DOSSIER
PRISE EN CHARGE
Au-delà des traitements symptomatiques, les traitements de fond, dont les biothérapies, utilisées depuis une dizaine d’années, ralentissent les destructions articulaires.
La prescription d’un traitement de la polyarthrite, quel que soit le stade évolutif de l’affection, doit prendre en compte l’activité de la maladie, sa sévérité et le terrain (âge du patient, pathologies associées…). Il vise à réduire le handicap et la douleur, à obtenir une rémission clinique, voire à contrôler l’activité de la maladie et à prévenir ou stabiliser les destructions articulaires. Deux types de médicaments sont indiqués dans la polyarthrite :
→ Des traitements symptomatiques : limitant les conséquences des poussées évolutives, rapidement actifs, mais dont l’administration reste temporaire.
→ Des traitements de fond : limitant l’activité de la maladie, en retardant l’évolution et limitant la dégradation articulaire (Disease Modifying AntiRheumatic Drugs ou DMARD, intégrant les biothérapies).
S’il peut réduire temporairement le handicap, le traitement symptomatique ne modifie pas l’évolution de la maladie et n’empêche pas la destruction articulaire. Son administration n’a d’intérêt que dans les poussées évolutives ou dans l’attente de la pleine efficacité du traitement de fond.
→ Antalgiques : les douleurs doivent être traitées par la prescription d’un antalgique suffisamment puissant (palier I à III dont : paracétamol, tramadol, morphine…), exposant aux effets indésirables classiques de ces médicaments (paracétamol : toxicité hépatique ; opioïdes : insuffisance respiratoire, constipation, troubles cognitifs chez le sujet âgé…).
→ Anti-inflammatoires non-stéroïdiens : un AINS est souvent proposé en première intention pour diminuer la douleur et la tuméfaction articulaire. Ici encore, le traitement expose à une iatrogénie bien connue (troubles de l’hémostase, notamment, avec risque hémorragique).
→ Glucocorticoïdes : une corticothérapie orale à posologie minimale (< 0,2 mg/kg/j ou 10 mg/j de prednisone ou équivalent lors des poussées) constitue une alternative aux AINS en cas d’intolérance, de contre-indication (grossesse, par exemple) ou d’échec. Son efficacité est supérieure à celle d’un traitement par AINS. Si la corticothérapie se prolonge au-delà de 3 mois, prévoir une prévention de l’ostéoporose et limiter la dose à 0,15 mg/kg/j.
Le recours à la voie IV est possible à l’hôpital face à une poussée aiguë sévère ou à des manifestations cliniques viscérales. La corticothérapie intra-articulaire, indiquée face à une inflammation locale persistante, a une action puissante mais transitoire. L’injection, qui ne doit pas être répétée à moins de 3 mois d’intervalle pour une même articulation, expose à un risque d’arthrite septique.
Ces médicaments, souvent anciens, limitent l’évolution de la maladie et ralentissent les destructions articulaires. En pratique, le méthotrexate occupe le devant de la scène en constituant la première ligne de traitement de fond dans la majorité des situations (une forme sévère d’emblée peut justifier le recours à une biothérapie, voir plus loin).
→ Méthotrexate (Imeth, Méthotrexate Bellon) : souvent indiqué en première intention, sauf contre-indication, le méthotrexate exerce une action antiproliférative et anti-inflammatoire. Il améliore la clinique, prévient la destruction articulaire, permet d’obtenir des rémissions, augmente la survie. Son efficacité se prolonge souvent pendant plusieurs années et il bénéficie d’un index thérapeutique favorable au regard de la gravité de l’affection. La posologie initiale est, au minimum, de 10 mg/semaine ; cette dose est augmentée, si besoin, par paliers de 4 à 8 semaines sans excéder 20, voire 25 mg/semaine.
Le méthotrexate expose à une toxicité hépatique non négligeable, à des complications infectieuses, pulmonaires (pneumopathie interstitielle hypoxémiante d’origine immuno-allergique, chez 2 à 8 % des patients) ou hématologiques (pancytopénie), parfois sévères. L’association à l’acide folique (5 à 10 mg 2 jours après l’administration du méthotrexate) limite l’hépatotoxicité (cytolyse hépatique) et les troubles digestifs (nausées, douleurs abdominales) mais peut diminuer aussi l’efficacité du traitement.
Le traitement par méthotrexate nécessite une surveillance biologique mensuelle (NFS, plaquettes, créatininémie, bilan hépatique, notamment transaminases) et ne doit pas être associé à d’autres traitements hépatotoxiques.
Le méthotrexate étant tératogène, une contraception fiable s’impose pendant le traitement, quel que soit le partenaire du couple traité. Elle doit être poursuivie 3 mois après l’arrêt du traitement chez la femme et 5 mois chez l’homme.
→ Léflunomide (Arava) : d’une efficacité équivalente à celle du méthotrexate, le léflunomide peut lui être substitué en cas d’échec ou de contre-indication. Il est administré à la posologie de 20 mg/j. L’administration de léflunomide expose à une perte de poids, de l’hypertension artérielle, des troubles digestifs (crampes, diarrhées), une toxicité hépatologique, hématologique (pancytopénie), neurologique (neuropathies périphériques) et cutanée (alopécie) justifiant une surveillance biologique et clinique.
Le léflunomide est tératogène : les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception efficace pendant le traitement et jusqu’à 2 ans après l’arrêt de celui-ci (sauf recours à une technique d’élimination forcée du médicament réduisant l’arrêt à 11 jours : cette méthode est surtout préconisée si un début de grossesse est constaté sous léflunomide). Une toxicité fœtale potentielle transmise par le père explique la nécessité d’instaurer aussi une contraception efficace en cas d’administration au partenaire masculin.
→ Sulfasalazine (Salazopyrine) : la sulfasalazine peut être associée au méthotrexate ou lui être substituée en cas de contre-indication. Le traitement nécessite une surveillance en cas d’insuffisance hépatique ou d’insuffisance rénale sévères, et un contrôle régulier de l’hémogramme (risque de myélodépression) comme de la fonction rénale. Si les signes digestifs sont assez banals (nausées, dyspepsies), transitoires et bénins, la survenue de réactions cutanées impose l’arrêt du traitement. Une hémolyse peut survenir en cas de déficit congénital en glucose-6-phosphodeshydrogénase (G-6PD).
→ Hydroxychloroquine (Plaquénil). Ce médicament, actif sur la polyarthrite débutante mais ne prévenant pas les destructions articulaires, potentialise l’action du méthotrexate et de la sulfasalazine. Son administration, à la dose de 200 à 400 mg/j en traitement d’entretien, expose à une toxicité neurologique (vertiges, acouphènes), hématologique, cutanée, digestive, mais surtout à un risque de rétinopathie imposant la recherche d’une anomalie ophtalmologique avant l’instauration du traitement, puis un suivi au moins annuel (plus fréquent chez le sujet de plus de 65 ans, et/ou insuffisant rénal). Tout trouble ophtalmologique (diminution de l’acuité visuelle, anomalies de la vision colorée…) impose l’arrêt du traitement.
→ Aurothiopropanolsulfonate de sodium (Allochrysine). L’activité immunomodulatrice de ce sel d’or injectable s’observe au terme de 2 à 3 mois. Son emploi est limité en raison de sa toxicité rénale, hématologique, hépatique et cutanée. Un traitement prolongé peut induire une pigmentation bleutée des téguments et des dépôts auriques cornéens. Divers sels d’or étant tératogènes, son usage est déconseillé pendant la grossesse.
D’autres médicaments sont parfois prescrits dans la polyarthrite, mais la rareté de leur usage dans cette indication explique qu’ils ne soient pas détaillés ici : ciclosporine (Néoral, Sandimmun), azathioprine (Imurel), pénicillamine (Trolovol), tiopronine (Acadione).
Les biothérapies sont des traitements de fond agissant directement sur les molécules biologiques et les cellules impliquées dans le développement de la réaction immunitaire et dans la dégradation articulaire. Ces médicaments ont révolutionné, en une décennie, le traitement des rhumatismes sévères et, notamment, celui de la polyarthrite rhumatoïde.
→ Action : les anti-TNF sont généralement des anticorps monoclonaux, mais l’étanercept fait exception. Ils exercent une activité anti-inflammatoire puissante et inhibent une part de la cascade de réactions aboutissant à la dégradation articulaire.
→ Indications : les anti-TNF-alfa s’administrent par voie parentérale (IV ou, surtout, SC) en association au méthotrexate chez les patients présentant une polyarthrite active lorsque la réponse aux traitements de fond conventionnels reste insuffisante ou chez les patients présentant une maladie active sévère et évolutive, non traitée auparavant par méthotrexate ou d’autres médicaments de fond. Certains anti-TNF peuvent être administrés en monothérapie.
→ Effets indésirables : les anti-TNF sont à l’origine d’une iatrogénie résultant essentiellement d’une atteinte immunitaire. Il faut redouter, notamment, la survenue d’infections susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital (tuberculose, mycoses systémiques, infections opportunistes…), une possible réactivation d’hépatite B, l’aggravation d’une hépatite C, mais aussi des tumeurs malignes (sein, peau, poumons…), des troubles lymphoprolifératifs… Des effets indésirables hématologiques et neurologiques graves sont également signalés (rares pancytopénies, très rares aplasies médullaires). Des épisodes de démyélinisation (centrale et périphérique) ont été observés ainsi que de cas rares de lupus, de syndrome lupique et de vascularite. Enfin, les réactions au site d’injection ne sont pas rares.
→ Surveillance du traitement : ces médicaments font l’objet d’un plan de gestion des risques, notamment infectieux (tuberculose, dont la prévention fait l’objet de recommandations de l’Afssaps) et carcinogènes (lymphomes, mélanomes) (voir tableau ci-dessous).
Quatre autres biothérapies sont indiquées dans la polyarthrite. Elles agissent sur des cibles différentes des précédentes (inhibition de médiateurs pro-inflammatoires ou action sur les lymphocytes), mais relèvent également d’une prescription spécialisée.
→ Anakinra (Kineret) : cet anti-inflammatoire, moins puissant que les anti-TNF, est associé au méthotrexate lorsque la réponse à ce médicament n’est pas satisfaisante après administration pendant 3 mois et lorsque le patient présente une contre-indication aux anti-TNF. Il s’injecte par voie sous-cutanée, tous les jours à la même heure, à la dose de 100 mg. Les réactions locales sont fréquentes, comme la survenue d’une neutropénie accompagnée d’infections.
→ Abatacept (Orencia) : associé au méthotrexate, il est prescrit dans le traitement de la polyarthrite active modérée à sévère chez les patients ayant une réponse insuffisante ou une intolérance à d’autres traitements de fond incluant au moins un anti-TNF. La posologie est comprise entre 500 mg et 1 000 mg, administrés en perfusion IV de 30 minutes aux semaines 2 et 4 faisant suite à la première perfusion, puis toutes les 4 semaines. Ce traitement bénéficie d’une tolérance satisfaisante, avec des effets indésirables essentiellement à type de nausées et de céphalées.
→ Tocilizumab (Roactemra) : indiqué en association au méthotrexate, dans les formes actives modérées à sévères, chez les patients ayant présenté une réponse inadéquate ou une intolérance à un précédent traitement par un ou plusieurs traitements de fond classiques ou par un ou plusieurs anti-TNF. Ce médicament peut être utilisé en monothérapie. La posologie du tocilizumab est de 8 mg/kg, administrés par voie IV une fois toutes les 4 semaines.
→ Rituximab (Mabthera) : le rituximab est indiqué, en association au méthotrexate, dans le traitement de la polyarthrite active sévère, à la posologie de 1 000 mg par perfusion IV, suivie d’une deuxième perfusion de 1 000 mg 2 semaines plus tard. L’injection IV de 100 mg de méthylprednisolone 30 minutes avant administration diminue l’incidence et la sévérité des réactions liées à la perfusion. La nécessité de cycles supplémentaires est évaluée à la 24e semaine. La première administration doit être réalisée à l’hôpital.
Le traitement de la polyarthrite cumule quatre objectifs : traiter la douleur (antalgiques) ; traiter l’inflammation (AINS, corticothérapie) ; réduire ou inhiber le processus complexe de dégradation articulaire (immunomodulateurs conventionnels et/ou bio-thérapies) ; prise en charge et accompagnement des conséquences de la maladie.
Le consensus actuel est de traiter la polyarthrite le plus précocement possible (idéalement, dans les trois premiers mois d’évolution) au moyen de médicaments actifs (méthotrexate, biothérapies) de façon à empêcher au maximum son évolution.
L’efficacité et la tolérance du traitement sont évaluées chaque mois jusqu’au contrôle de la maladie, puis tous les 3 mois. Une non-réponse thérapeutique à 12 semaines (notamment pour un traitement anti-TNF) fait modifier la stratégie thérapeutique.
La question de la durée du traitement reste posée : des études suggèrent qu’il soit possible d’interrompre le traitement une fois une rémission obtenue ou l’activité de la maladie réduite. Beaucoup d’incertitudes subsistent dans ce domaine.
Dans tous les cas, une alliance thérapeutique forte est indispensable pour traiter le patient, qui devra rester compliant à un traitement souvent complexe sa vie durant.
→ Traitement symptomatique (antalgique et anti-inflammatoire) : il repose avant tout, en pratique, sur l’administration d’un glucocorticoïde à faible posologie.
– La corticothérapie par voie orale limite la symptomatologie avant que le traitement de fond ne développe sa pleine efficacité (3 à 8 semaines avec le MTX) ou en cas de poussée : la posologie est alors 0,2 mg/kg/j d’équivalent prednisone. Le traitement dure de 2 à 6 mois, parfois plus (au-delà de 3 mois, prévoir une prévention de l’ostéoporose cortisonique et la correction d’une éventuelle carence en calcium ou/et en vitamine D). L’arrêt du traitement est progressif. Le recours à la voie veineuse n’est justifié qu’en cas de poussée articulaire majeure ou de manifestations viscérales (milieu hospitalier).
– Une corticodépendance (impossibilité de réduire la dose sans réactiver la maladie) fait envisager une modification du traitement de fond.
– Antalgiques et AINS peuvent être prescrits en adaptant le traitement au terrain et à la sévérité de la symptomatologie.
→ Polyarthrite sans signes de sévérité : le méthotrexate est prescrit à la dose de 10 mg/semaine (voire plus, sans excéder 20 à 25 mg/semaine), en association aux folates. En cas d’intolérance, de contre-indication ou de réponse insuffisante, il est possible de prescrire du léflunomide ou de la sulfasalazine, voire du méthotrexate par voie parentérale.
→ Polyarthrite sévère : diverses stratégies sont possible, comme, par exemple : méthotrexate + sulfasalazine + hydroxychloroquine + corticothérapie ; méthotrexate + anti-TNF ; anti-TNF en monothérapie (étanercept, adalimumab, infliximab, golimumab).
→ Polyarthrite peu évolutive : une réponse insuffisante au méthotrexate à dose maximale tolérée pendant au moins 3 mois le fait remplacer par le léflunomide ou la sulfasalazine. Si cette substitution échoue, il est possible de choisir entre plusieurs traitements de fond conventionnels :
– méthotrexate + sulfasalazine ou ciclosporine ;
– méthotrexate + sulfasalazine + hydroxychloroquine ;
– méthotrexate + léflunomide ou sel d’or ;
– méthotrexate + anti-TNF ;
– anti-TNF en monothérapie (selon AMM).
Des échecs successifs à ces stratégies invitent à renforcer des associations multiples :
→ PR active ou évolutive
– Une réponse insuffisante au méthotrexate à dose maximale tolérée pendant au moins 3 mois y fait associer un anti-TNF-alpha (adalimumab, étanercept, infliximab, golimumab).
– Une intolérance au méthotrexate indique un anti-TNF en monothérapie (selon AMM) ou une association anti-TNF + traitement de fond autre que méthotrexate (ex. : léflunomide).
– Une contre-indication aux anti-TNF fait associer plusieurs traitements de fond conventionnels ou associer le MTX au rituximab, à l’abatacept ou à l’anakinra.
→ PR en rémission ou de faible niveau d’activité
Le traitement de fond peut être adapté en cas de rémission. Il peut être réduit progressivement, sur 6 à 12 mois, et totalement arrêté, ou pour certains médicaments seulement. Le patient doit alors être informé du risque de récidive.