L'infirmière Magazine n° 304 du 01/07/2012

 

MAL-ÊTRE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Lors du Congrès de la société française de médecine d’urgence, les professionnels ont souligné l’importance des temps de concertation et le rôle moteur de l’encadrement.

Si stress, traumatisme, violence sont des risques qui traversent la profession soignante dans son ensemble, leur survenue aux urgences prend un relief particulier, ont souligné les urgentistes réunis en congrès à Paris, fin mai. Pourquoi ? « Parce qu’aux urgences, il existe une composante supplémentaire : l’urgence, justement, la rapidité, l’extrême courte durée des séjours, qui rendent tout à la fois difficiles et essentiels les temps d’échange en équipe », relève Sandrine Behaghel, docteur en psychologie au CH de Douarnenez. Se poser pour dire ses difficultés, prendre du recul, en équipe, sur ses pratiques… La démarche « n’a rien d’une panacée. Il n’y pas d’outils clés en main », reconnaît, pour sa part, Christel Lehouelleur, psychologue au CHU de Nice. D’autant que l’urgence, au-delà de l’excitation qu’elle peut procurer, ne laisse que peu de temps pour, justement, se poser.

Rôle de la hiérarchie

Comment trouver le temps de se réunir quand on accueille 120 à 130 patients par jour ? Et quand faut-il le faire ? Juste après une prise en charge difficile, ou plus tard, à froid ? De la salle, les questions ont fusé, reflets des difficultés pratiques. Au­cune solution miracle n’a émergé. Mais, une certitude commune a été affirmée ?: « Le rôle de la hiérarchie » est, à cet égard, essentiel.

Infirmière en chef des urgences du CHU de Charleroi, en Belgique, Sylvaine Vandenheede a évoqué la démarche menée en 2008 dans son hôpital. Les soignants du service ont été interrogés par questionnaire. Ils ont souligné que leur stress provenait davantage de facteurs organisationnels (82 % ont évoqué le surpeuplement du service) que de facteurs psychologiques (mort, violence). Puis, ils ont cité l’aspect physique du travail (55 %) et l’ergonomie des postes (49 %) comme causes principales d’épuisement professionnel. Si, dans l’ensemble, 75 % d’entre eux se disaient satisfaits des conditions de travail, 50 % dénonçaient le manque de soutien de la hiérarchie et le peu de reconnaissance à leur égard lors des incidents liés aux agressions, physiques ou verbales.

« Cette enquête, explique Sylvaine Vandenheede, a permis de sensi­biliser la hiérarchie aux souffrances des soignants, et, partant de là, d’avancer des solutions : formation du personnel à la gestion du stress et de l’agressivité ; réorganisation de l’accueil ; incitation à déclarer les incidents… » Autant d’éléments qui ont permis d’acquérir une certaine stabilité au sein de l’équipe. Un pas vers le bien-être. Car, ce que demandent avant tout les professionnels, « c’est de la reconnaissance en cas d’agression, un accompagnement, un soutien », a-t-elle insisté.

SAMU

FACE AUX SUICIDES

Psychologue au Samu 91, Aurélia Rochedreux a présenté une étude sur le ressenti des soignants dans la prise en charge des familles endeuillées par un suicide, à laquelle 41 membres du Samu 91 ont participé, dont 21 médecins, 11 infirmières et 9 ambulanciers. En 2010, la majorité d’entre eux a dû faire face à une moyenne d’un à cinq suicides, et 70 % ont déclaré avoir été éprouvés personnellement. Principales difficultés évoquées par les professionnels : faire face à l’agitation des familles (65 %), appréhender la sidération (55 %) ; et annoncer le suicide aux proches (41 %). Dans l’ensemble, le personnel se sent vraiment « démuni », mais ce traumatisme est « souvent caché par les soignants ». Au vu de ces résultats, le Samu 91 a décidé d’élaborer des documents, recensant associations et consultations spécialisées, à remettre aux familles ; une formation est prévue pour aider l’équipe à annoncer le drame. Des outils précieux, même s’il reste essentiel « de pouvoir reparler de ces situations, pour les dédramatiser », précise Aurélia Rochedreux. E.D.