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QUESTIONS SUR
Vous constatez que M. G., 68 ans, diabétique de type 2 depuis plusieurs années, a un durillon sous le pied. Vous lui demandez si cela ne le gêne pas. Il vous répond qu’il n’y avait pas prêté attention. Que faire ?
Il est nécessaire de faire le point sur les connaissances de M. G. concernant les risques de complications podologiques liées au diabète. Vous lui conseillez de consulter un médecin (diabétologue ou médecin traitant) pour évaluer son risque podologique et mettre en place une prise en charge adaptée.
Avec le temps, l’hyperglycémie du diabète agit « en silence », et entraîne un risque de graves complications vasculaires. Au-delà de l’observance d’un traitement médicamenteux, leur prévention repose également sur des mesures diététiques, la pratique d’une activité physique, et la prise en charge du risque podologique. Quant aux déséquilibres glycémiques aigus, hypoglycémie et acidocétose avec risque de coma diabétique, ils nécessitent un rétablissement rapide de la glycémie, voire une orientation dans un service d’urgence.
La microangiopathie diabétique est une atteinte des petits vaisseaux qui regroupe la rétinopathie, la néphropathie et la neuropathie, souvent associées. Leur apparition et leur gravité sont liées à la durée du diabète et à l’importance de l’hyperglycémie. Le risque existe à partir d’une glycémie à jeun comprise entre 1,20 et 1,30 g/L, ce qui fait dire aux spécialistes qu’il n’existe pas de « petit diabète ». Une hémoglobine glyquée (HbA1c) maintenue à un maximum de 7 %, 6,5 % si possible, permet de prévenir les complications ou d’en freiner l’évolution lorsqu’elles sont déjà installées.
Dans le diabète, la macroangiopathie regroupe et précipite deux maladies des artères musculaires :
- l’athérosclérose, due à la formation de plaque d’athérome sur leur paroi (dépôt lipidique). Elle est favorisée par une néphropathie dans le DT1 et par la surcharge pondérale, qui entraîne une hyperlipidémie et une hypertension artérielle dans le DT2 ;
- l’artériosclérose, caractérisée par un épaississement des parois des artères.
La différence entre athérosclérose et artériosclérose n’a pas d’incidence en pratique. La pathogénie des plaies des pieds relève bien plus souvent de la neuropathie (voir plus loin) que de l’artériopathie, qui intervient essentiellement en cas d’ischémie aiguë par obstruction vasculaire distale.
Le risque de complications est quasiment identique dans les deux types de diabète. Elles n’apparaissent que dix ou vingt ans après le début de l’hyperglycémie, essentiellement lorsque celle-ci aura été mal contrôlée.
Elle est due à l’accumulation de micro-occlusions des petits vaisseaux de la rétine, et entraîne des zones rétiniennes ischémiques non vascularisées. Un « fond d’œil » annuel (examen de la rétine) peut détecter une atteinte, alors que la rétinopathie est totalement asymptomatique. Gravité : au bout de quinze ans de diabète, près de 2 % des sujets deviennent aveugles et environ 10 % présentent des atteintes visuelles graves.
→ Manifestations : cette complication fréquente, le plus souvent sous la forme de polyneuropathie distale et symétrique (polynévrite d’origine métabolique) : atteinte de plusieurs nerfs (poly) dans les deux membres inférieurs (symétrique) se manifestant surtout au niveau des pieds (distale). L’atteinte d’un seul nerf (crural, crânien) ou mononévrite, est une forme plus rare (mécanisme microvasculaire).
→ Surveillance clinique : des soins quotidiens et attentifs des pieds permettent d’éviter les complications infectieuses et le mal perforant plantaire
L’infirmière a un rôle essentiel dans la prévention des plaies au niveau des pieds car les médecins ne s’en préoccupent souvent qu’en cas de problème avéré. Son attention doit porter sur toute lésion, y compris hyperkératose, cornes et autres durillons, dont il convient d’identifier l’origine pour en prévenir la récidive. Une gradation du risque podologique par le médecin ou par un podologue formé au « pied diabétique » permet d’évaluer le niveau de risque pour chaque patient.
→ Définition : c’est une atteinte spécifique des petits vaisseaux des glomérules du rein (glomérulopathie ou glomérulonéphrite), détectée par une augmentation de l’albumine dans les urines. Elle représente entre 10 % et 20 % des causes de décès chez les diabétiques, et le diabète est la première cause d’insuffisance rénale terminale obligeant à la dialyse ou à une greffe.
→ Surveillance biologique : une atteinte rénale est asymptomatique. Elle sera décelée par un dosage annuel de la micro-albuminurie sur les urines de 24 heures (maxi 30 mg) ou sur un échantillon d’urine (maxi 20 mg/litre). Un premier chiffre anormal doit être confirmé sur deux ou trois mesures successives à quelques semaines d’intervalle.
Un risque augmenté : les cardiopathies ou les accidents vasculaires cérébraux sont deux à quatre fois plus fréquents chez les personnes diabétiques et représentent 50 % des décès. Une maladie coronaire peut être asymptomatique, et la recherche systématique d’une insuffisance coronarienne aide à éviter un accident cardiaque brutal.
→ Autres facteurs de risque cardio-vasculaire
- L’hypertension artérielle : elle doit être limitée à 135/85, à 130/80 en cas de microangiopathie, rétinopathie ou néphropathie.
- L’augmentation des lipides sanguins. Le LDL cholestérol doit rester inférieur à 1,00 g/L. Il est amélioré par l’activité physique et la réduction des graisses alimentaires. Les résultats des triglycérides (< 1,50 g/L) sont diminués en réduisant les sucreries.
- Le tabac multiplie le risque d’artérite et d’infarctus du myocarde par plus de deux chez le diabétique.
Les caries et la maladie parodontale (qui touche la gencive, l’os ou la racine) sont plus fréquentes quand le diabète est déséquilibré. Elles imposent une bonne hygiène dentaire et un détartrage annuel.
La restriction calorique, assez difficile à maintenir sur le long terme, privilégie une restriction modeste et le choix des aliments. La notion de plaisir doit être soutenue.
Le surpoids (indice de masse corporelle ≥ 25 kg/m2), et l’obésité (IMC ≥ 30 kg/m2) seraient responsables de 44 % des diabètes, selon l’Organisation mondiale de la santé. C’est l’obésité viscérale, surcharge de graisse autour des viscères au niveau de l’abdomen, qui est la plus grave en terme de risques cardio-vasculaires et métaboliques. Le tissu adipeux viscéral libère, dans ce cas, une grande quantité d’acides gras libres que les cellules musculaires utilisent préférentiellement au glucose comme source d’énergie.
Ces cellules deviennent progressivement résistantes à l’insuline (insulinorésistance). Un tour de taille supérieur à 90 cm chez la femme et 100 cm chez l’homme est considéré comme un facteur de risque cardio-vasculaire et d’insulinorésistance.
Dans le DT1 avec insulinothérapie, l’alimentation conseillée est proche d’une alimentation normale, avec des apports glucidiques contrôlés. Ce sont surtout les situations exceptionnelles qui posent problème : sorties au restaurant, activités physiques intenses… Les insulines rapides permettent d’adapter les doses à ces situations. Dans le DT2, atteindre un équilibre correct uniquement avec des médicaments, sans régime alimentaire ni exercice physique, est impossible. La lutte contre l’insulinorésistance passe par une correction des erreurs alimentaires et non par un régime hypocalorique sévère.
Les études montrent qu’une suppression totale des produits sucrés entraîne une augmentation de la consommation de lipides. Par ailleurs, la distinction entre sucres simples, considérés comme rapides, et sucres complexes, lents, est abandonnée au profit de :
- l’index glycémique : pouvoir hyperglycémiant d’un aliment comparé au glucose ;
- la rapidité de la réponse glycémique, liée à la rapidité du transit gastrique. Celle-ci est diminuée par un apport simultané en graisses, protéines et fibres alimentaires. La consommation de sucre en dehors des repas, le grignotage, peut être remplacé par l’absorption de produits moins sucrés (yaourt, fruit) ou par la pratique d’activités qui détournent l’attention (mots croisés, promenade…).
Les personnes en surpoids ou obèses sont souvent de gros mangeurs. Les portions des repas sont progressivement réduites, pour ne pas favoriser les prises alimentaires en dehors des repas. Au-delà de 10 g de lipides (équivalent d’une cuillère à soupe d’huile) pour 100 g d’aliments, la concentration en matières grasses est considérée comme assez forte.
Les infirmières peuvent rassurer les patients, l’exercice recommandé vise plus à pallier le manque d’activité dans la vie quotidienne contemporaine qu’en une véritable pratique sportive. Le transport du glucose dans le muscle squelettique est stimulé par l’insuline et l’exercice physique. Si la stimulation par l’insuline est diminuée dans le DT2, celle induite par l’exercice physique reste normale. L’amélioration de la sensibilité musculaire vis-à-vis de l’insuline persiste dans l’intervalle des activités physiques si ces séances sont régulières.
Un podomètre permet de compter les pas et de se fixer facilement des objectifs : 10 000 pas par jour sont recommandés, alors qu’une personne sédentaire se situe généralement autour de 3 000 pas par jour.
La durée de l’activité : l’objectif est fixé entre 20 et 45 minutes à pratiquer tous les deux jours ou trois fois par semaine. Classiquement, une durée de 30 minutes de marche par jour permet une diminution du risque vasculaire de 30 %. L’essoufflement marque une limite. Pour ne pas dépasser le début de l’essoufflement, il faut être capable de parler pendant l’activité. Si on n’arrive plus à parler, il faut ralentir.
Le suivi peut être amélioré en rappelant les examens recommandés. « L’étude Entred (« Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques ») a permis de mettre en évidence que le suivi des patients diabétiques n’est pas optimal. L’infirmière libérale joue un rôle de sentinelle par rapport au bilan annuel. Ainsi, le patient pourra interpeller son médecin pour effectuer les examens manquants », constate Catherine Gilet, présidente de l’Ancred (Association nationale de coordination des réseaux diabète
Autre approche : pour s’informer, résoudre une difficulté ou pour orienter les patients qui retournent à domicile vers une prise en charge pluridisciplinaire, l’infirmière peut s’adresser aux réseaux ou aux maisons du diabète. Dans un but d’éducation thérapeutique, ces structures proposent des ateliers individuels ou en groupe (alimentation, activités physiques), des consultations gratuites avec des infirmières formées, des diététiciens, des éducateurs sportifs ou des podologues
Des sites Internet spécialisés peuvent aussi être recommandés (voir encadré ci-contre ).
Remerciements au Docteur Paul Roesch, spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques au Centre hospitalier de Mulhouse, créateur du site Diabsurf, pour son aimable participation.
1- Un durillon se crée sur une zone d’appui de la plante du pied. En l’absence de douleur, le diabétique continue d’appuyer sur cette corne et provoque un ulcère. Les lésions tendent à s’infecter très rapidement, avec un risque d’ostéite (infection osseuse).
2- Pour trouver un réseau du diabète à proximité : Ancred, tél. : 06 60 89 13 60, www.ancred.fr. Pour une maison du diabète : www.maison-diabete.info, tél. : 03 20 72 32 82.
→ HbA1c, suivi systématique, quatre fois par an.
→ Glycémie veineuse à jeun ou contrôle de l’autosurveillance glycémique chez les patients concernés, une fois par an.
→ Bilan lipidique (cholestérol total, HDL-cholestérol, LDL-cholestérol, triglycérides), une fois par an.
→ Microalbuminurie, une fois par an.
→ Créatininémie à jeun, une fois par an.
→ Calcul de la clairance de la créatinine (formule de Cockroft), une fois par an.
→ TSH, en présence de signes cliniques (pour le diabète de type 2).
FRANCIS LAROCHE CADRE DE SANTÉ EN SERVICE DE DIABÉTOLOGIE À L’HÔPITAL LAPEYRONIE, MONTPELLIER (34)
Pour aborder la prise en charge avec un patient diabétique, l’infirmière doit commencer par effectuer un bilan initial. Cet entretien informe sur la représentation que le patient se fait de sa maladie et des difficultés rencontrées, qui sont différentes d’un patient à l’autre. « Quelle place la maladie occupe-t-elle dans votre vie1 ? Comment vivez-vous les contraintes imposées par la maladie1 ? Quelles sont vos préoccupations ou vos questions à ce sujet ? »
Ces questions apportent des informations qui seront discutées avec le médecin pour proposer une prise en charge adaptée au patient. Les propositions prendront en compte le projet de vie du patient (activités physiques, arrêt du tabac…).
La peur n’entraîne pas forcément un changement des habitudes. Il faut tenir compte des patients qui sont en « pseudo-acceptation », qui n’acceptent qu’une partie du traitement. On ne parle pas des statistiques graves sur les complications, alors que le problème peut être envisagé de façon positive. Pour un patient avec une Hb1c à 8,5 ou 9 %, on peut lui dire que si, au prochain dosage, son Hb1c est abaissée de 1 %, il diminue de 30 à 40 % le risque de complications. Si ce résultat est obtenu par diminution des apports glucidiques, respect des règles hygiéno-diététiques, activité physique accrue ou meilleure observance du traitement, le fait de valoriser ses efforts en gardant une position d’écoute permet de maintenir le contact avec le patient dans une relation de confiance.
Internet
→ DiabSurf, créé par un spécialiste en diabétologie. Didactique et complet. www.-diabsurf.com
→ Diabète HEGP, site du service de diabétologie du Pr Jean-Jacques Altman, Hôpital européen Georges-Pompidou. Des explications sur le diabète, les examens, le suivi, le traitement et les complications. www.hegp.fr
→ Diabete2-patients, site élaboré par une équipe de médecins. Des informations et des conseils pour mieux vivre le diabète au quotidien. diabete2-patients.com
→ 2,9 millions de personnes diabétiques, dont 700 000 traitées par insuline en 2009.
→ Chaque année :
- plus de 9 000 personnes amputées.
- plus de 12 000 personnes hospitalisées pour infarctus du myocarde.
- près de 3 000 nouveaux cas d’insuffisance rénale terminale.