L'infirmière Magazine n° 301 du 15/05/2012

 

MIVILUDES

ACTUALITÉ

Un guide pratique sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé permet aux particuliers et aux soignants de repérer les situations à risques.

Pendant douze ans, Sophie Poirot a cru, à tort, qu’elle avait été violée par son père durant son enfance. Douze ans pendant lesquels sa vie a été rythmée par les rendez-vous avec son « humanothérapeuthe ». Ce dernier, Benoît Yang Ting, comparaissait le 10 avril devant le tribunal correctionnel de Paris pour abus de faiblesse(1). Il est accusé d’avoir exploité le mal-être de sa patiente en lui extorquant 238 000 euros.

À l’image de cette technique des « faux souvenirs induits », les dérives sectaires se multiplient dans la santé : elles représentent 25 % des signalements reçus par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), et leur nombre va croissant. « La maladie est une porte d’entrée », explique Georges Fenech, président de la mission. « Un Français sur quatre recourt aux médecines alternatives ; le taux atteint 60 % chez les personnes atteintes de cancer. Certaines soulagent et ne sont pas dangereuses, d’autres si. »

Méthodes psychologisantes

Pour permettre aux particuliers et aux soignants de repérer les situations à risques, la Miviludes vient d’éditer un guide intitulé Santé et dérives sectaires(2). Il recense les pratiques les plus courantes, notamment « les méthodes psychologisantes ». « C’est facile de dire que telle maladie est liée à l’inconscient ou à la famille », révèle Samir Khalfaoui, conseiller santé à la Miviludes(3).

Naturopathie, iridologie, médecine ayurvédique… La liste des pratiques non conventionnelles est longue. Si toutes ne conduisent pas forcément à des dérives sectaires, « on peut très vite tomber dans l’engrenage », insiste Georges Fenech. Le « gourou thérapeutique » impose alors un autre mode de vie au patient, lui vend des produits, l’incite à suivre des séminaires. « Il finit par isoler l’individu de sa famille et, surtout, l’éloigne du soin », explique le président. Persuadé que les traitements conventionnels sont mauvais, le malade s’en détourne et met sa vie en danger. Face à cela, les soignants ont leur rôle à jouer. « Si la personne est en danger, il n’y a plus de secret médical », affirme Samir Khalfaoui. Mais il ne s’agit pas de tomber « dans la paranoïa sanitaire ». « La bonne démarche, c’est d’alerter le patient, puis son chef de service, avant de faire un signalement », à l’ARS ou à la Miviludes.

1– Le verdict sera rendu le 12 juin.

2– Disponible à La Documentation française et sur le site www.miviludes.gouv.fr

3– Lire l’interview en intégralité sur espaceinfirmier.com