IATROGÉNIE
ACTUALITÉ
Une étude pluridisciplinaire menée au CHU de Rouen pointe les risques de l’écrasement des médicaments.
C’est un geste que de nombreuses infirmières font chaque jour. L’écrasement des médicaments est pourtant remis en cause par une étude, publiée ce mois-ci dans la Revue de médecine interne. En 2009, après plusieurs cas de tendinite parmi le personnel soignant du service gériatrie du CHU de Rouen, un groupe de travail composé de médecins, de pharmaciens et d’infirmières exerçant dans l’ensemble des unités (courts séjours, Ephad, soins longue durée, soins de suite) est constitué pour questionner la pratique responsable : l’écrasement des médicaments, souvent réalisé au pilon. « Il n’existait aucun référentiel sur ce qu’il fallait faire ou ne pas faire », explique le Pr Jean Doucet, gériatre qui a participé à l’étude. En juin 2009, durant deux jours, des pharmaciens ont observé le circuit du médicament, de la prescription à l’administration. Sur les 683 patients âgés de plus de 65 ans hospitalisés, 221 ont reçu 1 528 médicaments – comprimés, contenus de gélules ou de sachets – écrasés et mélangés. Cette pratique, justifiée par les problèmes de déglutition ou les troubles psycho-comportementaux des patients, était interdite par la forme galénique des médicaments dans 42 % des cas. « Il s’agit, notamment, des formes à libération prolongée et des comprimés gastrorésistants », précise le professeur. Après écrasement, dans le premier cas, l’action est immédiate, alors qu’elle devrait s’étaler sur plusieurs heures, tandis que, dans le second cas, l’activité des molécules peut être inhibée par le suc gastrique.
L’étude révèle également que par manque de temps, les médicaments des patients d’une même unité sont souvent broyés dans un unique mortier, qui n’est pas nettoyé entre chaque préparation. « Des particules peuvent rester », relève le Pr Jean Doucet, qui pointe également les compotes, laitages et autres véhicules alimentaires dans lesquels étaient versées les préparations : « Ce sont des produits aux températures et aux PH différents ; les mélanges peuvent provoquer des interactions. » Sans compter les risques encourus par les infirmières, qui, la plupart du temps, magnaient le pilon sans gant ni masque, s’exposant, ainsi, à des accidents allergiques ou toxiques.
À la suite de cette étude, plusieurs recommandations ont été faites
1– Les recommandations ont été transmises à la HAS et intégrées au guide « Sécurisation et auto-évaluation de l’administration du médicament », publié en décembre 2011.
2– Au CHU, il y avait alors une infirmière pour dix malades en court séjour, une pour vingt en SSR et une pour 40 en Ehpad ou SLD, relève l’étude.