Ne pas passer à côté du présent ! - L'Infirmière Magazine n° 292 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 292 du 01/01/2012

 

SUR LE TERRAIN

RENCONTRE AVEC

Convaincue que prévenir vaut mieux que guérir, Pascale Lecêtre, infirmière en santé au travail, s’est découvert une passion pour la sophrologie. En entreprise, elle propose des outils pour chasser le stress et d’autres maux, en douceur.

Tant que le mental n’est pas détendu, le corps ne peut être apaisé. Mais, pour avoir un mental paisible, il faut d’abord travailler sur le corps… » Ces principes, Pascale Lecêtre, infirmière en santé au travail dans un groupe de recherche, les a faits siens depuis qu’elle a découvert la sophrologie. Une rencontre qui a bouleversé son existence. « Il y a eu un avant et un après. Lorsque l’on pratique la sophrologie, quelque chose se passe à l’intérieur de soi, et tout devient plus facile. On ne se situe plus que dans l’instant présent, dans la vie, et on se sent mieux », assure-t-elle, rayonnante. Créée dans les années 1960 par un neuropsychiatre colombien, Alfonso Caycedo, la sophrologie vise à permettre la maîtrise d’un équilibre corps-esprit en puisant dans ses ressources. Pour ce faire, cette discipline, qui s’inspire de la psychologie et de la philosophie, mêle des techniques empruntées à la relaxation, à l’hypnose, au yoga et à la méditation. C’est dans le cadre professionnel que Pascale Lecêtre a été conquise. Devenue infirmière en 1990, cette femme de 42 ans a d’abord travaillé une dizaine d’années à l’hôpital avant d’avoir envie de goûter à la prévention et de s’orienter vers la santé au travail. En 2003, chargée, dans un cabinet d’audit, d’instaurer des modules de gestion du stress, elle croise le chemin d’une sophrologue. « Son approche m’a passionnée, j’ai voulu me former. Après mon diplôme, en 2006, j’ai tout de suite pratiqué en consultation individuelle et animé des groupes de relaxation », témoigne-t-elle. Aujourd’hui, elle exerce à temps plein en entreprise, et son planning hebdomadaire intègre trois demi-journées de consultation en sophrologie. Mais son investissement va bien au-delà puisque, depuis cet été, elle consacre aussi son samedi et une soirée par semaine à recevoir des patients dans un cabinet qu’elle loue en plein cœur du quartier d’affaires de La Défense.

Rester acteur de sa santé

Orientés, en général, par les médecins exerçant dans l’entreprise, les salariés consultent Pascale Lecêtre sur leur temps de travail. « C’est une grande chance pour eux, et le groupe y gagne, car cela permet de maintenir des gens à leur poste dans de meilleures conditions », argumente l’infirmière. Une grande part des entretiens, qui durent une heure, concernent le stress, fortement délétère. « J’interviens sur la gestion des émotions, sur les peurs liées à la prise de parole ou au passage d’entretiens, sur ce qui a trait au sommeil », détaille-t-elle. Elle accompagne aussi les salariés qui souffrent de pathologies lourdes, notamment en mi-temps thérapeutique. « Reprendre leur emploi est positif, mais cela peut générer une grande fatigue. Je leur apprends à récupérer, et je travaille sur les angoisses liées à leur maladie. De même, j’interviens souvent après une dépression, un deuil… », poursuit-elle. Technique à médiation corporelle, la sophrologie se révèle utile pour surmonter vertiges et acouphènes, fibromyalgies, phobies… « Le problème ou la douleur ne disparaît pas, mais cela aide à accueillir le symptôme et à vivre avec », assure la soignante.

Après un temps d’échange, Pascale Lecêtre propose à ses patients des exercices de relaxation dynamique et leur transmet des techniques respiratoires. « Il s’agit de leur permettre de sentir un corps que, souvent, ils ne perçoivent plus que dans la douleur, et de leur apprendre à chasser les tensions », commente-t-elle. L’infirmière réalise avec eux les exercices, dont elle recommande une pratique quotidienne. « La sophrologie, c’est aussi rendre les gens acteurs de leur santé. La clé de la réussite est dans la répétition. Ceux qui respectent une régularité ont des résultats rapides », insiste-t-elle. Autre technique employée : la visualisation. Avec la voix, la soignante guide les patients vers un état entre veille et sommeil. Elle les invite à matérialiser leur douleur et à trouver une image qui pourrait l’apaiser. « J’ai, ainsi, une patiente qui a associé ses migraines à un volcan en fusion. Désormais, pendant ses crises, elle se calme en imaginant une pluie fine », assure-t-elle. De même recourt-elle à ces techniques quand une personne doit subir une chimiothérapie : « Souvent, elle se dit que ce traitement va détruire toutes ses cellules et la rendre malade, donc elle le rejette. Je lui demande d’imaginer la chimiothérapie, à l’inverse, sous la forme de rivières de lumière venant anéantir les mauvaises cellules et aider les autres à se régénérer. » Pascale Lecêtre défend une sophrologie pratique, applicable à tout moment.

À cette fin, elle a construit une boîte à outils adaptée au monde de l’entreprise. « Le principe est : j’ai besoin de me redonner de l’énergie, je fais tel exercice ; j’ai besoin de chasser mon agacement, tel autre ; j’ai besoin de me rassurer, tel autre encore… Quant aux outils, ce sont le corps et la respiration, rien d’autre », explique-t-elle, concédant en riant qu’en entreprise, les toilettes sont le meilleur lieu de relaxation puisque « l’unique endroit où l’on est seul ». Libre ensuite à chacun de personnaliser ses outils, en remplaçant un mouvement par un autre, semblable, s’il lui correspond mieux. « Certains sophrologues estiment que l’on ne peut substituer un exercice à un autre ; pour moi, l’essentiel est que la personne puisse l’adopter et que ça l’apaise », lance-t-elle. Plus largement, cette discipline est, pour elle, un véritable art de vivre : « Beaucoup de gens sont embarqués dans une spirale. Ils ne savent plus comment se faire plaisir et ne cessent de réalimenter leurs peurs. Ils perdent leur temps à penser à ce qu’ils n’ont pas fait hier et à ce qu’ils feront demain. Ils passent à côté du présent. » Pascale Lecêtre leur propose d’adopter « le principe de l’attente-détente ». Elle leur apprend à profiter des instants « perdus » (attente au téléphone, devant l’ordinateur…) pour se concentrer sur leur respiration afin d’échapper aux pensées parasites et de recharger leurs batteries. Un mécanisme dont elle ne se départ plus elle-même : « J’applique ce concept quand j’attends au feu rouge, au supermarché… Ainsi, je récupère vite et je ne suis jamais fatiguée. Je ne m’en rends même plus compte. De toutes façons, la sophrologie, ça se vit. Si je ne pratiquais pas, je ne pourrais pas transmettre. »

Un long cheminement

Hormis lorsqu’il s’agit d’accompagner une pathologie lourde, l’infirmière prévoit, en général, cinq séances par patient. Elle fait un point un mois plus tard, puis propose un bilan trois à quatre mois après. Pour encore plus d’efficacité, elle a complété son cursus par une formation de coaching. « Avec la sophrologie, j’apprends à la personne à découvrir son corps, à sentir ses émotions, à faire le travail de fond qui s’impose, mais c’est un long cheminement. Le coaching me permet d’aller droit au but et d’instaurer des plans d’action très ciblés. Je jongle ainsi avec différentes casquettes. »

Stimulée par les retours positifs des patients et certaine que la sophrologie permet de renforcer le système immunitaire et donc de prévenir nombre de maladies, Pascale Lecêtre a décidé de s’y vouer corps et âme et de développer sa clientèle en cabinet. Une activité qu’elle espère mener un jour à temps plein et qu’elle entend exercer en pluridisciplinarité. D’ores et déjà, elle s’est associée avec une collègue infirmière formée en réflexologie plantaire. Et cette collaboration se révèle déjà des plus prometteuses. En effet, raconte l’infirmière, « il m’est arrivé de recevoir une personne qui souffrait tellement que je l’ai tout d’abord orientée vers ma collègue pour désamorcer les choses. Ça s’est révélé très efficace pour mon suivi ».

MOMENTS CLÉS

1990 Diplôme d’État d’infirmier.

1990 à 1999 Exerce à l’hôpital en neurologie, soins palliatifs, bloc opératoire…

1999 Se tourne vers la santé au travail.

2006 Diplôme de sophrologie du Centre d’études et d’application de la sophrologie (CEAS), à Paris.

2008 Devient formatrice en sophrologie au CEAS (en anatomie-physiologie, sophrologie et monde du travail…).

2011 Ouvre son cabinet. Diplôme de « life coaching » à l’université de Marseille.

ALLER PLUS LOIN

→ Centre d’études et d’application de la sophrologie : www.sophrologie-ceas.org

→ Société française de sophrologie : www.sophrologie-francaise.com

→ Site de Pascale Lecêtre : www.tobewell.fr

→ Également à consulter : www.sophrologie-info.com

→ La sophrologie, Dr Luc Audouin, coll. Les Essentiels, Éditions Milan, 2002.

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