L'infirmière Magazine n° 293 du 15/01/2012

 

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR

À la maternité, vous repérez qu’une jeune mère installe son bébé sur le côté pour dormir, afin d’éviter le risque de régurgitations. Des peluches sont présentes dans le berceau du nourrisson. Que faire ?

Vous devez aborder le sujet de la mort subite du nourrisson avec cette maman. Afin de prévenir ce risque, vous devez lui transmettre les conseils relatifs à la position du couchage pour le sommeil de son bébé, au choix du type de literie mais aussi à l’environnement de l’enfant. Vous la rassurerez quant aux régurgitations. Elles sont fréquentes et bénignes la plupart du temps, et les nourrissons sont tout à fait aptes à les gérer.

La mort subite du nourrisson est un drame brutal, inconcevable et révoltant, qui provoque un traumatisme psychoaffectif majeur pour les familles. Un accompagnement adapté des professionnels de santé est nécessaire pour les aider à surmonter cette douloureuse épreuve et à envisager l’avenir.

Qu’est-ce que la mort subite du nourrisson (MSN) ?

La MSN appartient à la classification des morts inattendues du nourrisson (MIN). La MIN est un terme qui désigne tout « décès survenant brutalement chez un nourrisson de moins de 2 ans alors que rien, dans ses antécédents connus, ne pouvait le laisser prévoir ». Parmi ces décès, ceux restant inexpliqués sont regroupés sous le terme de mort subite du nourrisson (MSN). La MSN se définit plus précisément comme « le décès brutal et inattendu d’un enfant de moins d’un an et normalement au-dessus de la période périnatale, survenant apparemment pendant le sommeil, qui reste inexpliqué après des investigations postmortem comprenant une autopsie complète et une revue complète des circonstances du décès et de l’histoire clinique ». Il s’agit donc d’un diagnostic d’exclusion.

Au cours des premiers mois de vie, il arrive que le nourrisson soit soumis à un certain nombre de facteurs qui, associés, peuvent mener à l’accident mortel. Le concept de mort subite du nourrisson est celui d’un « accident multifactoriel ». Sont à prendre en compte :

- l’état maturatif propre au nourrisson : la maturation des grandes fonctions est rapide et touche le sommeil, la respiration, le rythme cardiaque mais aussi la régulation de la température centrale ;

- des facteurs individuels ;

- des facteurs déclenchants que sont les pathologies diverses de cet âge, principalement infectieuses ;

- des facteurs environnementaux délétères.

Quels sont les principaux facteurs de risque épidémiologiques ?

Des facteurs individuels, familiaux et environnementaux interviennent dans la MSN.

Parmi les facteurs individuels, on retrouve :

- l’âge de survenue du décès, avec un pic entre 2 et 4 mois et, dans 90 % des cas, avant l’âge de 6 mois ;

- le sexe, la MSN étant plus fréquente chez les garçons ;

- l’hypotrophie plus que la prématurité.

Les facteurs familiaux à prendre en compte sont :

- des conditions socio-économiques défavorables ;

- le jeune âge de la mère ;

- des antécédents de décès dans la fratrie ;

- des antécédents de MSN dans la famille ;

- le jumeau survivant a un risque majoré dans les premiers jours, ce qui nécessite son hospitalisation.

À cela s’ajoutent les facteurs environnementaux :

- la période hivernale ;

- le tabagisme passif pendant la grossesse et après la naissance ;

- l’environnement hyperthermique ;

- le couchage en position ventrale, latérale ;

- la literie.

Existe-t-il des facteurs de protection ?

Selon certaines études, l’allaitement maternel serait à considérer comme un facteur de protection. L’utilisation de la tétine, bien que faisant l’objet de controverses par rapport à la diminution de la durée de l’allaitement maternel, à l’augmentation du risque d’otite et de mal-occlusion dentaire, entraînerait un risque moindre de MSN du fait des déglutitions et des réactions d’éveil plus fréquentes. Le partage de la chambre parentale et non celui du lit serait bénéfique. Quant aux vaccins accusés d’augmenter le risque de MSN, plusieurs études les ont innocentés.

Quel est le rôle des centres de référence régionaux ?

La Haute Autorité de santé (HAS) a publié, en 2007, des recommandations professionnelles sur la conduite à tenir en cas de mort inattendue du nourrisson. Elles ont pour objectif l’harmonisation de la prise en charge et de l’action des différents intervenants sur l’ensemble du territoire national. Dans ces recommandations, il est indiqué que tous les cas de mort inattendue du nourrisson doivent être pris en charge au sein d’un centre de référence afin de :

- réaliser les explorations médicales à visée diagnostique le plus rapidement possible ;

- proposer un accompagnement, un soutien psychologique et un suivi aux parents endeuillés.

Les centres de référence ont effectivement plusieurs missions à charge, notamment :

- la prise en charge de l’enfant décédé : un bilan complet, dont une autopsie scientifique, pourra être réalisé après accord des parents pour essayer de trouver une explication à la mort de l’enfant. Cette démarche permet d’accompagner les parents dans leur deuil et de les aider dans la reconstruction d’une vie familiale ;

- l’accueil et le suivi des parents et, parfois, de la fratrie : ils sont effectués par une équipe pluridisciplinaire expérimentée (pédiatre, psychologue, puéricultrice) ;

- l’accompagnement lors des grossesses suivantes ;

- l’organisation de la recherche et de l’enseignement ;

- l’aide aux équipes d’urgence intervenant à domicile ;

- l’organisation de la prise en charge avec les hôpitaux d’accueil environnants ;

- des consultations spécialisées (enfants supposés à risque ayant présenté un malaise grave et nécessitant des examens ou un suivi particulier) ;

- la diffusion au niveau régional de l’information sur la MSN, des conseils de prévention auprès des professionnels concernés par la petite enfance.

Pour obtenir le numéro de téléphone du centre de référence correspondant à votre région, appelez le 15.

Comment réduire les risques ?

Une enquête de l’Institut de veille sanitaire (InVS), conduite dans 17 départements entre 2007 et 2009, a identifié le besoin de renforcer les centres de référence dans leurs missions de prise en charge des MIN selon les recommandations de la HAS, et de renouveler les campagnes sur le couchage des nourrissons.

La prévention est le maître mot. Certains facteurs de risques sont modifiables et font l’objet de recommandations sur les sites Internet de l’association Naître et vivre et de la Société française de pédiatrie. Il s’agit de conseils simples de puériculture, qu’il est nécessaire de transmettre et de réitérer non seulement aux parents mais également aux professionnels de santé. Cette prévention doit débuter en anténatal, se poursuivre à la maternité dès la naissance de l’enfant en salle d’accouchement et, par la suite, être effectuée par l’intermédiaire de professionnels de proximité (généralistes, PMI, crèches…). Les professionnels de santé peuvent s’appuyer sur divers outils comme le carnet de santé, des brochures, des dépliants, des affiches… Pour exemple, l’affiche « Je dors sur le dos », conçue par le CHRU de Montpellier avec la collaboration de l’association Naître et vivre, est disponible en sept langues.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le nombre de décès stagne

→ Reconnue problème de santé publique dès 1986 par une circulaire ministérielle désignant, dans les centres hospitaliers universitaires et régionaux, des centres de référence, la MSN n’a fait l’objet d’une première campagne nationale de prévention qu’en 1994. Les campagnes d’information successives à compter de cette date ont prouvé leur efficacité puisque, de 1 500 décès par an dans les années 1990, le pays est passé à 250 cas. Cependant, malgré cette baisse considérable de 75 %, le nombre annuel des décès stagne, et constitue une part importante des 600 MIN par an, soit plus d’un tiers. De plus, la MSN reste une des principales causes de la mortalité post-néonatale entre 1 mois et 1 an.

→ Y a-t-il de nouvelles pistes scientifiques ? Un article, publié en 2010 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), rend compte des résultats d’une étude de recherche sur le rôle de la sérotonine dans la survenue de la MSN. Ce neurotransmetteur, qui participe notamment aux mécanismes d’éveil, engendrerait, par son déficit, des dysfonctionnements de plusieurs fonctions physiologiques : augmentation du rythme cardiaque, de la pression sanguine, de la transpiration, anomalies du rythme respiratoire.

SAVOIR PLUS

→ www.naitre-etvivre.org : site de l’association Naître et vivre. Reconnue d’utilité publique, elle est animée par des parents endeuillés et des professionnels. Elle accompagne, soutient et informe les parents victimes de ce drame. Elle propose une écoute téléphonique 24 h/24, assurée par des parents, mais aussi des rencontres individuelles, des groupes de parole et des réunions à thème. Elle met à disposition et envoie des documents, des brochures et une bibliographie sur le sujet. Elle joue aussi un rôle important dans la prévention auprès du grand public et aide à la recherche médicale.

→ D’autres sites :

www.has-sante.fr

www.invs.sante.fr

www.perinat-France.org

ÉCLAIRAGE

ENCORE DES EFFORTS À FOURNIR !

DR ÉLISABETH BRIAND-HUCHET

RESPONSABLE DU CENTRE DE RÉFÉRENCE MORT SUBITE DU NOURRISSON, HÔPITAL ANTOINE-BÉCLÈRE (CLAMART)

De 100 à 150 morts seraient évitables chaque année. Les principaux points sur lesquels des efforts doivent être faits sont la position de l’enfant et les conditions de couchage. Pour l’heure, les autorités de santé n’envisagent malheureusement pas le renouvellement des campagnes de prévention grand public, et les recommandations actuelles n’émanent pas de celles-ci. On se heurte à de mauvaises habitudes, aux discours des générations précédentes qui couchaient leurs enfants sur le ventre, mais aussi au marché de la puériculture, qui propose parfois du matériel en contradiction avec la sécurité des nourrissons. Les recommandations actuelles ne sont pas intégrées dans les habitudes de puériculture de tout un chacun ni, surtout, dans celles des professionnels, qui ne sont pas tous convaincus de leur efficacité. Il y a un déficit d’information dans les maternités, certaines d’entre elles encourageant des pratiques comme le co-sleeping. De plus, on observe une réticence des professionnels à faire de la prévention sur ce sujet par crainte d’angoisser les parents. Si les professionnels prenaient le temps d’expliquer ces recommandations aux parents, ceux-ci seraient certainement plus rassurés. La prévention doit cibler les parents mais plus encore les professionnels, qui peuvent à leur tour toucher une plus large population. Elle doit débuter en anténatal, lors des préparations à l’accouchement avec les sages-femmes ou lors des inscriptions en crèche, avec les puéricultrices. Les professionnels de PMI ont un rôle important à jouer auprès des parents. Le moment des pesées ou les visites à domicile sont l’occasion de connaître les habitudes des parents concernant le couchage de leur enfant, de les accompagner et de rattraper les erreurs commises. La prévention faite auprès des assistantes maternelles est également essentielle.