POLÉMIQUE > La réinsertion d’un étudiant infirmier, présenté comme l’ex-mentor des frères Kouachi, condamné par la justice et sorti de prison en 2011, suscite de vifs débats dans la profession.
Le 11 janvier, les infirmiers ont découvert qu’un des leurs, un étudiant en stage aux urgences de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), était lié aux frères Kouachi, les auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo. Farid Benyettou, 33?ans, a été condamné en 2008 à six ans de prison pour “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste”. Il a été reconnu comme l’un des chefs de la filière dite “des Buttes-Chaumont”, qui recrutait au milieu des années 2000 pour le jihad en Irak. Farid Benyettou était alors considéré comme le mentor religieux de Cherif Kouachi. À sa sortie de prison en 2011, il a entamé des études d’infirmiers. Aux journalistes qu’il a rencontrés depuis les actes terroristes parisiens, il a dit fermement condamner le terrorisme.
Sur les réseaux sociaux, les infirmiers ont réagi très vivement, jugeant souvent les antécédents de Farid Benyettou incompatibles avec l’exercice du métier infirmier. C’est la position du Conseil départemental de l’Ordre infirmier. Pour lui, « le bon sens exige qu’une personne condamnée » pour de tels faits « ne puisse pas exercer une profession humaniste, au contact de personnes malades ou fragiles » (cf. bit.ly/15JYx8t). C’est ce même conseil qui devrait se prononcer sur le cas particulier de Farid Benyettou, s’il souhaite exercer à Paris. Karim Mameri, le porte-parole de l’Ordre au niveau national, précise la procédure : « Un infirmier peut exercer, dans le privé comme dans le public, même s’il a un casier judiciaire. C’est au conseil départemental de l’Ordre de se prononcer collégialement, après un entretien avec la personne. S’il refuse une inscription, plusieurs recours sont possibles, jusqu’en Conseil d’État. » Karim Mameri précise qu’il n’y aura pas de “procédure d’exception” pour Farid Benyettou.
Mais il existe une faille dans ce dispositif : la majorité des infirmiers exercent sans être inscrits à l’Ordre. L’Ordre infirmier pose donc la question de la vérification du casier judiciaire à l’entrée de l’institut de formation (lire bit.ly/1xo5IZy). La Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) trouve ces interrogations légitimes, « mais il faut les aborder sereinement, au-delà du cas particulier, explique son président Loïc Massardier. Cela nous fait un peu peur de mettre des verrous sur l’entrée en formation » (lire aussi bit.ly/1xo5IZy). Le Comité d’entente des formations infirmières et cadres (www.cefiec.fr) est sur la même ligne : « Une formation permet à un individu de se construire, rappelle sa présidente Martine Sommelette. Peut-on juger qu’un individu n’est pas en capacité de se reconstruire ? »