L'infirmière Magazine n° 307 du 15/09/2012

 

DOSSIER

POINT SUR

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de baisse d’acuité visuelle et de cécité chez les personnes de plus de 50 ans dans les pays industrialisés. Un suivi et une prise en charge précoces (compléments alimentaires et traitements dans certaines formes de DMLA) limitent l’évolution de la maladie vers la malvoyance.

LA PATHOLOGIE

La DMLA correspond à l’apparition de lésions dégénératives au niveau de la macula, région centrale de la rétine jouant un rôle dans la vision précise. Habituellement, la vision périphérique ou latérale est conservée. Certaines lésions, visibles au fond d’œil, peuvent apparaître dès l’âge de 50 ans alors qu’il n’y a pas encore de retentissement visuel (ou bien de façon très minime : besoin d’un meilleur éclairage pour lire…). Ces lésions se présentent sous la forme de dépôts blanchâtres (les drusen, sorte d’agrégats de lipides et de protéines s’accumulant sous la rétine) ou d’anomalies de l’épithélium pigmentaire rétinien. Appelées « maculopathies liées à l’âge » (MLA), ces formes débutantes peuvent rester stables, ou progresser vers une DMLA. Le diagnostic de DMLA est souvent posé vers 60 ou 65 ans, à un stade déjà tardif, lorsque le retentissement visuel amène le patient à consulter.

Deux formes cliniques

On distingue deux formes cliniques de la maladie.

→ La DMLA atrophique ou « sèche », d’évolution lente, est la moins grave et la plus fréquente. Caractérisée par une atrophie des différentes couches de la rétine et une perte des photorécepteurs maculaires, elle se traduit cliniquement par une perte très progressive de la vision centrale (gêne dans la lecture, l’écriture…). D’évolution lente, elle permet généralement au patient de conserver une vision satisfaisante. Dans environ 10 % des cas, elle peut évoluer vers une forme exsudative.

→ La DMLA exsudative ou « humide » ou « néovasculaire » est une forme moins fréquente mais d’évolution rapide et sévère. Elle se caractérise par le développement de néovaisseaux provoquant des décollements de l’épithélium pigmentaire et/ou de la rétine. Les premiers symptômes, déformation des lignes droites (métamorphosies), diminution brutale de l’acuité visuelle ou des contrastes, apparition d’un scotome central (tache sombre sur le point de fixation), doivent très rapidement entraîner une consultation du patient car les traitements sont d’autant plus efficaces qu’ils sont débutés précocement.

Facteurs de risque

Outre l’âge, plusieurs facteurs de risque sont identifiés :

– des antécédents familiaux, le tabac, l’obésité, des facteurs de risque cardio-vasculaire (HTA, athérome carotidien) ;

– l’hypermétropie, les iris clairs et les yeux opérés de la cataracte sont des facteurs de risque locaux reconnus ;

– une alimentation riche en acides gras saturés augmente le risque de DMLA. À l’inverse, la consommation d’oméga-3, d’antioxydants, de caroténoïdes a un effet protecteur.

Évolution

L’évolution de la maladie est le plus souvent progressive. Les deux yeux peuvent être touchés, mais pas forcément en même temps ni de façon symétrique. Généralement, la vision périphérique est conservée, ce qui permet au patient de garder une certaine autonomie, mais l’atteinte de la vision centrale peut gêner considérablement les activités nécessitant une vision précise : lecture, écriture, couture, bricolage, reconnaissance des visages… Une vision centrale très basse (< 1/10) définit le seuil de cécité légale.

LE TRAITEMENT

Stratégie thérapeutique

Aucun traitement ne guérit définitivement la DMLA. L’objectif est de limiter l’évolution de la maladie, voire, dans certains cas, d’améliorer l’acuité visuelle et, à un stade avancé, d’aider le patient à tirer le meilleur bénéfice possible de sa vision résiduelle (rééducation visuelle, aides visuelles : loupes, éclairages adaptés, dispositifs grossissant les caractères…).

→ DMLA atrophique : en dehors des compléments alimentaires, aucun traitement efficace n’existe pour stopper la progression de l’atrophie et permettre au patient de retrouver son acuité visuelle antérieure. Des études montrent l’intérêt d’une supplémentation à hautes doses de vitamines et minéraux antioxydants (vitamine C, E, bétacarotène, oxyde de zinc, oxyde de cuivre). Il semble que l’apport de caroténoïdes composant le pigment maculaire (lutéine, zéaxanthine) et d’oméga-3 joue également un rôle bénéfique sur le risque de progression de la DMLA.

De nombreux compléments alimentaires existent (Difravision, Macula-Z, Nutrilarm, Oemine Vision). En l’absence de recommandations précises des autorités de santé sur leurs modalités de prise, ils ne doivent être utilisés que sur recommandation du médecin. Chez les fumeurs et anciens fumeurs, une supplémentation en bêtacarotène est contre-indiquée (risque accru de cancer du poumon). Des compléments alimentaires sans bêtacarotène (dont l’intérêt a aussi été démontré) peuvent alors être prescrits.

→ DMLA exsudative : les traitements antiangio-géniques, la photocoagulation au laser et, parfois, la thérapie photodynamique sont indiqués en fonction du type de néovaisseaux mis en évidence.

Traitements

→ Les antiangiogéniques : le pegaptanib (Macugen), le ranibizumab (Lucentis) et, hors AMM, le bévacizumab (Avastin) bloquent l’action du facteur de croissance vasculaire endothélial extracellulaire (VEGF) impliqué dans la prolifération des néovaisseaux.

Ils s’administrent en injection intravitréenne, sous anesthésie locale et sous aseptie stricte, toutes les 4 ou 6 semaines selon le médicament employé. Ces traitements sont d’autant plus efficaces qu’ils sont débutés tôt, sur des néovaisseaux récemment développés. Le patient peut alors récupérer une vision comparable à celle qu’il avait avant l’apparition du néovaisseau.

→ Photocoagulation au laser : ce traitement brûle les néovaisseaux et les tissus rétiniens sus-jacents. La progression des néovaisseaux est stoppée, mais une cicatrice se forme, qui peut altérer la vision. Il s’agit actuellement d’un traitement de deuxième intention réservé à des cas particuliers (lorsque les néovaisseaux n’ont pas encore atteint le centre de la vision).

→ Photothérapie dynamique : réservée à certaines formes agressives de DMLA, elle se pratique en deux étapes. La vertéporfine (Visudyne), médicament photosensibilisant, est injectée en perfusion intraveineuse pendant dix minutes, puis elle est activée grâce à un laser. Une réaction photochimique est ainsi induite, entraînant l’occlusion des néovaisseaux sans lésions des couches rétiniennes. Le traitement peut être réalisé jusqu’à quatre fois par an. La photothérapie dynamique peut être combinée à une injection intravitréenne (à quelques jours d’intervalle).

Sources utiles

– « Dégénérescence maculaire liée à l’âge : prise en charge diagnostique et thérapeutique ». Recommandations de bonnes pratiques. Janvier 2010, HAS (www.hassante. fr).

– www.sfo.asso.fr : onglet « l’essentiel des maladies oculaires », « la dégénérescence maculaire liée à l’âge », et onglets « fiches patients », « injection intravitréenne ».

REPÈRES

Les conseils aux patients

→ Les experts incitent à un dépistage précoce : en pratique, il faut encourager tout patient dès l’âge de 50 ans, a fortiori s’il existe des antécédents familiaux, à passer une visite de contrôle chez son ophtalmologiste.

→ L’arrêt du tabac (à la fois facteur de risque reconnu de la maladie et facteur d’aggravation) est recommandé.

→ À un stade précoce de la maladie (ou au stade de maculopathie liée à l’âge), de bonnes habitudes alimentaires peuvent réduire le risque d’évolution vers une forme plus grave. Une alimentation riche en poissons gras (thon, sardine, maquereau, apportant des oméga-3), en fruits et légumes verts (riches en antioxydants et en caroténoïdes) est recommandée. Les supplémentations vitaminiques ne sont à utiliser que sur recommandation du médecin.

→ Les patients doivent consulter en urgence devant toute modification de la vision : nécessité d’avoir un meilleur éclairage pour lire, baisse de la sensibilité aux contrastes, déformation des objets, sensation de tache devant l’œil au réveil…