FORMATION CONTINUE
QUESTIONS SUR
À la maternité, un jeune couple est en difficulté face aux pleurs de son bébé. Les parents se disent inquiets et stressés de ne pas réussir à le calmer rapidement. Que leur conseiller ?
Il est essentiel de les informer sur les pleurs du nourrisson, sur la possibilité qu’ils en soient exaspérés, et sur les conséquences souvent dramatiques du secouement. Il faut les conseiller sur la bonne attitude à adopter.
Le syndrome du bébé secoué est un problème de santé publique mal identifié aux conséquences souvent irréversibles. En France, en l’absence de données épidémiologiques, on estime qu’environ 200 nourrissons seraient victimes de ce syndrome chaque année, avec un taux de récidive important estimé à plus de 50 %.
Le syndrome du bébé secoué (SBS) est une forme de maltraitance du nourrisson. Il s’agit d’un traumatisme crânien infligé par secouement associé ou non à un impact. Il survient en grande majorité chez les nourrissons de moins d’un an et particulièrement chez ceux âgés de moins de 6 mois.
L’enfant peut présenter des signes évoquant une atteinte neurologique plus ou moins grave tels que : des convulsions, un malaise grave, des troubles de la conscience, un plafonnement du regard, des troubles de la posture, une hypotonie axiale, un mauvais contact ou encore une fontanelle bombante.
Toutefois, les signes cliniques sont très variables, et parfois, peu spécifiques. L’enfant peut alors présenter :
- des modifications du comportement telles que des pleurs, des geignements, une irritabilité, des troubles du sommeil ou une mauvaise prise alimentaire ;
- une pâleur ;
- des vomissements.
Le SBS survient lorsqu’un jeune enfant tenu par le tronc, les épaules ou les extrémités est secoué violemment. Les phénomènes d’accélération-décélération brutales auxquels est soumis l’enfant lors de ces secousses entraînent différents types de lésions. Les méninges, l’encéphale, l’œil et la moelle épinière sont susceptibles d’être lésés, ce qui occasionne des hémorragies intracrâniennes, rétiniennes ou encore un œdème cérébral. Des lésions du cou et du rachis cervical, des fractures des membres, des côtes, du crâne, des ecchymoses et des hématomes des téguments et des muscles du cou peuvent y être associés.
La sévérité des lésions observées est due aux particularités anatomiques du nourrisson. En effet, le poids de sa tête est proportionnellement trop élevé par rapport au poids de son corps, et l’hypotonie des muscles de son cou l’empêche de maintenir sa tête droite. Celle-ci peut alors être projetée en avant ou en arrière et être soumise aux forces de rotation lors des secousses effectuées par des personnes bien plus grandes et plus fortes que lui. Ces mouvements provoquent une déchirure des vaisseaux sanguins autour du cerveau.
En outre, le cerveau du nourrisson, immature et non encore myélinisé, est souple et mobile. Trop petit, il ne remplit pas la boîte crânienne et peut se heurter à ses parois osseuses lors des oscillations brusques de la tête, ce qui provoque la détérioration ou la destruction de cellules nerveuses.
Dans les formes les plus sévères, le SBS peut aboutir au décès du nourrisson. En effet, 10 à 40 % des enfants secoués meurent des suites de ce traumatisme crânien infligé. Pour ceux d’entre eux qui y survivent, dans la majorité des cas, l’évolution n’est guère favorable. Ils conserveront de graves séquelles à vie telles que : une paralysie, une cécité, une épilepsie, des troubles de l’alimentation et du sommeil, un retard de développement de la motricité et du langage, ou encore des déficits cognitifs. Parmi les cas d’évolution favorable (environ 25 %), il semble encore exister un risque de retard cognitif ou de troubles de l’apprentissage à l’âge scolaire.
Le SBS s’observe dans toutes les catégories socio-économiques ainsi que dans toutes les cultures, et peut survenir dans des familles ne présentant aucun facteur de risque apparent. Cependant, les études effectuées, bien que parfois contradictoires, permettent de retrouver certains facteurs de risque liés à l’enfant, aux parents et à l’auteur des faits.
→ Parmi les facteurs de risque liés à l’enfant, on retrouve :
- la prédominance des garçons : sex ratio entre 1,3 et 2,6 ;
-l a prématurité, le handicap ;
- la grossesse multiple, non désirée, pathologique ;
- une méconnaissance des besoins et comportements normaux de l’enfant ;
- les pleurs du nourrisson (considérés plutôt comme élément déclenchant du comportement maltraitant), les troubles du sommeil, de l’alimentation…
→ Les facteurs liés aux parents sont :
- une carence affective, des troubles psychiatriques ;
- l’alcoolisme, la toxicomanie ;
- des antécédents de maltraitance dans 30 % des cas ;
- un dysfonctionnement dans le couple ;
- des parents jeunes, une famille monoparentale ;
- un milieu socio-économique défavorisé.
→ À cela s’ajoutent les facteurs de risque liés à l’auteur des faits :
Dans la majorité des cas, il s’agit d’un homme, et plus fréquemment le père que le compagnon de la mère. Toutefois, les enfants peuvent également être secoués par la personne qui les garde ou par leur mère.
La prise en charge du SBS doit passer par des stratégies de prévention primaire mais aussi secondaire compte tenu du taux élevé de récidives. La Haute Autorité de santé (HAS) a publié, en mai 2011, des recommandations ayant pour objectifs principaux :
- d’aider les professionnels de santé à améliorer le repérage et le diagnostic du SBS afin de prévenir les récidives ;
- de préciser la conduite à tenir pour protéger le nourrisson.
La HAS préconise de favoriser la prévention auprès des parents, futurs parents et de toute personne en contact avec les bébés, sur les risques du secouement et les moyens de l’éviter. Cette prévention passe par une sensibilisation du grand public au moyen de campagnes d’information régulières et repose également sur la prise en charge des parents qui consultent pour les pleurs de leur enfant. La connaissance des facteurs de risque du SBS par les professionnels est importante pour la prévention. Cette dernière peut s’effectuer en tout lieu, à commencer par la maternité, et prendre différentes formes. Affiches, brochures, carnet de santé sont des exemples d’outils sur lesquels s’appuyer.
Les parents doivent être informés qu’il ne faut jamais secouer un enfant, quelles que soient les circonstances (exaspération, malaise de l’enfant…), et s’assurer que les personnes qui s’occupent de leur enfant en soient également informées. Il faut les conseiller sur la conduite à tenir face aux pleurs de leur bébé :
→ Dans un premier temps, s’assurer qu’il n’existe pas une source d’inconfort pour lui (faim, chaud, froid, couche souillée, fièvre, maladie), le réconforter (bercement, tétine, allaitement, chanson, promenade…). Les parents et les proches de l’enfant doivent être avertis qu’un nourrisson peut pleurer plus de deux heures par jour sans discontinuer.
→ Si rien ne fonctionne et qu’ils perdent patience, il faut mettre l’enfant en sécurité dans son lit, sur le dos, quitter la pièce, se détendre. Les parents ne doivent pas hésiter à demander de l’aide auprès d’un ami, d’un membre de la famille ou d’un professionnel de santé, pour parler et se sentir soutenus. L’idéal est de prévoir une personne ressource qui pourra prendre le relais auprès de l’enfant. Les parents doivent prendre conscience que ne pas culpabiliser est une façon de protéger leur bébé.
→ Si le diagnostic de secouement est probable, voire certain
Après une réflexion collégiale, un signalement au procureur de la République avec copie au président du conseil général est effectué. Ainsi, une procédure pénale et une procédure civile sont engagées. Par cette dernière, le procureur de la République peut délivrer une OPP (ordonnance de placement provisoire), valable huit jours, pour protéger l’enfant sans délai. Le juge des enfants peut alors être saisi et prolonger la mesure de protection de l’enfant, prononcer une mesure de placement ou d’autres mesures d’assistance éducative. Un administrateur ad hoc (qui a une mission juridique et un rôle de référent et d’accompagnateur) peut être désigné, et la CRIP (cellule de recueil d’informations préoccupantes), être saisie.
→ Si le diagnostic de secouement est possible
Une information préoccupante doit être transmise à la CRIP (la saisie de la CRIP permet de se prononcer sur la nécessité de la protection du nourrisson). Le président du conseil général peut mettre en place une protection administrative de l’enfant, avec l’accord des parents. L’accompagnement des parents par des professionnels de l’enfance doit être envisagé.
Un bébé peut pleurer pour des raisons habituelles, ou de façon anormale, ce qui dépend de son âge et de son environnement.
La tolérance aux pleurs du nourrisson dépend de facteurs endogènes et exogènes, ainsi que de la dimension symbolique qui leur est attribuée. Dans les sociétés primitives, l’enfant est souvent considéré comme la réincarnation d’un ancêtre, un messager des dieux, des esprits, ou comme la victime de mauvais esprits. Le pleur est alors la manifestation d’un mécontentement, évoque l’idée de mort, de danger auquel il faut prêter attention. Les pleurs sont donc moins fréquents et mieux gérés, mais moins bien tolérés. Dans les sociétés occidentales, l’industrialisation et la mise au travail des femmes ont développé l’idée d’autonomie de l’enfant, avec des pleurs plus fréquents, mieux tolérés mais moins bien gérés. Aujourd’hui, les pleurs induisent une intolérance et représentent un motif fréquent de consultation médicale. Cela est exacerbé par l’image de l’enfant « parfait », représentant des parents « parfaits » qu’induit notre société actuelle.
Les causes
Les pleurs habituels ont principalement deux causes : l’inconfort (faim, couche souillée…) et le stress (le bruit, les tensions interfamiliales…). Les pleurs excessifs sont, eux, souvent liés à une pathologie sous-jacente (reflux gastro-sophagien, infections…). Mais, parfois, aucune cause réelle n’est mise au jour, les pleurs constituent simplement, pour le bébé, un moyen de s’exprimer.
Les caractéristiques
On peut considérer qu’un pleur est anormal à partir de la « règle des 3 S » établie par Wessel : si la durée des pleurs de l’enfant est supérieure à 3 heures par jour, plus de 3 jours par semaine, et pendant plus de 3 semaines.
Néanmoins, le principal critère reconnu à ce jour est la tolérance aux pleurs de la part de l’entourage du bébé.
Par ailleurs, les pleurs des premiers mois ont des critères typiques : leur quantité quotidienne est variable selon l’âge (ils sont moins nombreux les quinze premiers jours, augmentent jusqu’au deuxième mois, diminuent et se stabilisent vers 4-5 mois).
Plusieurs accès de pleurs imprévisibles et sans raison apparente peuvent survenir, ils résistent au réconfort et sont inconsolables. Le nourrisson semble souffrir, même si ce n’est pas le cas.
Ces accès de pleurs peuvent durer jusqu’à deux heures et se concentrent généralement en fin de matinée et dans la soirée.
Les différentes significations
Dans les premiers mois d’existence du nourrisson, les pleurs ne sont pas considérés comme intentionnels. Ils représentent ses émotions et ses états de régulation au niveau physiologique. Peu à peu, ces pleurs vont avoir une intentionnalité, l’enfant réagissant à son environnement et au contexte dans lequel il se trouve. Winnicott a décrit quatre types de pleurs, évoquant la satisfaction, la peur, la rage et la douleur, auxquels il est nécessaire d’adapter la réponse. Trop souvent, les pleurs intervenant au cours du premier mois de vie sont associés à des coliques, au caractère de l’enfant, ou encore à des caprices. Or, ce dont a besoin l’enfant à ce moment-là, c’est d’un environnement sécurisant. Jusqu’à l’âge de 6 mois au moins, il est incapable d’habituation aux pleurs. Ainsi, répondre à ses pleurs fréquents ne fera pas de lui un enfant capricieux. Après trois mois de vie, les pleurs du bébé seront davantage des pleurs d’anticipation, d’appréhension des désagréments. Il commence à mieux connaître son environnement, sa mère, ainsi que ses réactions, notamment grâce à une continuité et une routine de soins dont il fait l’objet et qui lui permettent cette anticipation. C’est grâce à cela que, peu à peu, les pleurs vont diminuer. À partir du 8e mois, ce sont des pleurs de détresse qui vont se mettre en place, notamment engendrés par la séparation d’avec la figure parentale ; cela est décrit par Winnicott comme « l’angoisse du 8e mois » ou « l’angoisse de l’étranger ». Par ses pleurs, l’enfant montre son attachement à ses parents. Le pleur est un signal corporel qui correspond à un message de sa part. C’est l’un des prémices de l’élaboration du langage.
Le vécu parental
Les pleurs excessifs ou considérés comme tels par les parents ou l’entourage peuvent provoquer : un questionnement, de l’incompréhension, un arrêt de l’allaitement maternel, un sentiment d’incompétence chez les parents, une sensation d’impuissance, de désespoir, une perturbation de la qualité des interactions parents-enfant, une intolérance, de l’impatience, un sentiment de culpabilité, d’exaspération, d’angoisse, de persécution, de la colère, de la frustration, un désir de contrôler qui peut parfois entraîner à des négligences, voire à de la maltraitance (syndrome du bébé secoué, par exemple).
→ Les sites
→ Lettres, ouvrages :
– Lettre thématique PRÉVIOS – Septembre 2009 (n° 13), « Le syndrome du bébé secoué » : www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/Lettre_PREVIOS_sept_2009.pdf
– Gassier Jacqueline, De Saint-Sauveur Colette, 2007, Le guide de la puéricultrice, prendre soin de l’enfant de la naissance à l’adolescence, 3e édition éditions Elsevier Masson, 1 145 p.
– Colloque « Des pleurs du nourrisson au bébé secoué », conseil général des Yvelines, 2010.