Le cancer chez la personne âgée - L'Infirmière Magazine n° 311 du 01/02/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 311 du 01/02/2015

 

Cahier de formation

Savoir

La survenue d’un cancer chez un patient âgé pose toujours des questions d’ordre éthique. Le rapport entre les bénéfices et les risques d’un traitement est parfois difficile à établir. Au croisement de l’oncologie et de la gériatrie, l’oncogériatrie améliore le choix de la prise en charge la mieux adaptée à chaque patient âgé.

CONTEXTE

Des questions éthiques

Le risque accru de développer un cancer en avançant dans l’âge associé au vieillissement rapide de la population française entraîne une augmentation du nombre de cancers après 65 ans. Alors que la mise en place de thérapeutiques optimales est appliquée chez les patients plus jeunes, il n’en est pas toujours de même lorsque le cancer survient après 70 ans car la situation soulève de nombreuses questions éthiques, par exemple : quel bénéfice y a-t-il à engager des traitements le plus souvent lourds et contraignants ? Faut-il annoncer le cancer à la personne âgée (et donc instaurer des traitements spécifiques) au risque de la perturber “inutilement” ? Comment recueillir la volonté éclairée du patient en présence de troubles cognitifs ?

Un manque de données cliniques

À la complexité des questions éthiques s’ajoute le fait que la population âgée n’a pas été suffisamment prise en compte dans les études sur le cancer. Jusqu’à très récemment, les essais cliniques n’incluaient pas de personnes de plus de 60 ans, et quand c’était le cas, il s’agissait de personnes en bonne forme, indemnes de pathologies associées. « Ce qui ne correspond pas à la réalité, remarque le Dr Élodie Crétel, oncogériatre, coordinatrice de l’Unité de coordination en oncogériatrie de la région Paca Ouest. En pratique, la population âgée, très hétérogène, est souvent porteuse de polypathologies, d’antécédents médicaux, et des polymédications qui sont associées. » Cette hétérogénéité rend les études compliquées et rebute les laboratoires pharmaceutiques, principaux pourvoyeurs d’études cliniques. Privés de protocoles thérapeutiques en l’absence de données cliniques, par exemple sur l’utilisation de la chimiothérapie ou de la radiothérapie chez les personnes âgées, les spécialistes s’en remettent aux discussions collégiales ou à des considérations personnelles. Il y a peu, on ne considérait pas opportun de traiter un cancer après 70 ans.

Une évolution des mentalités

Avec l’allongement de la durée de vie et les progrès des traitements, les pratiques commencent à changer. Depuis une vingtaine d’années, l’augmentation du nombre de cancers dans la population âgée a fait émerger une nouvelle spécialité médicale, l’oncogériatrie, au croisement de l’oncologie et de la gériatrie, et naître des Unités de coordination en oncogériatrie (Ucog). Les Ucog, créées à l’initiative de l’Institut national du cancer (INCa) en cohésion avec les directives du deuxième Plan cancer (2009-2013), ont permis de développer en France une oncogériatrie structurée et performante. Les Ucog ont notamment pour objectif d’améliorer la prise en charge conjointe des personnes âgées atteintes de cancer en associant oncologue, gériatre ou oncogériatre (gériatre ayant une formation spécifique en oncologie), et médecin traitant(1).

Néanmoins, l’oncogériatrie est une discipline récente et il y a encore des mentalités à faire évoluer. Certains services hospitaliers n’appellent jamais les gériatres, comme certains ne sollicitent pas les soins palliatifs ou les spécialistes de la douleur, prenant alors le risque que le traitement du cancer soit mal, voire très mal supporté.

ÂGE ET CANCER

Un facteur de risque

L’âge est l’un des principaux facteurs de risque d’apparition du cancer. Ainsi, deux tiers des cancers surviennent après 65 ans et un tiers après 75 ans, ce qui fait du cancer surtout une pathologie du sujet âgé (lire l’encadré page ci-contre). En 2011, le cancer représente la première cause de mortalité pour les 65 ans et plus devant les maladies cardiovasculaires(2). Il concerne 48 % des décès entre 65 et 74 ans et 32 % entre 75 et 84 ans. Les personnes âgées sont, comme le reste de la population, concernées par l’ensemble des cancers, même si certains sont très fréquents dans cette population. C’est notamment le cas des cancers colorectaux ou gastriques, du cancer du poumon, du cancer de la prostate chez l’homme et du cancer du sein chez la femme.

L’âge, une donnée relative

Au cours du vieillissement, la diminution des réserves fonctionnelles de l’organisme entraîne une réduction de sa capacité à s’adapter aux situations d’agression (effort, stress, maladies aiguës). Cette réduction fonctionnelle est très variable d’un individu âgé à l’autre au point que certains n’en subissent que peu les effets. La population âgée est de ce point de vue très hétérogène.

Pendant longtemps, les cancers étaient traités en fonction de l’âge et non de l’état de santé général du patient âgé, avec la crainte d’utiliser des doses standards de traitements. Les traitements mal adaptés limitaient les chances de guérison et l’espérance de survie du patient, ou altéraient sa qualité de vie.

Aujourd’hui, de nombreux traitements sont possibles après 80 ans et la sélection par l’âge n’a plus de sens. Ce sont les comorbidités ou le stade trop avancé d’un cancer qui peuvent justifier une décision de ne pas traiter. Le but des évaluations gériatriques lors de consultations spécifiques est d’évaluer au cas par cas les capacités du patient à supporter les traitements anticancéreux.

ONCOLOGIE ET GÉRIATRIE

L’oncogériatrie

L’oncogériatrie est une discipline qui a une vingtaine d’années. Elle associe deux spécialités : la gériatrie et l’oncologie. L’oncogériatrie a connu une forte impulsion avec le Plan cancer 2009-2013. L’objectif de cette discipline récente est de prendre en charge des patients âgés atteints de cancer dont l’organisme est bien souvent affaibli par d’autres pathologies. Gériatres ou oncogériatres, oncologues, spécialistes d’organe, pharmaciens et radiologues travaillent ensemble pour proposer des thérapies adaptées, en tenant compte des phénomènes du vieillissement, que celui-ci soit sain ou pathologique. L’oncogériatrie traite des cas complexes qui ont déjà été discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire mais qui posent des problèmes du fait de l’âge élevé des patients, de leur fragilité ou de leurs comorbidités. L’oncologue s’adresse à l’oncogériatrie pour l’élaboration d’une approche globale, graduée et efficiente du patient. Les consultations d’oncogériatrie visent à l’évaluation gériatrique des fragilités des patients âgés atteints de cancer pour aider l’oncologue ou le chirurgien dans la prise de décision thérapeutique.

L’évaluation gériatrique

Le plus souvent réalisée par un oncogériatre (gériatre ayant une formation spécifique en oncologie), l’évaluation gériatrique peut être aussi réalisée par un oncologue ayant une formation en gériatrie, ou par un gériatre. L’évaluation repose sur un interrogatoire et un examen médical et permet d’apprécier l’état fonctionnel d’un patient, son degré d’indépendance dans les gestes et activités de la vie quotidienne, son état psychique (humeur, anxiété), cognitif et son état de nutrition. « L’évaluation gériatrique se fait sous forme de consultation d’environ deux heures en hôpital de jour, explique le Dr Lauren Aubert, du service de médecine aiguë gériatrique du CHU de Nantes (Loire-Atlantique). Il s’agit notamment de repérer les fragilités gériatriques sur les plans nutritif, cognitif et moteur. Il faut également évaluer les risques d’effets secondaires des traitements du cancer et leurs interactions avec les autres pathologies et traitements du patient. Il faut parfois demander des examens complémentaires. »

L’accompagnement du patient

Quand des déficits sont repérés, l’équipe d’oncogériatrie les prend en charge et met en place le suivi du patient qui se poursuivra pendant la durée du traitement. Par exemple, avant une intervention chirurgicale, des traitements de type “renutrition” ou réhabilitation fonctionnelle permettent d’augmenter les réserves fonctionnelles du patient qui devra supporter le stress d’une intervention. Cette étape doit être privilégiée en dehors des cas d’urgence assez rares dans le cadre du cancer (tumeur évoluant très vite par exemple). « Les équipes d’oncogériatrie proposent un accompagnement pour aider le patient à supporter le traitement et préserver son autonomie. Elles interviennent de préférence avant l’instauration du traitement, parfois entre deux traitements ou après les traitements, car il est toujours temps de proposer un suivi adapté à la problématique du patient », précise le Dr Aubert.

L’environnement social

L’appréciation de l’environnement social du patient est un élément important pour le choix de la prise en charge à proposer. D’autant plus pour envisager un traitement à domicile. Ainsi la situation d’un patient souffrant de dépendance mais bien entouré est plus favorable que celle d’un patient plus autonome mais isolé. En fonction de l’entourage présent (conjoints, enfants, amis), le besoin d’aides extérieures est évalué pour anticiper la mise en place d’une aide-ménagère ou d’une auxiliaire de vie au domicile, d’une infirmière pour la mise en place de soins à domicile, d’une kinésithérapie pour lutter contre la perte d’indépendance en favorisant la marche, la respiration ou l’équilibre.

Les outils d’évaluation

En plus de l’interrogatoire et de l’examen clinique, il existe des échelles permettant une évaluation des fragilités gériatriques dont certaines sont validées. La plus utilisée, l’échelle Oncodage (voir le tableau ci-contre) permet d’identifier les personnes âgées atteintes de cancer à risque de mauvaise tolérance d’un traitement anticancéreux en présence d’une dénutrition, de comorbidités, de polymédication, de troubles cognitifs… C’est une première étape pour orienter les patients vers une consultation adaptée aux anomalies dépistées et/ou une évaluation gériatrique approfondie avant de commencer le traitement anticancéreux.

DIAGNOSTIC TARDIF

La difficulté du diagnostic

Les cancers sont parfois diagnostiqués tardivement chez les personnes âgées. Une des raisons est que nombre de personnes âgées mettent leurs soucis de santé sur le compte du vieillissement. Ils hésitent à consulter leur médecin lorsque de nouveaux symptômes apparaissent. Ainsi, un amaigrissement, une fatigue persistante ou des troubles de la digestion sont parfois banalisés alors qu’ils peuvent être des signes d’alerte d’une maladie en plein développement. « Les médecins eux-mêmes, lorsqu’ils sont consultés, ont tendance à s’orienter vers d’autres pathologies liées à l’âge », selon la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer (www.fondation-arc.org). De plus, les personnes âgées n’ont pas toujours le même niveau de suivi médical que des personnes plus jeunes, alors qu’un diagnostic précoce permet, comme chez les plus jeunes, d’intervenir à un stade moins avancé de la maladie et d’optimiser la prise en charge, souvent avec des traitements moins intenses.

Les personnes âgées exclues du dépistage

Le dépistage d’un cancer consiste à détecter des lésions précancéreuses ou cancéreuses à un stade très précoce chez une personne en bonne santé, avant même que n’apparaissent les premiers symptômes. Les principaux cancers font l’objet de programmes de dépistage selon des procédures standardisées dans une population cible. C’est par exemple le cas du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans (mammographie) ou du cancer colorectal chez les hommes et femmes dans la même tranche d’âge (Hémoccult et, sous peu, les tests immunologiques), alors que le risque de cancer est supérieur pour les deux sexes dans la tranche des 75-79 ans. Le risque de cancer colorectal est sept fois plus important chez les 75-79 ans que chez les 50-74 ans, et huit fois plus important entre 80 et 84 ans(3).

Des conséquences

Un rapport de l’INCa de 2009 remarque que « la démarche diagnostique des cancers varie en fonction de l’âge des patients ; chez les personnes âgées, cette démarche diagnostique est moins approfondie »(4). En conséquence, les personnes âgées de plus de 70 ans se distinguent des adultes plus jeunes :

→ par un pourcentage de cancers de stade indéterminé plus élevé ;

→ par un pourcentage plus élevé de personnes sans confirmation histologique ou cytologique du cancer ;

→ par un pourcentage plus élevé de certains cancers à des stades avancés (métastasés ou avec un envahissement locorégional) ;

→ par une proportion plus importante de patients dont le bilan d’extension a été réalisé par des techniques moins bien établies.

PRISE EN CHARGE

Les questions sont les mêmes à tout âge. La pathologie maligne est-elle curable ? Dans le cas contraire, les traitements spécifiques du cancer peuvent-ils augmenter la survie tout en préservant une qualité de vie acceptable ? En identifiant les facteurs de fragilité gériatrique, l’approche oncogériatrique permet d’adapter la prise en charge en termes de suivi et de traitement. En 2009, l’INCa relevait que les traitements des cancers des personnes âgées sont souvent incomplets(4). Principalement en cause, la présence d’une comorbidité importante et d’une dépendance.

Des choix thérapeutiques

« La chirurgie n’est pas systématiquement plus difficile à envisager que la chimiothérapie, souligne le Dr Lauren Aubert. Tout dépend du type de cancer et de l’objectif du traitement, curatif ou palliatif. Ce qui aura un poids dans la décision thérapeutique. » Le rôle des unités d’oncogériatrie est d’associer la prise en charge générale de l’ensemble des pathologies et celle spécifique au cancer. Les médecins adaptent leurs traitements en fonction de l’état de santé du patient. Sachant que 20 à 30 % des patients âgés atteints d’un cancer seraient porteurs de pathologies cardiaques, 21 à 36 % de pathologies vasculaires, 14 à 25 % de pathologies pulmonaires(5). Autant de symptômes qui peuvent perturber la lecture des signes cliniques lorsqu’il s’agit d’établir un diagnostic de cancer chez une personne âgée.

La décision thérapeutique

« La volonté du patient est systématiquement recherchée, insiste le Dr Aubert. Sont aussi pris en compte d’éventuels troubles thymiques en fonction du moral du patient, de son ressenti face à l’annonce de la maladie et de sa réaction. Il faut vérifier ce qu’il a compris de la maladie et des traitements. » La famille et les proches sont aussi consultés, mais le patient reste l’interlocuteur principal. Des troubles cognitifs ou de la mémoire peuvent être un obstacle à la compréhension. « Cela dépend du stade et du type de troubles. Certains patients atteints de démence peuvent encore exprimer leur volonté ou leur accord au traitement, même si cet accord ne va pas forcément être maintenu dans le temps à cause des troubles. Il faut alors redemander l’accord à chaque fois qu’on crée l’alliance thérapeutique. » Car l’accord du patient prime même en présence de tels troubles. « On ne peut administrer un traitement contre la volonté du patient. Il serait mal vécu, source d’inconfort, avec le risque d’une mise en échec du traitement », ajoute le médecin. La volonté du patient est d’autant plus importante lorsque le cancer est incurable. Qu’il puisse dire « il me reste quelques mois à vivre, je veux les vivre bien » ou au contraire « je choisis de me soigner » malgré le risque d’effets secondaires. « Il faut parfois discuter avec la famille pour faire comprendre le choix du patient. Il faut que l’entourage soit présent sans être en conflit avec les choix du patient. » Certains patients âgés ne sont pas informés de leur diagnostic. Souvent parce que les familles ont peur et veulent protéger leur parent de l’annonce redoutée. Lorsque le cancer est curable, la possibilité d’une guérison doit être considérée. Souvent la chirurgie est synonyme de guérison.

L’adaptation du traitement

Quel que soit l’âge du patient, l’efficacité et la tolérance des traitements sont pratiquement les mêmes. L’âge n’est pas un facteur justifiant une attitude passive dans le traitement des cancers. Le danger est souvent de surestimer la fragilité de l’organisme âgé et donc de proposer un traitement sous-dosé, donc insuffisant(4). « L’approche oncogériatrique part de la thérapie optimale au regard du cancer et de son stade pour apprécier ce qui est envisageable chez tel ou tel patient », explique le Dr Aubert. Le Dr Crétel précise que « c’est l’oncologue qui décide des doses d’une chimiothérapie. Le rôle du gériatre est de signaler une fragilité, ou une fonction rénale altérée, par exemple. L’oncologue peut alors diminuer les doses de 25 ou 50 % ». L’inclusion des personnes âgées dans les études cliniques permettra de mieux définir les protocoles thérapeutiques optimaux, adaptés à leurs organismes.

TRAITEMENTS SPÉCIFIQUES DU CANCER

Ce n’est pas l’âge en lui-même mais l’état de santé général du patient qui est un facteur limitant le recours aux traitements classiques du cancer. Certains traitements pourront être proposés à certains patients âgés et non à des patients plus jeunes, porteurs de pathologies associées, avec des antécédents, qui ne vont pas les supporter.

La chirurgie

Dans le cadre du cancer, la chirurgie est pratiquée soit dans un but diagnostique (biopsie), soit pour enlever la tumeur elle-même. Aujourd’hui, la chirurgie est la moins mutilante possible, et conserve le plus possible l’organe concerné. Des personnes de plus de 90 ans sont régulièrement opérées par des cancérologues. « Les chirurgies sont parfois très bien tolérées. Cela dépend entre autres du type de chirurgie, de la longueur de l’intervention et du retentissement en termes de cicatrisation, rapporte le Dr Aubert. Les chirurgies complexes avec curage, greffe de moelle osseuse sont plus lourdes en termes d’évolution, d’autant plus chez le patient âgé. Sur des chirurgies plus courtes, plus simples, on a les mêmes taux de morbidités [complications, récidives] et mortalité. On a déjà ces données pour certains types de cancer, d’autres sont en cours d’étude. » L’état de santé général du patient est un facteur limitant le recours à la chirurgie. En revanche, avec l’âge, la fréquence des effets secondaires augmente. Ainsi le risque de thrombose ou d’escarre dans les suites de l’opération doit être pris en compte avant d’opérer un patient âgé.

La chimiothérapie

Elle est souvent redoutée à cause de ses effets secondaires (chute de cheveux, fatigue générale, nausées…) qui sont les mêmes quel que soit l’âge du patient, mais peuvent varier d’un malade à l’autre pour une même molécule. Si les molécules utilisées sont les mêmes que pour les patients plus jeunes, les dosages et le rythme du traitement sont adaptés à l’état général du patient et aux répercussions des éventuels effets indésirables. L’équilibre entre les bénéfices et les risques doit être analysé, car il y a aussi un risque de sous-dosage des chimiothérapies pour éviter les effets indésirables chez les patients âgés.

La radiothérapie

Elle peut être difficile à mettre en œuvre pour les personnes les plus âgées car elle nécessite des déplacements fréquents, quasi quotidiens, pendant une période plus ou moins longue. Le planning de traitements doit être adapté au malade et à son état général. Les objectifs thérapeutiques sont soit de guérir un cancer en visant à détruire la totalité des cellules cancéreuses (radiothérapie curative), soit de freiner l’évolution d’une tumeur (sans espoir de guérison) et d’en traiter les symptômes (radiothérapie palliative ou symptomatique).

Effets secondaires

Les techniques modernes permettent de focaliser les rayons le plus précisément possible sur la tumeur afin d’épargner au maximum les tissus sains. Néanmoins, les effets indésirables sont liés au risque d’altération de cellules saines à proximité de la zone traitée. Ils diffèrent largement selon la localisation et le volume irradié, la dose délivrée, la radiosensibilité individuelle et l’état général. Les irradiations de la bouche, du cou ou du haut du thorax peuvent entraîner des difficultés pour avaler et déglutir, et un manque de salive.

Réactions générales

Le “mal des rayons” est une réaction générale consécutive à une irradiation, en particulier lorsqu’elle porte sur l’abdomen. Les symptômes les plus fréquents sont une fatigue ou asthénie associée à une perte de l’appétit ou anorexie. Certains patients ont des nausées pendant plusieurs heures après le traitement. Les nausées et les vomissements peuvent être traités avec plus ou moins de réussite par des médicaments.

La fatigue, très fréquente, peut apparaître ou s’accentuer au cours des séances, souvent après une ou deux semaines de radiothérapie. La sensation de fatigue ou de lassitude générale disparaît le plus souvent une semaine après la fin du traitement. Environ quatre à huit semaines après la radiothérapie, une sensation d’endormissement irrépressible ou une perte d’appétit sont possibles. Ces symptômes disparaissent généralement spontanément après quelques semaines, mais ils doivent être signalés au médecin. Surtout chez un patient âgé, car il faut adapter le mode de vie et prévenir le risque de dénutrition et d’altération cutanée (escarre).

Réactions cutanées

La radiothérapie est parfois très agressive pour la peau et peut provoquer divers types de lésions cutanées (érythème fugace, épidermites, radiodermites…). Des précautions doivent être prises, plus particulièrement chez les patients âgés, qui ont une peau très fine et moins protégée contre les agressions extérieures. Comme pour tous les âges, des précautions sont à prendre pendant toute la durée de l’irradiation :

→ éviter les douches et bains trop chauds ;

→ laisser, le plus possible, les zones irradiées à l’air libre ;

→ ne pas savonner directement les zones irradiées, mais laisser couler l’eau savonneuse dessus ;

→ employer un savon simple (de Marseille) ou le produit prescrit par le médecin ;

→ ne jamais utiliser d’alcool, d’eau de toilette, de déodorant, de talc ou de crème sur les zones irradiées ;

→ sécher sans frotter ;

→ porter des vêtements amples, en coton, évitant les frottements.

Ces troubles sont le plus souvent temporaires. La zone irradiée guérit progressivement après la fin du traitement, le plus souvent en quelques semaines à quelques mois.

(1) La liste et la carte des Ucog sont disponibles sur le site de l’INCa (www.e-cancer.fr).

(2) “Principales causes de décès des personnes âgées en 2011”, INSEE (via le lien raccourci bit.ly/1JcyVgM).

(3) “Estimation Francim” pour 2005. Données disponibles sur le site de l’InVS (www.invs.sante.fr).

(4) “État des lieux et perspectives en oncogériatrie”, INCa, mai 2009 (via le lien raccourci bit.ly/1JcztTM).

(5) “Cancer chez la personne âgée : le diagnostic”, Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, mars 2010 (bit.ly/1xwQUcg).

Idée reçue

Il faut souvent renoncer à une chirurgie du cancer à cause de l’âge du patient.

Non, le risque opératoire est le même que pour une autre chirurgie (de la hanche, par exemple). Ce risque a été considérablement réduit par les progrès de l’anesthésie. Ainsi, la chirurgie, lorsqu’elle est envisageable, doit être appliquée. Elle reste la clé de voûte du traitement du cancer, aucune mauvaise raison ne doit priver le patient d’une chance de guérison.

Les chiffres du cancer après 75 ans

En 2012, chez les personnes de 75 ans et plus :

→ 115 310 nouveaux cas de cancer (53,7 % chez l’homme) ;

→ près d’un tiers des cancers diagnostiqués ;

→ cancers les plus fréquents chez les hommes : 15 359 cancers de la prostate, 9 298 cancers colorectaux et 7 230 cancers du poumon ;

→ cancers les plus fréquents chez les femmes : 11 619 cancers du sein, 9 741 cancers colorectaux et 3 093 cancers du poumon ;

→ 77 005 décès par cancer sont estimés chez les personnes âgées de 75 ans et plus (dont 53 % chez l’homme), soit 52 % de la totalité des décès observés en France.

Survie nette à dix ans (si le cancer était la seule cause de décès) :

→ cancer de la prostate : 61 % pour les 75-84 ans (83 % pour les 55-64 ans) ;

→ cancer colorectal : 45 % chez les 75 ans et plus (46 % chezla femme et 43 % chez l’homme) ;

→ cancer du sein : 65 % chez les 75 ans et plus (83 % chez les 45-54 ans) ;

→ cancer du poumon : 5 % chez les 75 ans et plus (9 %, tous âges confondus).

Le pronostic moins bon chez les sujets âgés s’explique par un diagnostic plus tardif et des comorbidités limitant le traitement.

Idée reçue

Chez les personnes âgées, le cancer évolue lentement, il n’est pas très agressif, à la limite du bénin.

C’est parfois vrai, mais certaines tumeurs d’évolution rapide peuvent être fatales comme chez l’adulte plus jeune. Un diagnostic exact et un traitement efficace sont donc aussi essentiels que pour les patients plus jeunes.

Point de vue

« Les notes des Idels sont très utiles »

Docteur Lauren Aubert, service de médecine aiguë gériatrique du CHU de Nantes (Loire-Atlantique)

« À l’hôpital, le patient est suivi pendant et après le traitement puis, avec la stabilisation de la maladie, le suivi s’espace et s’interrompt. Le suivi par l’infirmière à domicile est très important. À l’hôpital, on voit le patient le temps d’une consultation, à un instant T, sans regard sur l’évolutivité de la situation. On va rechercher des informations sur le vécu du patient et des proches à domicile et sur leur ressenti, mais on n’a pas toujours le réflexe d’aller chercher s’il y a une infirmière à domicile pour recueillir ses observations. Parfois, on n’a pas les coordonnées, les patients connaissent souvent les infirmières par leurs prénoms. Les contacts sont plus systématiques envers les Ehpad. Les infirmières peuvent donner leurs coordonnées écrites au patient au cas où l’oncologue ou le médecin en charge du patient aurait besoin de les contacter. De même, les notes des infirmières et des aides-soignantes dans les “carnets de suivi” sont très utiles pour connaître l’évolution de l’autonomie du patient, mais les patients les amènent rarement à l’hôpital. Inciter les patients à aller à l’hôpital avec leur carnet est un bon moyen de faire passer des informations aux spécialistes. »

Le recours de l’entourage

L’importance de l’entourage est prouvée par des travaux qui ont aussi montré son impact possible sur la trajectoire des patients.

D’autant que les patients âgés sont souvent en situation de recourir à l’aide de leurs proches pour leur prise en charge. Les principales causes de recours aux proches sont, par ordre de fréquence décroissant :

→ le recours lié au déclin cognitif. Les médecins peuvent avoir recours à un dialogue avec les proches qui va compléter ou se substituer dans les cas extrêmes au dialogue avec le patient ;

→ le recours émotionnel lié à la réaction du patient âgé à l’annonce du cancer. Chez un sujet âgé, plus encore que chez des patients plus jeunes, l’annonce d’un cancer est très souvent entendue comme l’annonce d’une mort imminente ;

→ la troisième cause de recours est liée à la situation économique, lorsque les revenus ne suffisent pas à prendre en charge les dépenses liées à leur maladie, et au déclin physique qu’elle va entraîner.

D’après “État des lieux et perspectives en oncogériatrie”, INCa, mai 2009.

Les cancers professionnels tardifs

L’Institut de veille sanitaire estime que 4 à 8,5 % des cancers en France sont liés à une exposition professionnelle, soit entre 11 000 et 23 000 nouveaux cas par an.

Les cancers d’origine professionnelle actuellement observés sont généralement les conséquences d’expositions pouvant remonter à plusieurs décennies. Il peut ainsi s’écouler vingt à quarante ans entre le moment où le travailleur est exposé à une substance à risque et le moment où le cancer se déclare.

Le cancer est donc souvent diagnostiqué lorsque le travailleur est à la retraite. Il n’est alors pas toujours évident pour le médecinà l’origine du diagnostic de cancer de faire un lien avec l’activité professionnelle de son patient. Le médecin traitant pourra se procurer une liste des professions et des produits “à risque” auprès de la Caisse primaire d’Assurance maladie.