VIOLENCES
ACTUALITÉ
En 2011, 5 760 actes de violence ont été recensés, en majorité à l’encontre des soignants. Une hausse de 13 % par rapport à 2010, qui impose une « prise de conscience » des hopitaux.
Une nuit ordinaire aux urgences du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard. Une infirmière s’apprête à soigner la main d’un homme, blessée par un coup de poing rageur dans un miroir lors d’une dispute avec sa femme. L’homme a un peu bu, il ne se laisse pas faire. L’infirmière fait appel à un collègue pour le maintenir. Le patient s’emporte, et envoie un violent coup de poing dans le ventre du quinquagénaire. Les deux hommes s’empoignent, finissent à terre ; les coups du patient, ponctués d’insultes, continuent de pleuvoir sur le soignant. Bilan : une côte cassée et une déchirure au bras.
L’agression ira gonfler la longue liste des faits de violence signalés en 2011 par les établissements de santé. Au total, 5 760 actes de violence ont été recensés, 13 % de plus qu’en 2010, révèle le rapport de l’Observatoire national de la violence en milieu hospitalier, publié fin mars. Une hausse enregistrée pour la sixième année consécutive. « Il n’est plus possible d’ignorer que la violence existe au sein des établissements de santé », met en garde le rapport.
Les violences sont à 87 % des atteintes aux personnes
Seules 11 % des structures hospitalières en France ont engagé une démarche de déclaration auprès de l’Observatoire. Les chiffres du rapport, qui ne reflètent qu’une partie de la réalité, sont à prendre avec des pincettes. Les régions qui arrivent en tête des déclarations, notamment l’Ile-de-France ou la Basse-Normandie, ne sont pas forcément les plus criminogènes mais, au contraire, celles qui ont pris très tôt la mesure du problème. Dans les établissements publics parisiens, « la prise de conscience de l’entrée de la violence à l’hôpital remonte aux années 1990 », explique Gérard Browne, conseiller pour la sécurité à l’AP-HP. Depuis, un service de sécurité a été mis en place dans chaque hôpital pour prévenir les incidents. Grâce à un protocole signé en 2005 par les ministères de la Santé et de l’Intérieur, les liens avec la police ont été renforcés pour faciliter les interventions et les dépôts de plainte.
Des poursuites que l’AP-HP « encourage ». « Il ne faut pas laisser les faits sans suite », insiste Gérard Browne, déplorant que seuls 27 % des violences donnent lieu à une plainte. Pourtant, note cet ancien gendarme, les condamnations des tribunaux sont exemplaires, car l’agression d’un soignant constitue une circonstance aggravante : un homme qui avait malmené verbalement et physiquement un agent de sécurité et deux infirmières a, ainsi, écopé de quatre mois de prison ferme.
À l’AP-HP, l’accompagnement des personnels victimes est également psychologique. Élodie Travers, psychologue du personnel à Créteil, intervient auprès de ces soignants « qui sont là pour aider et peuvent se retrouver en danger ». Un événement qui peut être « traumatisant ». Grâce à un logiciel qui permet de déclarer les incidents, la psychologue a la possibilité de se mettre à disposition des victimes qui le souhaitent. « C’est une première reconnaissance pour elles. Elles constatent qu’il n’y a pas de banalisation de la violence », explique la psychologue, qui pousse les soignants à déclarer même ce qui peut paraître « insignifiant ». « Se faire menacer une, deux, trois fois, ça peut avoir des répercussions. Certains viennent au travail la boule au ventre. »
Face à une explosion des atteintes aux personnes en 2011 – 940 contre 705 en 2010 – et une « agressivité » perceptible, l’AP-HP veut « renforcer la présence de la police dans l’hôpital » par des patrouilles qui auront le double objectif de rassurer le personnel et de neutraliser les tensions, annonce Gérard Browne. Autre priorité : développer les formations du personnel, notamment à l’accueil. « En quelques mots, avec une certaine attitude, on peut désamorcer une crise », affirme le conseiller. Mais, difficile de dégager le temps nécessaire dans des équipes déjà exsangues.
C’est là que se situe le cœur du problème, selon Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière : les violences pourraient être évitées « si on était plus en nombre ». « Normalement, aux urgences, une infirmière est chargée de l’orientation des patients 24 heures sur 24. On en est loin », constate-t-elle, pointant la prise de conscience « à géométrie variable » des établissements. La syndicaliste s’alarme d’une inquiétante montée des faits de violence entre personnels. Des agressions « liées au stress et à l’épuisement », dont on parle peu. Le rapport de l’Observatoire en a recensé 253 en 2011. Un nombre largement « sous-évalué », selon Nathalie Depoire.
1- Les 13 % restants sont des atteintes aux biens, majoritairement des vols et des dégradations simples.
Début mars, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), la Fédération hospitalière de France (FHF) et la Mutuelle d’assurance du corps de santé français (MACSF) ont élaboré des « fiches réflexes » pour informer sur la marche à suivre en cas de violences à l’hôpital. Ces fiches pratiques – à destination de l’encadrement, du patient ou de l’agent victimes – reviennent sur les différentes formes de violence,le cadre juridique, indiquent « vers qui se tourner » (associations, aide juridictionnelle…) et détaillent les procédures pour porter plainte et engager des poursuites. Elles sont téléchargeables sur le site www.sante.gouv.fr.