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L'infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011

 

RECHERCHE INFIRMIÈRE

ACTUALITÉ

Les représentants de la recherche en soins du CHU de Limoges ont accueilli, le 30 septembre, leurs homologues de Bordeaux et de Toulouse. L’occasion de présenter des travaux illustrant la diversité de la recherche paramédicale.

Ce sont des cadres de santé enthousiastes et énergiques qui ont ouvert cette journée sur la recherche paramédicale. Ces infirmières, elles-mêmes impliquées dans la recherche en soins, ont pointé les a priori négatifs dont ne s’est toujours pas défait la recherche infirmière, mais elles ont surtout insisté sur la légitimité des soignants à se poser des questions et à y répondre. Rappelant qu’Hippocrate, le père de la médecine, avait fait appel au savoir oral des femmes soignantes pour le fixer par écrit et se l’approprier, Nadia Peoch, cadre supérieure de santé au CHU de Toulouse, a lancé un appel à l’assistance : « Autorisez-vous à écrire, à décrire vos activités ! » Charles Lamy, infirmier puériculteur aux urgences pédiatriques du CHU de Limoges, a présenté le projet de recherche qu’il conduit et qui a été retenu au titre du programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP).

« Linipoche » porte sur le vécu douloureux de l’enfant de moins de 3 ans lors du retrait de la poche collectrice d’urines. Ce projet de recherche est issu d’une première étude menée conjointement par les médecins et les infirmiers du CHU de Limoges et du CHI de Poissy (78). Les médecins souhaitaient évaluer la fiabilité bactériologique d’un nouveau prototype de poche collectrice pour le recueil d’urines nécessaire pour confirmer le diagnostic d’infection urinaire. De leur côté, les infirmiers se sont intéressés au vécu douloureux de l’enfant. « Linipoche » vise à comparer la douleur provoquée par le retrait de la poche avec ou sans emploi de liniment oléo-calcaire pour enlever l’adhésif. « Notre tradition s’est beaucoup basée sur l’oralité, ce qui est notre limite, a observé Charles Lamy. Les infirmiers ont de bonnes idées, ils proposent, par exemple, des moyens appropriés pour répondre à la douleur de l’enfant. En passant à l’écrit, nous pourrons gagner du temps et profiter des recherches effectuées par les autres équipes. »

Sujet trivial ?

Valérie Berger, cadre supérieure de santé au CHU de Bordeaux, a détaillé l’état d’avancement d’un projet de recherche qu’elle mène, sur le risque de constipation des patients hospitalisés, sélectionné dans le cadre du PHRI, en 2010. L’intervenante a insisté sur la contradiction entre, d’une part, « un sujet jugé trivial », les tabous qu’il véhicule, et, d’autre part, l’important problème de santé publique qu’il représente. La littérature scientifique montre, ainsi, que 50 % des personnes hospitalisées en gériatrie souffrent de troubles de l’élimination intestinale. Face à cette fréquence, la réponse hospitalière est curative, trop peu souvent préventive. Grâce à sa recherche, Valérie Berger veut « élaborer et évaluer le rôle prédictif d’une échelle d’évaluation du risque de constipation simple et fiable, qui puisse être utilisée par l’infirmière de manière autonome ». La première partie des travaux est en voie d’achèvement. Un important travail de revue de la littérature scientifique a permis de dégager les facteurs prédictifs de la constipation les plus pertinents. Des courriers ont ensuite été envoyés aux soignants experts dans le domaine, afin qu’ils confirment la validité des seize items sélectionnés. Dans une seconde partie, les performances pronostiques de l’échelle ainsi élaborée seront évaluées.

Clinique au sens large

Véronique Hermet-Douard, l’infirmière coordinatrice du centre SLA(1) du CHU de Toulouse, a présenté l’étude qu’elle a réalisée dans le cadre d’un DU en éducation thérapeutique. S’apercevant qu’un nombre important de patients ou de proches appelaient le centre SLA suite à l’annonce du diagnostic, l’infirmière coordinatrice a voulu évaluer leurs besoins et leurs attentes après le moment clé de l’annonce du diagnostic. L’étude, menée via un questionnaire, a permis de prendre conscience de « l’importance du cas par cas » et de mettre en place une consultation de retour d’information pour les patients qui le désirent. Cette consultation est en cours d’évaluation. La présentation a suscité ce commentaire de Nadia Peoch, à destination des futurs chercheurs : « N’oubliez jamais l’importance du discours de la personne soignée. Prendre en charge la personne dans toutes ses dimensions, cela peut ouvrir les infirmiers à des projets de recherche. La clinique, ce n’est pas seulement le fait d’être au lit du patient, c’est également s’intéresser à l’éthique du sujet et à sa singularité. »

1- Sclérose latérale amyotrophique.

DANS LE MONDE

Pas si jeunes, les sciences infirmières

Enseignante-chercheure en sciences de l’éducation à l’université d’Aix-Marseille, Chantal Eymard s’est interrogée sur la spécificité de la recherche en soins, en parcourant son histoire, dans le monde et en France. « Les modèles et théories en soins infirmiers se mettent en place » dans les années 1960, encouragés par l’OMS. En France, l’École internationale d’enseignement infirmier supérieur de Lyon joue un rôle pionnier dès 1965. Un coup d’accélérateur est donné par les accords de Bologne(1) en 1999.

Chantal Eymard a relevé sept pays pionniers de la recherche infirmière : Canada (15 programmes de doctorat en soins et 79 centres de recherche en sciences infirmières), États-Unis, Brésil, Danemark, Royaume-Uni, Japon et Hong-Kong. Alors qu’un second groupe de onze pays(2) propose une formation LMD en soins, la France fait partie du troisième groupe des cinq pays(3) qui développent une formation en licence-master. Chantal Eymard a estimé que la multidisciplinarité, tout en étant gage de dynamisme, brouillait l’image de la recherche infirmière. D’où la nécessité d’organiser, en France, cette discipline via des pôles de recherche, « où l’on pourrait débattre, fédérer les travaux et fixer des orientations générales ». M.-C. D.

1– Ces accords visent à harmoniser l’enseignement supérieur en Europe, selon le système licence-master-doctorat.

2- Australie, Belgique, Cameroun, Chili, Grèce, Italie, Norvège, Portugal, République tchèque, Suisse, Tunisie.

3- Avec le Liban, Madagascar, la Côte-d’Ivoire et Cuba.