L'infirmière Magazine n° 293 du 15/01/2012

 

INTERVIEW : DANIELLE CADET, Coordinatrice générale des soins à l’AP-HP. Elle est l’auteure, avec le Professeur Yvon Berland et le député Laurent Hénart, du Rapport relatif aux métiers de santé de niveau intermédiaire

DOSSIER

Développer des professions de santé inter-médiaires, grâce à un programme national de formation de niveau master, permettrait une meilleure adaptation aux besoins spécifiques des régions françaises.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Votre rapport insiste sur l’importance de la prise en compte des besoins en santé. Quels sont-ils ?

DANIELLE CADET : Depuis 2000, nous assistons à une baisse continue de la densité médicale. Il existe déjà sur le territoire de véritables déserts sanitaires. Par ailleurs, notre système de santé se caractérise par une bipolarité entre des formations médicales, à bac + 9, + 12 ou + 15, et des formations paramédicales, à bac + 3. Entre les deux, il y a un fossé, préjudiciable à l’offre de soins. Et ces professionnels ne sont pas utilisés à la hauteur de leurs compétences.

L’I. M. : Que proposez-vous ?

D. C. : Des professions de santé intermédiaires permettraient de proposer une offre de soins graduée et de réagir rapidement au manque de médecins. Il s’agirait de définir des formations qui se fonderaient sur les besoins de la population. Augmenter les compétences d’une partie des professionnels paramédicaux, notamment, grâce à une formation intégrée dans le système LMD, au niveau du master.

L’I. M. : À quelle échelle seraient évalués les besoins de santé ?

D. C. : Les régions disposent des outils nécessaires pour évaluer les besoins de la population. Je pense qu’il faut ensuite mettre la formation en place et définir les quotas au niveau national. Puis, les personnes intéressées seront formées pour répondre à ces besoins. Il s’agira d’un programme national, une formation master validée, avec une affectation précise à un nouveau métier et une rémunération adéquate.

L’I. M. : Dans les faits, les pratiques avancées sont déjà développées…

D. C. : Nous avons pu constater que des choses existaient déjà. Certain paramédicaux ont développé une véritable expertise et ne sont pas reconnus. Nous disposons d’un potentiel non négligeable d’expertise et de compétence que nous pourrions mettre au service de la population et des médecins. Ce qui manque, ce sont des formations adaptées. Elles apporteront une garantie pour les patients, pris en charge par des professionnels possédant des compétences reconnues. Elles constitueront également une garantie pour ces professionnels, dont le champ d’activité sera parfaitement défini, ainsi que les responsabilités qui s’y rapportent.

L’I. M. : Les infirmières ayant déjà un DU devront-elles se former ?

D. C. : Oui, il faudra qu’elles suivent un master de pratiques avancées.

Cela s’intègre parfaitement dans le développement professionnel continu, et la VAE (1) y aura toute sa place. On ne va pas demander à ces personnes, qui ont déjà une expertise, et ont développé des compétences réelles, de tout recommencer. D’ailleurs, elles auront peut-être une validation totale, ou bien n’auront qu’une partie de la formation à suivre, quelques modules à acquérir.

Un jury adéquat sera mis en place. Nous serons alors encore plus réactifs face aux besoins.

L’I. M. : Où trouver l’argent pour mettre cela en place ?

D. C. : Quelquefois, il suffit de bien répartir l’existant. Cela a été le cas, par exemple, pour les formations organisées pour les chefs de pôle et les cadres paramédicaux de pôle. Personnellement, je suis certaine que des fonds de formation sont mobilisables pour ce type d’enjeux, pour la santé publique. Nous avons des besoins pour les personnes âgées, les maladies chroniques, le cancer, la chirurgie et la santé mentale. Et nous aurons certainement de nouveaux besoins qui vont émerger avec les plateaux techniques, le développement des nouveaux outils que sont la télémédecine et la télésanté.

L’I. M. : Il s’agit quand même d’une révolution !

D. C. : La question des nouveaux métiers est discutée depuis le début des années 2000.

Aujourd’hui, en 2012, la question doit être tranchée. Nous disposons d’un système de santé qui offre des garanties de couverture encore bonnes et acceptables. Il faut qu’elles se complètent par un accès aux soins pour tous. Sinon, c’est un système qui va péricliter.

Je suis convaincue que la mise en place des nouveaux métiers est inéluctable. Si l’on n’y procède pas maintenant, alors que l’on peut encore le faire de façon rigoureuse, nous serons obligés de le faire à la va-vite, et cela ne sera pas réussi.

1 - VAE : validation des acquis de l’expérience.