Éducation thérapeutique - L'Infirmière Magazine n° 294 du 01/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 294 du 01/02/2012

 

DOSSIER

PRISE EN CHARGE

MARIE FUKS  

La gestion de sa maladie par le patient sera optimisée par l’accompagnement des soignants selon un diagnostic déterminant la démarche éducative.

Quand j’ai été diagnostiqué, il me restait 24% de capacité respiratoire et on ne m’avait jamais expliqué dans les hôpitaux ce qu’était réellement ma maladie »… Lorsqu’on connaît les retentissements sur la vie des patients atteints de BPCO (voir encadré p. 36), ce constat du président de la Fédération française des associations et amicales d’insuffisants et handicapés respiratoires (FFAAIR) en dit long sur l’utilité d’inscrire précocement l’accompagnement éducatif dans la prise en charge globale des patients atteints de cette maladie. À l’origine du programme quinquennal (2005-2010) d’action mis en place par la Direction générale de la santé (DGS), ce constat a donné lieu aux recommandations de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) visant à faire de l’éducation thérapeutique (ET) un outil à part entière de la réhabilitation du malade et à proposer la réalisation d’un diagnostic éducatif préalable pour cibler les domaines à travailler(1).

Le diagnostic éducatif

Il a pour but de révéler la problématique du malade chronique dans la gestion de sa maladie et de son traitement au quotidien. Il doit être réalisé selon une méthodologie précise (recommandations HAS)(2) prenant en compte les facteurs déterminants pour l’apprentissage (difficultés de compréhension, entourage peu aidant, anxiété, voire dépression…) de façon à aboutir à un programme d’éducation personnalisé. Schématiquement, le diagnostic doit répondre aux questions suivantes : que sait le patient de sa maladie et de ses traitements ? A-t-il des aidants ? Fume-t-il ? A-t-il fait des tentatives de sevrage ? Quels sont ses projets personnels, professionnels ? Quels sont les leviers et les freins au changement ? Autant de questions qui permettent d’établir un programme éducatif dont les principaux thèmes concernent la connaissance de la maladie utile pour le patient, les traitements de fond et de la crise, les signes annonciateurs de décompensation, le comportement tabagique et les aides au sevrage, l’activité physique, l’alimentation et la sexualité. Le diagnostic doit également prendre en compte les données biomédicales issues du test à la marche de 6 minutes, de l’évaluation de la dyspnée et de l’exploration fonctionnelle à l’exercice (mesure de la ventilation minute, de la VO2, VCO2, SpO2, gaz du sang, ECG d’effort). Si l’épreuve d’exercice complète n’a pas été possible, les données biomédicales peuvent se limiter à l’ECG d’effort avec mesure de la saturation et de la dyspnée. Ces informations sont importantes car elles permettent aux éducateurs d’avoir une image précise de la sévérité de la BPCO et d’identifier les lacunes à combler entre ce que savent les patients et ce qu’ils devraient savoir compte tenu de leur état. Ils peuvent ainsi apprécier l’importance du travail d’éducation à réaliser pour que les personnes atteintes gèrent au mieux leur maladie au quotidien et puissent bénéficier d’une meilleure qualité de vie. À l’issue de ce diagnostic, les besoins éducatifs spécifiques à chaque patient sont identifiés. Celui-ci se fixe des objectifs (reconnaître les signes d’alerte de l’exacerbation, avoir une activité physique régulière, par exemple) qui donnent lieu à la mise en oeuvre du programme éducatif.

Du savoir au savoir-être

La démarche éducative repose sur trois grands modules concernant le « savoir » le « savoir-faire » et le « savoir-être ». La partie « savoir » s’attache à combler les lacunes sur la maladie et ses conséquences. Elle s’applique notamment à expliquer le lien entre la maladie et le tabac mais aussi à faire comprendre qu’il existe une relation entre la BPCO, l’alimentation et l’exercice physique. Cela n’a pas pour but d’améliorer la fonction respiratoire mais de se remettre en condition physique pour en retarder la dégradation et de remuscler le patient pour qu’il puisse utiliser au maximum ses capacités pour travailler, se déplacer et améliorer sa qualité de vie. Le « savoir-faire » est plus orienté sur la réalisation des soins, l’utilisation des techniques d’oxygénothérapie et de ventilation, l’entretien des appareils, les précautions à prendre avec l’oxygène (ne jamais huiler ou graisser la sortie d’O2 car les corps gras s’enflamment au contact de l’O2…), l’emploi des matériels d’aérosolthérapie et le bon usage des médicaments. L’ET doit amener le patient à savoir mettre en place de façon autonome la stratégie thérapeutique (plan d’action écrit et validé par le médecin) adaptée à son état. Enfin, le « savoirêtre » prend en compte toutes les situations susceptibles de le mettre en difficulté et de l’empêcher de vivre normalement. Dans cette phase, le groupe a une fonction essentielle car les patients prennent conscience qu’ils partagent tous les mêmes questions et ne sont pas isolés. En outre, il émerge souvent une solution cohérente de la part du groupe.

Éducateurs avant tout

Les séances d’ET se déroulent sous forme d’ateliers collectifs comprenant six à huit patients, généralement animés par deux soignants éducateurs. Au Cetba(3), les soignants veillent à ne pas s’identifier comme médecin, infirmière, psychologue ou kinésithérapeute mais comme éducateur, afin de rester dans une relation strictement éducative. Ils utilisent des outils d’éducation thérapeutique conçus par des spécialistes(4) et adaptés aux différents modules (planches se rapportant au savoir, cartes symptômes, photolangage, études de cas…). « Ces outils facilitent les échanges d’expérience et permettent d’analyser les réactions des patients dans différentes situations afin de voir s’ils sont capables ou non d’élaborer une stratégie et de se fixer des objectifs pour y faire face », explique un éducateur. Ainsi faiton émerger des besoins (préserver son autonomie) et des craintes (peur d’être hospitalisé) par rapport auxquels le patient peut définir des objectifs à atteindre ainsi que les moyens d’y parvenir. Ces séances collectives peuvent être, le cas échéant, complétées par des séances individuelles lorsqu’elles font émerger des difficultés ou des besoins particuliers.

1- Voir première source utile p. 39.

2- Voir Sources utiles p. 39.

3- Centre d’éducation thérapeutique Bordeaux Aquitaine, Cetb33@orange.fr, 05 56 47 47 33.

4- éduSanté, à Vanves, tél. : 01 41 46 08 44.

POLITIQUE SANTÉ

Dépistage et prévention

La Société de pneumologie de langue française (SPLF) ne statue pas sur la question du dépistage dans ses recommandations compte tenu du faible niveau de preuve de son utilité. Malgré ces incertitudes, le programme d’action gouvernemental 2005/2010« Connaître, prévenir, et mieux prendre en charge la BPCO » s’était fixé d’améliorer le diagnostic précoce parmi la population cible, et l’Association BPCO s’est investie pour développer le dépistage par la mesure du souffle. Cela dit, comme le souligne le Dr Boisvert, en charge de l’ET des patients atteints de BPCO au CET de Bordeaux Aquitaine (Cetba), « le dépistage impose que les patients concernés consultent et que les médecins traitants et du travail pensent à mesurer le débit expiratoire de pointe de manière systématique. En outre, il n’a de sens que s’il existe une offre de soins et des structures de prise en charge adaptées aux besoins spécifiques des patients ». Or, sur ce point, Alain Murez, président de la FFAAIR, indique que « sur les 3,5 millions de patients estimés en France, 30 % seulement sont diagnostiqués, dont une minorité bénéficient d’une prise en charge adaptée faute de structures suffisantes ». Autant dire que l’utilité du dépistage est étroitement liée à l’existence d’un dispositif de proximité capable de prendre en charge les patients. À défaut, il convient d’intensifier la prévention.

Tabagisme

Incurable, la BPCO mérite que l’on redouble d’efforts en prévention primaire. Cela passe par le repérage des personnes exposées à des risques professionnels et, surtout, au tabagisme. Le simple conseil dispensé par les médecins double le taux d’arrêt du tabac dans leur clientèle, et les substituts nicotiniques doublent le taux de succès des tentatives d’arrêt en consultation spécialisée. La prévention secondaire s’appuie également sur l’éducation thérapeutique pour amener le patient à maîtriser tous les paramètres susceptibles d’éviter l’aggravation de sa maladie.