LE VÊTEMENT, MARQUEUR D’IDENTITÉ - L'Infirmière Magazine n° 311 du 15/11/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 311 du 15/11/2012

 

EHPAD

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

EMMANUELLE DEBELLEIX  

Pour limiter les risques d’erreur d’identification des patients, un Ehpad de Brest a travaillé sur la sécurisation du circuit du linge. La présentation de cette démarche, lors du Salon infirmier, a interrogé les pratiques soignantes en matière d’identitovigilance.

Pourquoi porter une attention spécifique à la sécurisation du parcours du linge des résidents « Parce qu’en Ehpad, du fait de l’importance du turn-over infirmier et du nombre de résidents incapables de décliner leur identité, notamment en cas de syndromes démentiels, le marquage des vêtements est souvent utilisé par les soignants pour vérifier l’identité de chacun », a expliqué Nicole Madec. Cette cadre de santé à la résidence Delcourt-Ponchelet, Ehpad rattaché au CHRU de Brest, est venue présenter la démarche de son établissement au Salon infirmier, le 25 octobre dernier, à Paris.

« Une résidente, Mme X, transférée dans un autre service, arrivant avec le dossier de Mme Y et portant les vêtements de Mme Z, décédée depuis un an. La plainte du mari d’une résidente lorsqu’il la voit vêtue des habits d’une autre. Une résidente recevant le traitement de sa voisine de chambre parce qu’elle porte ses vêtements et que l’infirmière, nouvelle, ne la connaît pas », décrit-elle.

Individualité respectée

C’est à partir d’un constat de terrain qu’est née, en 2009, l’idée de travailler en équipe pour prévenir le risque d’erreur d’identité. Objectifs : sécuriser le parcours de soins des résidents, mais aussi respecter leur individualité. « Les remarques des familles, décontenancées lorsqu’elles trouvent leur proche vêtu des habits d’un autre, viennent nous le rappeler : le vêtement est marqueur de l’identité individuelle et sociale d’une personne », a souligné Nicole Madec.

Pour trouver des solutions permettant de limiter ce risque, un groupe de travail pluridisciplinaire rassemblant douze professionnels de l’établissement (infirmières, aides-soignantes, ASH, lingère, cadre, médecin, psychologue…) s’est réuni durant près de six mois. Trois priorités ont été retenues : la liste indicative remise aux familles concernant le trousseau d’entrée dans l’établissement a été actualisée - « plus de porte-jarretelles! » ; le marquage du linge a été amélioré grâce à l’achat d’une machine à thermocoller, « un outil indispensable pour que la lingère ait le temps de marquer les vêtements à l’arrivée des résidents et durant leur séjour si nécessaire, et pour démarquer systématiquement les habits laissés par les familles après le décès de leurs proches » ; enfin, la vérification régulière du linge des résidents a été organisée via la désignation de soignants référents. Les aide-soignantes et les ASH de chacune des quatre unités de vie de l’établissement sont, ainsi, responsables de trois à quatre pensionnaires.

Le suivi de la démarche mise en œuvre depuis deux ans dans l’établissement a fait apparaître une nette amélioration, a souligné Nicole Madec : plus grande satisfaction des familles, interrogées par questionnaire ; mais aussi « meilleure conformité des vêtements portés par les résidents » : 60,5 % portaient leurs habits lors de la vérification faite cette année, contre 30 % en 2010. Par ailleurs, 60 % des vêtements étaient bien rangés dans les placards, contre seulement 25 % en 2010.

Multiples suggestions

Le risque d’erreurs d’identité n’a pas, pour autant, totalement disparu. De la salle, les suggestions ont fusé, reflets des expériences des uns et des autres. « Et pourquoi ne pas utiliser un trombinoscope? » « Nous en avons un, mais les résidents changent, physiquement », a noté Nicole Madec. « Pourquoi ne pas avoir doté tous les résidents d’un bracelet d’identification ? », a interrogé un soignant. « L’Ehpad est un lieu de vie. Nous avons jugé, en équipe, que le port systématique d’un bracelet, ce serait trop, a répondu la cadre de santé. Nous n’utilisons le bracelet que dans des cas précis : d’une part, les transferts et, d’autre part, à l’intérieur de l’Ehpad, pour les personnes présentant un risque majeur d’errance, de fugue. Et ce, toujours avec leur accord, et/ou celui de leur famille. » « Respect des personnes accueillies versus sécurité des soins… Le dilemme traverse tous les Ehpad », a commenté Nadine Vaillant, cadre du pôle gériatrie au CHRU de Brest. Une problématique dont les solutions ne relèvent pas que des seuls moyens technologiques, mais aussi de la vigilance soignante. C’est aussi une question de temps disponible, ont souligné les soignants présents.

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