L'infirmière Libérale Magazine n° 311 du 01/02/2015

 

INSTALLATION

L’exercice au quotidien

Laure Martin  

Alors qu’elle souhaite ouvrir un second cabinet libéral, afin de répondre à la demande de soins sur son territoire, Amélie s’impatiente d’attendre la réponse de l’Agence régionale de santé (ARS).

« Il y a un peu plus d’un an, j’ai fait une demande à l’ARS pour ouvrir un deuxième cabinet à quinze kilomètres de mon cabinet actuel. Mon objectif, en ouvrant une antenne secondaire, est de répondre aux besoins des patients qui m’appellent, car les infirmiers des alentours ne peuvent pas prendre en charge les soins d’hygiène en plus de leur travail actuel. Cela a commencé en juillet 2012, avec un patient hémiplégique dont le retour à domicile, après son séjour à l’hôpital, a été une catastrophe : aucun cabinet de son secteur ne pouvait lui faire ses soins de nursing. Quand j’ai appris le problème, j’ai décidé de le prendre en charge. De fil en aiguille, les patients ont su que je me déplaçais et, désormais, je m’occupe de quatre à cinq patients dans ce secteur. Mon second cabinet me permettrait de répondre le plus vite possible à la demande de soins non honorée des patients. Ce serait également une source d’économie pour la Sécurité sociale puisque je facture quinze kilomètres de déplacements environ quatre fois par jour. J’ai fait une demande d’autorisation d’ouverture à l’ARS il y a un an mais je n’ai jamais eu de retour officiel. Personne ne me tient informée ni ne retourne mes appels. Mais je ne désespère pas. Ce qui me dérange, c’est que les autorités départementales prônent, via leur troisième schéma “Bien vieillir”, le maintien à domicile des patients. Une dizaine d’infirmières sont prêtes à travailler, nous sommes motivées, dans une zone qui n’est pas sur-dotée, mais nous n’avons toujours pas de réponse. Si cela se met en place, je ferai la coordination des deux cabinets pour assurer un suivi et effectuer un travail de terrain plus approfondi. J’irai au contact des patients différemment et assurerai le relais entre les acteurs. Aujourd’hui, on a une volonté de bien faire, de réaliser un travail de qualité. Je reproche à l’administratif de ne pas venir sur le terrain. Mais je reste positive : cela va aboutir. Les autres cabinets n’ont pas à avoir peur de mon installation car, avant de prendre en charge un patient, je les appellerai pour m’assurer qu’ils ne veulent pas s’en occuper. Je ne suis pas là pour leur “piquer” la patientèle ! »

Avis de l’expert

« Une réticence générale »

Maître Gilles Devers, avocat à la cour de Lyon

« L’article R 4312-34 du Code de la santé publique prévoit que l’infirmier peut ouvrir un cabinet secondaire si les besoins de la population le justifient et avec autorisation de l’ARS. Mais il existe une réticence générale à cette pratique car il y a une crainte qu’un cabinet puissant crée une firme, alors que le libéral a vocation à instaurer un lien individuel et non industriel avec le patient. Les professionnels dépendent, à l’excès, de l’opinion de l’ARS, et, d’expérience, je sais qu’il est difficile d’obtenir cet accord, sauf dans les zones très sous-dotées. Néanmoins, en l’absence de réponse de l’ARS, l’infirmier peut lui adresser un courrier recommandé en rappelant que, d’après la loi, une décision doit être rendue dans les deux mois. »