disant à eux seuls l’importance d’une telle structure. « La mort de ma fille Lucie, 5 ans, était pour moi insurmontable, ingérable. L’Oasis, pour chacun de nous, ça a été comme une bouée. Dès notre arrivée, nous nous y sommes sentis bien, Lucie rassurée, moi soutenu, témoigne Christophe, père de la petite fille. Nous étions écoutés, on répondait à toutes nos questions, sans tabou. On nous a accompagnés dans les inéluctables décisions à prendre… Et lorsque ma fille est partie, elle était dans mes bras, sa mère était là, l’équipe était là… »

* Certains prénoms ont été changés.

CONTACTS

L’Oasis, 13 bis, place de la Libération, 31 600 Seysses Tél. : 05 61 76 81 89 

Mail : contact@projetloasis.org

Site Internet : www.projetloasis.org