L'infirmière Magazine n° 308 du 01/10/2012

 

MALADIES DÉGÉNÉRATIVES

RÉFLEXION

Le Dr Michel Lallement, chirurgien cancérologue, dénonce la responsabilité d’une alimentation « toxique » dans de nombreuses maladies liées aux inflammations chroniques.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Comment en êtes-vous venu à écrire ce livre ?

MICHEL LALLEMENT : La lecture du livre Anti-cancer, de David Servan-Schreiber, sorti en 2007, a été une révélation dans l’explication des interactions entre cancer et alimentation. Ce lien est pourtant encore contesté par certains. Les laboratoires ne sont pas intéressés par cette approche, ce qui n’est pas étonnant, puisqu’ils n’y voient aucun intérêt financier, au contraire même… Je me considère comme un « disciple » de David Servan-Schreiber et continue son travail en France.

L’I. M. : Comment la médecine d’aujourd’hui prend-elle en charge les pathologies chroniques et les intolérances alimentaires ?

M. L. : La médecine ne propose pas de réels traitements, dans la mesure où elle ne traite pas les causes de ces pathologies. De nombreux médicaments, comme les anti-douleurs ou les anti-inflammatoires, anti-acides, antibiotiques, anti-cancéreux, anti-hypertenseurs sont proposés, mais ils soignent les symptômes de ces pathologies, pas leurs causes. Or, il faut tout faire pour trouver leurs causes afin de pouvoir les guérir. La médecine actuelle ne fait que soulager le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les dépressions, les maladies auto-immunes, l’arthrose, elle ne les guérit pas…

L’I. M. : Pouvez-vous expliquez le rôle des inflammations chroniques dans les maladies dites de civilisation ?

M. L. : De nombreuses études scientifiques ont récemment démontré que l’inflammation chronique constitue le lit des maladies chroniques, dégénératives et environnementales. En effet, lorsque la barrière intestinale devient poreuse, le passage dans le sang de molécules non assimilables crée des réactions inflammatoires et immunologiques qui prédisposent à diverses maladies chroniques. Ainsi, l’inflammation chronique est souvent accompagnée d’une réaction immunitaire, et leur combinaison est à l’origine des intolérances, des maladies auto-immunes, voire des cancers. Cela explique que la frontière entre maladies dégénératives et maladies auto-immunes soit mince. Le corps, devant se protéger en permanence de multiples agressions, met d’abord son système immunitaire en action en créant un niveau d’immunité plus élevé, éventuellement responsable des maladies auto-immunes, et finit par développer une certaine tolérance envers ces attaques, ce qui laissera le champ libre à des cellules tumorales…

L’I. M. : Quelles sont les différentes causes des inflammations chroniques ?

M. L. : Nous avons identifié l’une des causes principales de l’inflammation chronique : une alimentation dite « toxique », c’est-à-dire tous les aliments riches en mauvaises graisses et mauvais sucres. Le lien entre les aliments industriels et l’inflammation est bien établi. Bref, la « malbouffe » est très inflammatoire : huile de palme, sirop de glucose, farines raffinées… En revanche, les aliments « santé » sont plutôt anti-inflammatoires. Cela ne coûte pas plus cher de bien manger : sardines, maquereaux (« petits poissons », qui ne retiennent pas les métaux lourds), viandes blanches – éventuellement rouges –, lentilles, haricots, choux sont très sains et bon marché. Il faut privilégier une alimentation de produits locaux de saison et, si nécessaire, de produits surgelés. L’environnement et le psycho-émotionnel sont des causes potentielles associées. Il n’est pas suffisant d’agir sur les causes alimentaires, il faut prendre en charge la personne dans sa globalité. Quel que soit le terrain, on peut proposer au patient des conseils pour le soulager, voire pour faire disparaître la cause de ses maux. Mais, pour que cela soit efficace, il faut qu’il le veuille. Si la personne s’implique dans la méthode, il n’y a pas de limites dans la guérison, car le mécanisme qui avait créé la maladie disparaît. Tous les processus de pathologies chroniques sont réversibles, même les cancers, s’ils ne sont pas pris top tard. À chaque diagnostic, il existe une solution appropriée. Également incriminées dans les états inflammatoires : la porosité intestinale et ses conséquences, les intolérances alimentaires. Ces situations sont très fréquentes, elles sont favorisées par la consommation de certains médicaments (anti-inflammatoires, chimiothérapies), la consommation d’alcool, une intoxication par les métaux lourds, et, surtout, par une alimentation trop monotone. Également fréquentes, les carences en vitamines et minéraux comme le fer, le zinc, le sélénium. La carence en vitamine D touche 80 % de la population ! Il faudrait la doser systématiquement, quand on connaît ses vertus protectrices contre les cancers, les infections, et même les maladies neurologiques !

L’I. M. : Pour quel type de médecine et de prise en charge plaidez-vous ? Quelle est la marche à suivre ?

M. L. : Je plaide pour une médecine concrète, de bon sens, et donc, beaucoup plus économique. C’est l’efficacité, le résultat qui comptent. On soigne un patient et non un bilan biologique. Auparavant, je prescrivais beaucoup de bilans coûteux. Aujourd’hui, avec l’expérience, je me base initialement sur deux questionnaires simples (disponibles sur mon site Internet) (voir Savoir plus). Les résultats de ces tests suffisent à mettre en place une prise en charge personnalisée, qui donne de bons résultats. En cas de score élevé (suspicion d’intolérances­alimentaires), je propose de suivre un « régime hypotoxique » pendant trois à six semaines, excluant le lait et ses dérivés (fromage, yaourts, crème, beurre) et les aliments à base de blé. Dans cette approche, le patient doit être vraiment acteur. Si les symptômes s’estompent, on peut réintroduire progressivement le lait, le gluten, tout en supprimant les causes qui ont conduit aux intolérances : déséquilibre de la flore intestinale, toxicité des métaux lourds…

L’I. M. : Quelles sont les bases du « régime » alimentaire que vous recommandez ?

M. L. : On doit retenir quelques grandes règles simples :

– Varier le plus possible sa nourriture ! La monotonie de notre alimentation est une cause majeure des intolérances alimentaires. Les deux aliments les plus concernés sont ceux que l’on consomme le plus : céréales (blés, surtout) et produits laitiers ! Nous retrouvons à ce propos la règle générale des « 5 fruits et légumes par jour ».

– Éviter les aliments industriels, remplis de substances hautement inflammatoires : sirop de glucose, huile de palme, conservateurs…

– Éviter les sucres rapides (voir Savoir plus, index glycémique).

– Éviter les mauvaises graisses (industrielles), mais augmenter son apport en bonnes graisses, en particulier les oméga-3 : noix, amandes, poissons gras… Les bonnes graisses ne font pas grossir, au contraire !

– Dépister, grâce aux questionnaires, un état d’intolérance et de porosité intestinale, et en cas de score élevé, ne pas hésiter à suivre le protocole cicatrisant indiqué dans mon livre.

– Diminuer les polluants : plastiques (surtout dans les fours à micro-ondes), métaux lourds, pesticides…

– Maintenir une bonne hygiène de vie : activité physique modérée mais régulière, gestion du stress et des émotions par la respiration, la relaxation…

L’I. M. : Le rôle joué par l’inflammation chronique dans de nombreuses pathologies est-il une source d’intérêt croissante chez les médecins ?

M. L. : C’est vrai qu’aujourd’hui, les patients s’y intéressent réellement, mais mon objectif est que davantage de médecins le prennent aussi en compte. En France, seul un centre de cancérologie, le Centre Ressource d’Aix-en-Provence, a mis en application une prise en charge globale des patients souffrant d’un cancer, grâce à l’implication du Dr Jean-Loup Mouysset. Pourtant, ce type de centres existe déjà dans de nombreux pays : en Belgique, en Allemagne, aux États-Unis… Je me tiens d’ailleurs à la disposition de toutes les équipes soignantes intéressées par cette approche, pour les aider à mettre en place une démarche équivalente dans leurs services.

DR MICHEL LALLEMENT

CHIRURGIEN EN CANCÉROLOGIE

→ En 1991, internat de chirurgie générale, clinicat en chirurgie digestive et gynécologique.

→ De 1991 à 2011, il travaille au centre anticancéreux Antoine-Lacassagne de Nice, se consacrant principalement à la chirurgie des cancers gynécologiques.

→ En 2007, il lit Anticancer, de David Servan-Schreiber, livre qui va influencer sa réflexion et sa démarche dans la prise en charge des cancers.

→ Depuis 2012, il poursuit à mi-temps dans deux cliniques son activité de chirurgien des cancers, pour se consacrer davantage à la prise en charge globale du terrain cancéreux.

SAVOIR PLUS

→ Livre :

→ Les clés de l’alimentation santé, intolérances alimentaires et inflammations chroniques, Éditions Mosaïque-Santé, 2012.

→ Questionnaires sur : http://www. docteur-michel-lallement.com/ testez-vous

→ Index glycémique :

http://petitlien.fr/62r2