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IATROGÉNIE AU QUOTIDIEN
Mme D., âgée de 88 ans, pesant 61 kg pour 153 cm, est hospitalisée pour suite de prise en charge d’une décompensation respiratoire d’origine infectieuse, dans un contexte d’insuffisance respiratoire chronique, initialement prise en charge en réanimation.
Le traitement habituel comporte de la spironolactone (Aldactone 50 mg), du furosémide (Lasilix 40 mg), de la prednisone (40 mg), et du paracétamol (Doliprane 4 g par jour). Le traitement à visée pneumologique comporte une association de salmétérol (25 µg) et fluticasone (50 µg) à très faible dosage : Seretide 50 µg/25 µg, une bouffée matin et soir. Ce traitement, indisponible à l’hôpital, est remplacé par les deux constituants séparés.
Après 10 jours d’hospitalisation, à l’occasion d’un transfert de la patiente, un membre de l’équipe soignante constate la présence sur la table de nuit d’un flacon de salmeterol (Serevent 25 µg) et d’un flacon de fluticasone (Flixotide 250 µg) comportant la mention manuscrite « 2 bouffées matin et soir »).
Les examens réalisés à la suite de la découverte de ce surdosage (500 µg de fluticasone à chaque prise au lieu de 50 µg) ne révèlent aucun signe d’intoxication.
L’évolution clinique et biologique sera sans particularité.
L’ordonnance habituelle de cette patiente comprenait un médicament non disponible dans l’établissement hospitalier. Une adaptation pratique de cette prescription aux médicaments de l’hôpital est réalisée, sans que cela ne fasse l’objet d’une prescription spécifique (le remplacement de ce médicament ne sera jamais apparent sur la prescription hospitalière).
Lors de l’approvisionnement en médicaments par la pharmacie, une erreur est réalisée conduisant à la dispensation d’un dosage incorrect de fluticasone. Cette erreur n’est pas identifiée lors de l’administration.
Parmi les facteurs favorisants de cette erreur, trois éléments semblent avoir joué un rôle important :
- Les unités couramment utilisées pour ces médicaments de pneumologie sont les microgrammes : le conditionnement extérieur du Flixotide comporte, ainsi, la mention « 250 microgrammes/dose ».
En revanche, le logiciel de prescription comporte comme unité par défaut les milligrammes. Ainsi, pour ce médicament, le dosage apparaît sous le libellé « Seretide 0,050/0,025 MG ».
Cette discordance d’unité entre la prescription et la boîte de médicament gêne l’interception de telles erreurs.
- L’association de plusieurs principes actifs au sein d’un même médicament augmente le risque de confusion au niveau du dosage (inversion des deux principes actifs).
- Le remplacement d’un médicament par un autre expose à un risque de confusion ou d’erreur de saisie.
Les glucocorticoïdes inhalés comprennent trois principes actifs :
→ Beclometasone : Beclojet, Becotide, Miflasone, Qvar…
→ Budésonide : Miflonil, Pulmicort, Novopulmon.
→ Fluticasone : Flixotide.
Les systèmes d’administration existants sont variés :
- aérosols doseurs : flacons pressurisés mettant en suspension un liquide après appui sur une valve, nécessitant une bonne coordination main-mouvement inspiratoire ;
- dispositifs autohaler : le déclenchement est provoqué par l’inspiration du patient ;
- inhalateurs de poudre sèche (turbuhaler, diskhaler) : la coordination main-mouvement inspiratoire n’est plus nécessaire. Dans la plupart des cas, le dispositif doit être réarmé avant chaque inhalation ; il existe souvent un système de décompte des doses qui affiche le nombre de doses restantes.
Une utilisation adaptée des dispositifs d’administration est essentielle pour permettre l’efficacité de ces traitements. Le recours à une chambre d’inhalation peut être proposé, en particulier chez l’enfant, ou en l’absence de coordination entre la pression sur la valve et le mouvement inspiratoire du patient.
Les indications principales sont le traitement de fond de l’asthme persistant, le sevrage ou la diminution des corticoïdes par voie générale dans les asthmes cortico-dépendants, et les toux spasmodiques, laryngo-trachéites spasmodiques, bronchites asthmatiformes de l’enfant, BPCO spastiques.
Les effets indésirables peuvent être locaux ou, plus rarement, généraux.
→ Effets indésirables locaux : possibilité d’irritation locale transitoire (gêne pharyngée, toux, raucité de la voix), ou de candidoses oro-pharyngées. Il convient de pratiquer un rinçage de la bouche après chaque inhalation pour en limiter l’apparition, et d’interrompre le traitement en cas de candidose.
→ Effets indésirables généraux : liés à la fraction du médicament déglutie par le patient, qui pourra entraîner les effets systémiques des glucocorticoïdes. On peut craindre en particulier un retard de croissance chez l’enfant traité par fortes doses. De manière exceptionnelle, après traitement prolongé, des cas de cataracte ont été rapportés, ainsi que des cas de freinage cortico-surrénalien lors d’un surdosage.
Les contre-indications sont extrêmement limitées, et sont principalement représentées par la tuberculose pulmonaire évolutive, ou latente mais non traitée, et les cas d’allergie au glucocorticoïde utilisé.
Il convient de préciser au patient que ce traitement n’est pas un traitement de la crise d’asthme, mais un traitement de fond nécessitant plusieurs jours avant que les effets thérapeutiques ne se manifestent.
Du fait du mode d’administration, les interactions médicamenteuses sont très limitées. Une augmentation des concentrations de fluticasone et de budésonide peut être observée en cas d’association avec le kétoconazole et le ritonavir.
Les glucocorticoïdes inhalés sont également commercialisés sous la forme d’associations avec un autre principe actif à visée pneumologique et à action complémentaire, comme un bêta agoniste à longue durée d’action. Ainsi, des associations avec le formotérol (dans les spécialités Symbicort Turbuhaler, Innovair) et avec le salmétérol (dans les spécialités Seretide et Seretide Diskus) sont commercialisées.
Ces associations permettent de réduire le nombre d’administrations nécessaires pour le patient, mais elles exposent aux effets indésirables des bêta-agonistes (crampes musculaires, tremblements, palpitations…).
Les multiples formes, dosages et associations des antiasthmatiques représentent un risque non négligeable d’erreur. L’utilisation d’unités rares (microgrammes) augmente encore le risque de confusion.
Pour éviter la reproduction d’une telle erreur, il convient de :
→ S’assurer que la prescription est le reflet exact de la réalité de ce qui est administré au patient : toute discordance doit être signalée et faire l’objet d’une correction, pour éviter qu’une éventuelle erreur ne perdure.
→ Soigneusement vérifier la réalité de l’équivalence lorsque des médicaments sont substitués (ou adaptés aux stocks d’un établissement hospitalier). En particulier, ne jamais partir du principe « qu’il doit s’agir du générique » !
→ Être sensibilisé au risque des associations de principe actifs, en particulier lorsque plusieurs dosages sont disponibles (voir encadré ci-dessus).
Concernant les glucocorticoïdes inhalés, la bonne utilisation du dispositif d’administration est impérative pour bénéficier des effets thérapeutiques. L’IDE peut jouer un rôle capital dans l’éducation du patient à son utilisation. Le suivi des patients permet également de signaler au prescripteur les difficultés rencontrées par le patient. Enfin, l’utilisation de ces médicaments doit s’accompagner du rappel auprès du patient de l’utilité d’un rinçage de la bouche après chaque administration, afin d’en limiter les effets indésirables.
Les associations de plusieurs principes actifs peuvent exposer à un risque de confusion, en particulier en cas de substitution ou de prescription incomplète. Il convient d’être vigilant, notamment avec les associations suivantes :
→ Les antalgiques, avec les associations paracétamol et codéine en quantité différente : Dafalgan-codéine (500 mg + 30 mg) ; Klipal-codéine (300 mg + 25 mg ou 600 mg + 50 mg) ; Codoliprane (400 mg + 20 mg). Selon la spécialité, doses variables des deux constituants.
→ Certains anti-infectieux : association amoxicilline et acide clavulanique : Augmentin p perf IV 1 000 mg/200 mg et 2 000 mg/200 mg (même dose d’acide clavulanique, seule la dose d’amoxicilline change) ou antituberculeux associant entre 1 et 3 principes actifs (Rimifon, Rifinah, Rifater) ; associations d’antirétroviraux…
→ Les antihypertenseurs : association entre bêtabloquant et diurétique (Temeritduo 5 mg/12,5 mg ou 5 mg/25 mg) ; association entre IEC et inhibiteur calcique (Coveram 5 mg/5 mg, 5 mg/10 mg, 10 mg/5 mg, 10 mg/10 mg), association entre IEC et diurétique (Cotareg 80 mg/12,5 mg et 160 mg/12,5 mg)…
→ Les antiparkinsoniens : association de lévodopa et carbidopa : Sinemet® 100 mg/10 mg et Sinemet LP 100 mg/25 mg.