L'infirmière Magazine n° 298 du 01/04/2012

 

ONCOLOGIE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Organisées par l’Association française des infirmières en cancérologie(1), les 15es Rencontres infirmières en oncologie ont fait le point sur les virus HPV et les cancers.

L’infection par le papilloma-virus humain (HPV) est sexuellement transmissible, et sa persistance est un risque majeur dans la survenue de certains cancers », explique le Pr Éric Deutsch, radiothérapeute à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif). « Mais, précise le médecin, ce n’est pas parce qu’une personne est contaminée par le virus qu’elle va développer un cancer. » En effet, si la majorité de la population adulte est infectée au cours de sa vie par un HPV, et notamment par un HPV oncogène, 91 % des personnes l’éliminent spontanément dans les deux ans. « Pour les autres, on ne connaît aujourd’hui pas très bien les mécanismes qui conduisent à sa non-élimination. Sont-ils liés à l’immunité, à des polymorphismes génétiques, à la nutrition, à des comorbidités… On ne le sait pas », admet le professeur. On pourrait imaginer qu’une fois en contact avec le virus, le système immunitaire développe des anticorps, mais des études montrent que le fait de posséder des anticorps, qui témoignent d’une rencontre avec le virus HPV, n’empêche pas de développer une infection latente.

Prévention et dépistage

Parmi la centaine de HPV répertoriées, une quarantaine sont en capacité d’infecter l’appareil génital, et une quinzaine sont à risque. Ainsi, le HPV 16 et le HPV 18 sont des facteurs causals du développement du cancer du col de l’utérus, qui est, en France, la quatrième cause de cancer chez la femme. Toutefois, dans les pays développés, la prévalence de ce cancer reste relativement faible par rapport à celle observée dans les pays émergents. « Ce n’est pas la thérapeutique qui est en cause, mais les carences dans le domaine de la prévention et du dépistage. Entre le moment de l’infection et le développement du cancer, il existe, en effet, des étapes intermédiaires, telles les lésions précancéreuses, que l’on peut détecter par le biais de frottis. Et lorsque ces lésions sont traitées, on peut éviter la survenue du cancer », explique Éric Deutsch. Pour illustrer son propos, le professeur cite une étude portant sur le suivi d’une cohorte de femmes durant dix ans. « Chez les femmes infectées au départ par le HPV 16 ou le HPV 18, on a vu apparaître des dysplasies sévères du col de l’utérus, alors que les autres n’ont quasiment pas eu d’augmentation de lésions précancéreuses », explique-t-il. En terme de prévention, un vaccin contre les HPV oncogènes existe depuis quelques années. « Il est recommandé de vacciner les adolescentes avant leurs premiers rapports sexuels, parce qu’une fois en contact avec les virus oncogènes, le vaccin est inopérant. Par ailleurs, la réponse immunitaire est plus efficace chez les adolescentes que chez les adultes », souligne-t-il.

Santé publique

Mais ce qui inquiète aujourd’hui les médecins, c’est l’émergence de cancers ORL chez des patients non fumeurs. Aux États-Unis, certaines études montrent que 20 % à 30 % de ces cancers sont aujourd’hui associés aux HPV. L’une de ces études, effectuée via un simple bain de bouche, a révélé que sur un groupe de population saine d’adultes, 6 % des personnes avaient, sans présenter de cancer, des virus HPV oncogènes dans le fond de la gorge, 10 % des hommes et 3 % de femmes. « Les projections établissent que d’ici à quelques années, on aura affaire à plus de cancers ORL d’origine HPV que de cancers du col de l’utérus. Et, pour l’instant, il n’y a pas de dépistage équivalant au frottis. Par conséquent, cette nouvelle donne pose la question d’étendre la vaccination à toute la population, et pas seulement aux femmes », conclut le médecin. Un enjeu de santé publique auquel devront rapidement répondre les autorités de santé.

1– www.afic.asso.fr