SANTÉ AU TRAVAIL
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La réforme se met doucement en place dans les entreprises. Elle reconnaît et valorise les missions des infirmières. En théorie.
Un rôle reconnu et des missions renouvelées. Entrée en vigueur le 1er juillet, la réforme de la santé au travail avait de quoi susciter l’espoir des 5 000 à 6 000 infirmières de santé au travail qui exercent en France. Mais, dans les faits, « tout reste à construire », selon Anne Barrier, présidente du Groupement des infirmières du travail (Git). Et ce, malgré la loi du 20 juillet 2011, consacrant le principe de pluridisciplinarité de la santé au travail et renforçant son caractère préventif ; et les deux décrets d’application du 30 janvier 2012, précisant la place qu’occupera l’infirmière dans cette nouvelle organisation. Attendue par les professionnels du secteur depuis plusieurs mois, la circulaire du 9 novembre, diffusée par le ministère du Travail, n’a pas éclairci les zones d’ombre. En jeu : la formation demandée aux soignantes et la mise en place d’« entretiens » infirmiers. Deux points cruciaux pour l’évolution de la spécialité.
Alors que seules 10 % des infirmières actuellement en poste dans les entreprises auraient suivi un cursus en santé au travail, selon le ministère, la réforme impose à l’employeur d’y inscrire une infirmière non formée « dans les douze mois qui suivent son recrutement ». Problème : aucun diplôme n’est spécifiquement demandé dans les textes. « Si vous avez de la chance, votre employeur vous enverra passer un diplôme inter-universitaire en santé au travail (DIUST) ou une licence professionnelle. Sinon, vous aurez deux jours de formation dispensée par un organisme spécialisé », déplorait Bégonia Sanchez, secrétaire du GIT, lors du Salon infirmier, fin octobre, à Paris. De très nombreuses infirmières de santé au travail en quête d’informations sur la réforme assistaient à la conférence. Pour les soignantes déjà en poste, aucune obligation n’est encore faite aux employeurs. Ils sont toutefois priés de favoriser leur formation continue. Une déception pour les professionnelles de l’association, qui militent pour que les formations diplômantes en santé au travail, nées il y a près de vingt ans, soient enfin reconnues pour qu’à terme, un Master voie le jour.
Pour pallier le manque de médecins du travail dans certaines régions – ils étaient un peu plus de 5 700 en 2011, dont la moitié âgés de plus de 55 ans, selon les chiffres fournis par le GIT –, la réforme offre maintenant la possibilité aux infirmières diplômées en santé au travail de mener des « entretiens » annuels, permettant un « suivi » des salariés entre deux visites médicales. Cette disposition ne concerne que les entreprises autorisées à déroger à la périodicité des deux ans des examens médicaux, qui reste la règle. À l’issue de son entretien avec le salarié, la soignante pourra délivrer une « attestation de suivi infirmier » et passera le relais au médecin en cas de problème. Mais, la mise en place de ces entretiens s’apparente à un chemin de croix pour les infirmières : elle nécessite les accords du service de santé au travail qui intervient dans l’entreprise
Pour asseoir leur place, les soignantes disposent néanmoins d’un atout : le décret du 30 janvier 2012 reconnaît, pour la première fois dans un texte régissant la santé au travail, les missions propres de l’infirmière, telles que définies dans le Code de la santé publique.
1– Il existe trois modes d’exercice pour les infirmières : au sein d’un service de santé au travail autonome, intégré à l’entreprise ; au sein d’une entreprise, en coordination avec un médecin travaillant dans un service de santé inter-entreprises (SSTI) ; et, depuis la réforme, au sein d’un SSTI.
EMMANUEL BOULARAND INFIRMIER DE SANTÉ AU TRAVAIL À LA RATP
À la RATP, la réforme a été réellement mise en place le 1er novembre. Dans le service de médecine du travail, il y a 33 secteurs et quasiment 33 modes de fonctionnement ! À chaque fois, un binôme médecin/infirmier suit de 1 000 à 1 600 employés. Dans mon secteur, où il y a beaucoup de salariés en ateliers et un fort risque de troubles musculo-squelettiques, le médecin du travail a fait le choix de maintenir le rythme d’une visite médicale par an. La mise en place d’entretiens infirmiers n’est pas du tout à l’ordre du jour. Les médecins ont encore du mal à reconnaître le rôle propre infirmier. Nous espérons qu’avec l’arrivée d’infirmiers diplômés en santé au travail, les mentalités vont évoluer. Cette obligation légale de formation des nouveaux embauchés a eu une conséquence positive sur les salariés en place : deux infirmiers seront formés chaque année. Car aucun des 45 soignants en poste dans notre service n’a de DIUST ou de licence. Moi, cela fait dix ans que je demande une formation, et la semaine prochaine, je serai à la fac ! Jusqu’en mai, je vais passer le DIUST de santé au travail proposé par l’université Paris-Descartes. La pluridisciplinarité introduite par la réforme se met aussi en place dans la commission médico-technique : quatre infirmiers siégeront, contre un seul auparavant.
Recherche infirmière en santé au travail, titulaire du DIUST ou d’une licence professionnelle ». Depuis quelques mois, ce type d’annonce fleurit sur les sites spécialisés. « Sur le site du GIT, le nombre d’offres d’emploi a triplé en trois ans. On a même été sollicités pour diffuser une annonce avec 30 postes ouverts », commente Anne Barrier. Si la réforme n’a pas changé le ratio infirmières/salariés au sein des entreprises
« Depuis le début de l’année, nous avons recruté 18 infirmières. Notre objectif est d’en employer une centaine d’ici à cinq ans », détaille le Dr Françoise Faupin, en charge du recrutement et de la mise en place des entretiens infirmiers à l’ACMS
1– Dans les entreprises industrielles de 200 à 800 salariés, est présente au moins une infirmière, et, au-delà de ces effectifs, une infirmière supplémentaire par tranche de 600 salariés. Dans les autres établissements de 500 à 1 000 salariés, est présente au moins une infirmière, et une de plus par tranche de 1 000 salariés. En dessous de ces effectifs, la demande doit être faite par le médecin du travail et le comité d’entreprise.
2– Association interprofessionnelle des centres médicaux et sociaux de santé au travail de la région Ile-de-France.