« Le référentiel n’est pas farfelu » - L'Infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011

 

INTERVIEW JOËLLE KOZLOWSKI PRÉSIDENTE DU CEFIEC

DOSSIER

Réélue cet été pour trois ans à la tête du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec), la principale organisation représentative des formateurs, Joëlle Kozlowski défend la réforme de la formation.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Les premiers étudiants concernés entament leur troisième année, les conditions sont-elles réunies pour une rentrée sereine ?

JOËLLE KOZLOWSKI : Le texte de la réforme a plutôt amélioré les choses, et le passage des étudiants en année supérieure devrait s’effectuer normalement. Dans la pratique, des difficultés subsistent. Lorsque les partenariats avec l’université sont signés, il faut plusieurs mois pour les faire fonctionner. Dans le cas où il n’y a pas encore de partenariat, je ne sais pas comment on va faire, car il va bien falloir délivrer le même diplôme à tous les étudiants. Aujourd’hui [fin septembre], seules une quinzaine de régions ont signé des partenariats ou sont sur le point de le faire. En Ile-de-France, la situation est complexe en raison du nombre d’universités et d’Ifsi. Je pense qu’on aurait dû prendre davantage de temps de réflexion avant de s’engager dans la réforme.

L’I. M. : Comment est-elle accueillie par les enseignants ?

J. K. : Le nouveau référentiel est assez bien accepté, de même que l’approche par compétences et le processus d’universitarisation. Mais les évaluations, les partiels, les corrections prendront beaucoup de temps, ce qui donne aux enseignants le sentiment d’une certaine lourdeur.

L’I. M. : La promesse de limiter les heures de cours par vidéo-conférence à 30 % des enseignements vous satisfait-elle ?

J. K. : Ce n’est pas inintéressant. Mais il ne faut pas dénigrer le télé-enseignement, qui pose beaucoup moins de problèmes que les cours enregistrés à l’avance et diffusés dans les instituts. Aujourd’hui, chaque Ifsi fait ce qu’il peut, en fonction de ce que l’université lui propose.

L’I. M. : Les étudiants peinent à trouver des stages, notamment dans le secteur privé… Est-ce une conséquence de la réforme ?

J. K. : Cela est surtout dû à la redistribution de l’offre privée, avec des regroupements et la fermeture de cliniques… Le secteur privé ne peut pas assurer un encadrement des stagiaires tous azimuts. Il arrive qu’il y ait plus d’étudiants que d’infirmières diplômées dans un service, voire que l’on trouve une infirmière pour trois ou quatre stagiaires ! Avec cette réforme, les stages sont plus longs et moins nombreux. Cela améliore l’encadrement, car les tuteurs consacrent moins de temps à l’accueil de nouveaux venus. Lors des stages de dix semaines, les étudiants sont davantage opérationnels.

L’I. M. : Les critiques selon lesquelles le portfolio serait un outil chronophage sont-elles justifiées ?

J. K. : Le portfolio est un outil complexe dont l’utilisation demande de la réflexion. On évalue le temps nécessaire pour le remplir à deux heures par étudiant et par stage. Nous avons conscience que c’est lourd, et comprenons que des partenaires sociaux réclament sa suppression. L’outil est pourtant intéressant, il permet un changement de logique : on passe d’une vision centrée sur l’activité à une vision centrée sur la compétence.

L’I. M. : L’étudiant doit chercher lui-même à accomplir des actes, même en dehors de son service. Cela risque-t-il de désorganiser les soins sur son lieu de stage ?

J. K. : C’est possible, mais s’il se rend dans un autre service pour réaliser un acte, cela se fait en accord avec son tuteur. En fin de première année, en général, un étudiant comprend comment un service fonctionne.

L’I. M. : Les étudiants inaugurant la réforme se sentent moins considérés par leurs tuteurs, qui n’approuvent pas la suppression de la MSP. Leur génération a-t-elle été sacrifiée ?

J. K. : La suppression de la MSP était aussi une demande du Cefiec, c’est cohérent avec l’approche par compétences. Elle n’a d’ailleurs pas été supprimée, elle a plutôt changé de forme : aujourd’hui, ce sont les professionnels de terrain qui « mettent en situation », c’est une sorte de MSP quotidienne. Il est faux de parler de « génération sacrifiée » : le référentiel a été pensé, réfléchi, il n’est pas farfelu. Les nouveaux professionnels auront un profil différent, seront davantage enclins à analyser leur pratique et à faire de la recherche.