UN FOYER POUR ACCUEILLIR DES PERSONNALITÉS FRAGILES - L'Infirmière Magazine n° 296 du 01/03/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 296 du 01/03/2012

 

PSYCHIATRIE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS

Des résidents cumulant déficience intellectuelle et troubles psychiatriques sont accueillis au Hameau de Bouvron, en Loire-Atlantique, où l’équipe soignante doit faire preuve d’une grande souplesse d’adaptation.

Depuis plusieurs jours, un patient s’était mis à gifler les membres de l’équipe, raconte Christelle Aubert, responsable du Hameau de Bouvron. Hier, nous avons acté son retour en hospitalisation dans son service d’origine. Mais il reviendra… Comme cette autre résidente, que l’on accueille à nouveau demain, après quelques jours de réhospitalisation. Cette possibilité d’allers-retours entre le Hameau et l’hôpital est l’une des particularités de l’établissement ; cela demande un gros travail de partenariat avec le secteur psychiatrique, d’où viennent les deux tiers de nos 27 résidents. »

Un lieu de vie

Ouvert le 12 septembre dernier, le Hameau de Bouvron est une structure inédite, dédiée à l’accueil d’une population dite « en double inadéquation psychique » : des personnes qui cumulent une déficience intellectuelle (moyenne ou légère) et des troubles psychiatriques (schizophrénie, psychose…) avec, conséquence de ce cumul, différentes manifestations de violence, et une difficulté marquée à supporter la présence de l’autre. « Beaucoup d’entre eux étaient en secteur psychiatrique depuis dix à quinze ans, mais ils ne présentaient pas d’évolution ; ces services devenaient inadaptés, souligne Christelle Aubert. Certains pouvaient aussi être orientés vers des foyers d’accueil médicalisé (Fam) classiques, mais leurs troubles du comportement les empêchaient souvent d’y rester. »

Le Fam de Bouvron a donc été créé pour offrir à ces personnes un lieu de vie dédié, apaisant et sécurisant, à la frontière entre le médico-social et les soins. Un pari pour l’équipe de professionnels, constituée de cinq infirmières, d’une maîtresse de maison pour chacune des trois unités de vie, d’aides-soignantes, d’aides-médico-psychologiques, de monitrices éducatrices, d’un médecin psychiatre, d’un médecin généraliste, d’une ergothérapeute (à 50 %) et d’une psychologue (à 80 %)… En tout, l’équivalence de 41 temps pleins. « Pour traiter la problématique “psy” dans un lieu de vie, nous avions en effet besoin d’une complémentarité professionnelle », explique Christian Boureau, cadre supérieur socio-éducatif de l’EPSM Le Littoral, qui gère le Hameau de Bouvron. Et si soins et traitements psychiatriques sont très présents au quotidien, l’accompagnement des résidents joue sur la complémentarité des approches médico-sociale et soignante, souligne Christelle Aubert. Ainsi du recours aux deux chambres dites d’apaisement ou de retour au calme : « Par délégation du psychiatre, l’infirmière décide du placement, ou non, dans une de ces chambres, mais cela se fait après discussion avec le personnel, précise-t-elle. C’est la même chose avec les réhospitalisations, qui, idéalement, sont le fruit d’une décision pluridisciplinaire. »

Gérer l’agressivité

Confrontés à des patients « relativement stabilisés », les professionnels du socio-éducatif sont d’ailleurs très demandeurs d’un travail conjoint mené avec les infirmières. « Mais il ne peut y avoir de réponse magique », souligne Odile Chollet, cadre supérieur de santé. Et l’accompagnement des résidents demande aussi aux infirmières un savoir-faire très marqué en matière psychiatrique – un renforcement de leur formation en psychiatrie est d’ailleurs prévu dans les mois à venir. Une opportunité pour Myriam Ropars, qui vient d’un service de long séjour pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Pour elle, travailler au Hameau est une vraie découverte des pathologies psychiatriques, note-t-elle. À côté de la bobologie et de la distribution des traitements, elle a appris à gérer l’agressivité des patients, les mises sous contention parfois nécessaires. « Ce n’est pas évident au départ, mais l’existence de protocoles nous aide. Et c’est essentiel pour accompagner au mieux les résidents », commente-t-elle.