Solenn Carron, infirmière dans un Samsah à Saint-Rémy (Saône-et-Loire)
La vie des autres
Solenn Carron, infirmière, fait partie d’une équipe pluridisciplinaire chargée du suivi médico-social, à domicile, de vingt-cinq personnes handicapées motrices. Elle les aide à vivre de la manière la plus autonome possible.
« En choisissant le métier d’infirmière, je n’imaginais pas que je ferais un jour taxi, en transportant des fauteuils roulants. » Solenn Carron sillonne en effet le nord du département de la Saône-et-Loire, au service de personnes handicapées motrices, qu’elle conduit notamment à des rendez-vous médicaux. Elle travaille au sein d’un Samsah, un Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés, en partenariat avec la Croix-Rouge et l’APF (Association des paralysés de France, gestionnaire du service). Un poste où elle n’accomplit quasiment aucun acte technique, mais où elle encourage, dynamise, conseille… Les personnes accompagnées ont un handicap à la suite de lésions cérébrales (accident vasculaire cérébral, sclérose en plaques…), de lésions médullaires et neuromusculaires (paraplégie, myopathie…) ou de lésions ostéo-articulaires (traumatisme, malformation…).
Exemple au domicile de Mme X, amputée d’une jambe. L’enjeu est de la convaincre d’accepter une hospitalisation de deux jours, pour réaliser des soins dentaires, afin notamment d’écarter le danger d’une fausse route.
« Je n’ai pas envie. Dans ma tête, j’ai toujours très peur, depuis mon amputation de 2011 », objecte Mme X. Tout en douceur, Solenn Carron poursuit l’entretien. Mme X accepte d’y réfléchir à nouveau…
Un petit coup d’œil jeté sur le contenu du frigo permet ensuite de vérifier la présence de légumes. « C’est mieux, opine l’infirmière, mais appelez-moi quand vous recevrez votre prochaine liste de menus. Il ne faut pas seulement cocher les féculents et les pâtisseries. »
« À l’hôpital, j’avais l’habitude de faire du rendement, constate Solenn Carron. Au Samsah, il faut accepter d’aller au rythme de la personne handicapée, l’écouter, parfois beaucoup répéter, pour un travail sur du long terme. C’est un accompagnement à la carte. Il me faut parfois gérer leur panique ou leur stress. On les incite aussi à sortir de leur domicile, pour qu’ils redeviennent autonomes et rompent un possible isolement. » La connaissance et la surveillance des maladies, l’encouragement au retour aux soins auprès de spécialistes (ophtalmologues, pédicures…) font donc partie de son quotidien. « Je constitue un carnet d’adresses de spécialistes dont les locaux sont accessibles aux handicapés et qui acceptent de réellement bien s’en occuper, en prenant du temps. » Elle fait aussi de l’éducation thérapeutique, en matière de diététique ou d’hygiène corporelle notamment.
Le Samsah de Saint-Rémy comprend un directeur, une coordinatrice de soins, un médecin spécialiste MPR (médecine physique et de rééducation), une infirmière, une kinésithérapeute, deux ergothérapeutes, une assistance sociale, un animateur social, une conseillère en économie sociale et familiale, une psychologue, une neuropsychologue et une secrétaire. « Nous travaillons parfois en binôme, observe Solenn Carron. Par exemple, certaines personnes prennent du poids en fauteuil roulant, leur cholestérol ou leur diabète augmente. Je leur propose alors de concevoir leurs menus, en préparant leurs propres plats. Du coup, je sors parfois faire les courses avec la kinésithérapeute et nous encourageons aussi les gens à marcher avec leurs prothèses. Quant à l’ergothérapeute, elle m’assiste pour trouver des outils adaptés à la réalisation des ateliers cuisine. Un hémiplégique peut ainsi s’aider d’une planche à découper avec une barre sur le côté. Ce dispositif lui permet de coincer sa tartine, pour ensuite la beurrer… » Enfin, chaque personne est suivie par un référent et fait l’objet de points de synthèse pluridisciplinaire, lors de réunions formelles ou d’échanges oraux ponctuels.
Comme Solenn Carron a suivi une première année de formation à l’Institut français d’hypnose de Paris, elle propose des séances de relaxation et d’hypno-analgésie à domicile. « Les handicapés moteurs ont en effet souvent une image dévalorisée de leur corps, des douleurs partout, des problèmes de transit, observe Solenn Carron. J’aide donc les volontaires à se plonger dans un univers agréable. Personnellement, quand j’entre dans cet état de transe, je me retrouve dans mon fief familial de l’île de Groix : je sens les odeurs, le sable, j’entends les mouettes. » Son espoir est de continuer sa formation d’hypnose et de permettre aux personnes handicapées de pratiquer seules, en autonomie, sans son coaching bienveillant…
« Le Samsah travaille en partenariat avec tous les autres intervenants à domicile, car nous n’assurons pas un accompagnement au quotidien. Mais il n’est pas toujours facile de coordonner les actions : par exemple, à une réunion de présentation de notre service, aucune libérale ne s’est déplacée… Il m’arrive donc parfois de provoquer des rencontres : je passe par exemple au domicile à l’heure où je sais que l’Idel y vient aussi. Ou bien je lui téléphone pour expliquer qui nous sommes. Il m’appartient notamment de déterminer quelles tâches relèvent vraiment d’un travail infirmier et ce qui peut être délégué à une auxiliaire de vie. Dans le cas des toilettes, l’Idel a parfois tendance à vouloir tout faire à la place de la personne handicapée, alors que l’objectif du Samsah est de la rendre progressivement autonome. En outre, il faudrait réfléchir aux informations utiles que nous pourrions échanger avec les libérales. »
Les Samsah sont des structures créées par le décret du 11 mars 2005 et financées par les Agences régionales de santé et les conseils généraux. « Notre structure accompagne des adultes handicapés moteurs, explique Jean-Luc Pelletier, directeur du Samsah de Saint-Rémy. D’autres font de l’accompagnement psychique et mental, parfois en lien avec des hôpitaux psychiatriques. » Les équipes pluridisciplinaires des Samsah, en permettant le maintien à domicile, constituent une réelle alternative à l’admission en institution et aident la personne à la réalisation d’un projet de vie, en essayant d’améliorer son autonomie sur tous les plans. À Saint-Rémy, l’infirmière a un rôle d’écoute, d’échange, d’orientation vers les soins et d’éducation thérapeutique. Les postes à pourvoir dépendent de la convention collective nationale CCN51, pour un salaire infirmier brut d’environ 2 200 euros mensuels.