L'infirmière Magazine n° 308 du 01/10/2012

 

SUICIDE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Peu documenté en France, le risque suicidaire des plus jeunes appelle pourtant une prévention et une prise en charge particulières.

L’évolution des taux de suicides dans le monde pose un problème majeur de santé publique. C’est aujourd’hui la quatrième cause de décès, indépendamment du niveau socioculturel des pays et de leur situation (guerre, famine, épidémie…). Dans les pays à niveau de vie élevé, le suicide des 15-24 ans est la première cause de mortalité », a indiqué Richard Delorme, pédopsychiatre à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP), qui animait une table ronde sur le risque suicidaire chez l’enfant et l’adolescent aux Entretiens de Bichat, mi-septembre, à Paris.

Si le suicide est relativement peu documenté chez les adolescents et les jeunes, il l’est encore moins chez les enfants, alors que la prévalence dans cette tranche d’âge est loin d’être négligeable. « Il y a moins de passages à l’acte chez les moins de 15 ans que dans les tranches d’âge supérieures, mais la prévalence chez les moins de 12 ans s’établit, malgré tout, à deux suicides pour 100 000 », précise Richard Delorme. Les profils des suicidants et suicidés diffèrent de ceux de leurs aînés et des adultes. Ainsi, dans la tranche des moins de 12 ans, le ratio âge/sexe n’existe pas ; les filles sont aussi suicidaires que les garçons.

Pharmacie parentale

S’agissant des modalités, « de nombreux jeunes vont se servir dans la pharmacie parentale pour mettre en œuvre leur tentative de suicide, ce qui explique la gravité d’un bon nombre de ces gestes suicidaires, alors que le désir de mort est relativement modeste et très peu mentalisé », précise le praticien. Le paracétamol est pointé du doigt : « Il y a un déficit d’information important chez les parents sur la dangerosité de ce médicament, qui, absorbé à hautes doses par l’enfant, peut, notamment, entraîner des complications hépatiques gravissimes, voire létales. » Pour le Dr Coline Stordeur, qui a réalisé une étude rétrospective à partir de 232 jeunes patients pris en charge aux urgences pédiatriques de l’hôpital Robert-Debré, « 10 à 24 % des jeunes qui ont fait une tentative de suicide vont réitérer leur geste dans l’année qui suit. Et l’on dénombre 44 % de décès dans les dix années suivantes. Le passage à l’acte est donc le premier facteur de risque ».

D’autres facteurs sont aussi à prendre en compte, tels les comorbidités somatiques et psychiatriques familiales, le manque de stabilité du réseau social et familial mais aussi l’influence des médias. « Livrer trop de détails sur les modalités d’un suicide peut, dans certains cas, donner des idées à des personnes qui étaient ambivalentes sur le passage à l’acte », souligne Coline Stordeur. Les troubles psychiatriques (troubles du comportement, de l’humeur, alimentaires…) et la polyconsommation précoce d’alcool et de cannabis sont aussi des indicateurs de risque. L’absentéisme scolaire et des maux somatiques répétés pour ne pas aller en cours doivent également attirer l’attention. « Il faut souligner, en outre, que le conflit, facteur de risque précipitant, est presque toujours sous-jacent dans une tentative de suicide : dispute avec les parents, les amis, les éducateurs… Et ce, indépendamment de son intensité », relève la spécialiste.

Côté prise en charge, les médecins recommandent une hospitalisation dans la majorité des cas de tentative de suicide. « Le passage à l’acte ne doit pas être banalisé. De même qu’est importante la prise en charge ambulatoire post-urgences par un confrère ou une structure spécialisée, un centre médico-psychologique par exemple. Quel que soit l’âge du jeune, insiste le médecin, il ne faut pas laisser sans réponse une première tentative de suicide. »