MALADIE D’HUNTINGTON
ACTUALITÉ
DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS
Un établissement spécialisé a ouvert ses portes à 18 personnes atteintes de chorée de Huntington. Une maladie rare et peu connue, dont la prise en charge est encore à construire.
« Ici, on a la chance d’avoir du temps. » Venant d’une infirmière, une telle affirmation a tout d’un vrai luxe. « Pour permettre à un résident de conserver un certain niveau d’autonomie, une douche peut, par exemple, prendre trois quarts d’heure, cela ne posera pas de problème », souligne Anne-Sophie Olivier, responsable infirmière de la maison d’accueil spécialisée (Mas) « La Résidence Le Chêne », à Cuvry (Moselle). L’une des particularités de cette structure est son important ratio de personnel (30,5 équivalents temps plein pour 18 résidents), adapté à la prise en charge des patients, tous atteints de chorée d’Huntington, une maladie neurologique rare et génétique, à évolution progressive.
Financée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et par l’ARS (3 M € d’investissement et 1,75 M € de budget annuel), et gérée par l’association Fondation Bompard, cette Mas a ouvert ses portes au mois de juin 2011. « Nous avons été, et nous sommes encore, le premier établissement médico-social français entièrement dédié à la maladie d’Huntington », indique Brigitte Fontaine, la directrice. L’initiative du projet revient aux familles de malades, et notamment à l’association Huntington Espoir Grand-Est, qui est venue, en 2003, frapper à la porte de la Fondation Bompard, gérant en Moselle plusieurs Ehpad et foyers d’accueil médicalisés. Cette maladie étant très peu connue, l’équipe s’est appuyée sur les travaux menés par la fondation Huntington Espoir – chaque membre du personnel reçoit lors de son recrutement un guide détaillé destiné aux soignants. Et un partenariat a été conclu avec le centre national de référence, basé à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil : « Le docteur Katia Youssov ainsi qu’une psychomotricienne sont venues nous délivrer une formation et nous ont donné une mine de conseils, dont certains pouvaient surprendre », rapporte Brigitte Fontaine. « Elles nous ont par exemple expliqué que ces personnes font régulièrement des chutes mais qu’il n’y a pas lieu de les entraver. Au contraire… Vouloir à tout prix les empêcher de tomber n’est pas souhaitable, les attacher est synonyme de perte d’autonomie. Mieux vaut leur proposer des activités nécessitant de la concentration, qui peuvent stabiliser leur chorée », détaille la directrice. Jardinage, cuisine, journal, art-thérapie et sorties sont au programme chaque semaine.
Pour éviter que les résidents ne se blessent à cause de leurs mouvements choréiques, l’équipe invente au quotidien toutes sortes de solutions (protection des angles des mobiliers, port d’un casque…). « Mis à part un fauteuil spécialement conçu pour ces malades, il n’existe aucun matériel spécifique », explique l’ergothérapeute Pierre-Alexandre Krzyszton, qui confectionne ce jour-là une « gigoteuse » adaptée pour l’une des résidentes. Cette dernière se blesse les pieds et les jambes la nuit contre les barreaux de son lit. « L’équipe infirmière travaille beaucoup avec les deux ergothérapeutes pour trouver de nouveaux matériels. Nous avons fait l’acquisition d’une sorte de youpala, avec maintien de la cage thoracique, pour permettre à certains patients de se déplacer, car, avec un déambulateur, ils chutaient en arrière », assure Anne-Sophie Olivier. Hormis la recherche de matériel adapté, la prise en charge infirmière est tournée vers les problèmes de déglutition (les conséquences des fausses routes, telles l’infection pulmonaire ou la pneumonie, sont la première cause de mortalité), la prévention de l’altération cutanée et des addictions (tabac, boulimie…).