L'infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012

 

INFIRMIÈRES SCOLAIRES

ACTUALITÉ

Plus d’un millier d’infirmières scolaires ont manifestéle 22 novembre, à Paris, à l’appel du Snics-FSU. Alors qu’une nouvelle loi d’orientation scolaire est en préparation, les 7 500 soignantes entendent défendre leur rôle.

Nous sommes là parce que certains voudraient que les infirmières scolaires deviennent des opératrices de santé, chargées de vacciner à la chaîne et de fournir une cohorte d’indicateurs de santé concernant les enfants et les adolescents, pour mettre en valeur le travail d’une hiérarchie médicale, tonne Marie-Claire Gruffy, infirmière scolaire dans un lycée près d’Annecy. C’est une régression insupportable ! Une négation de nos missions, car le cœur de notre métier, c’est d’être présentes auprès des élèves, à leur écoute, et au service de leur réussite à l’école. » Un grand cri de colère repris par une foule de collègues, quelque 1 600 infirmières de l’éducation nationale(1) manifestant dans les rues de Paris le 22 novembre, à l’appel de leur principal syndicat, le Snics-FSU(2).

« ÉCARTÉES DE LA RÉFLEXION »

L’objet de leur mobilisation ? La crainte que, « dans le cadre de la prochaine loi pour la refondation de l’école, leurs missions auprès des élèves et le pilotage de leurs actions soient remis en cause », explique la secrétaire générale du Snics-FSU, Béatrice Gaultier. Et de préciser : « Nous avons été exaspérées par les trois mois de concertation concernant cette future loi, pendant lesquels nous avons été écartées de la réflexion, et qui se sont soldés par un déni de tout le travail infirmier fait sur le terrain. Résultat : nous nous retrouvons avec des propositions en faveur d’une gestion plus médicale et interministérielle de la santé à l’école. Propositions suivies, début novembre, par un rapport parlementaire sur la médecine scolaire suggérant un pilotage des infirmières scolaires par les Agences régionales de santé (ARS). »

Le 22 novembre, la mobilisation a payé. En fin de journée, la délégation reçue par le cabinet du ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, annonce la bonne nouvelle. « Nous avons obtenu gain de cause sur les trois points majeurs qui nous mettaient en colère ! On nous a annoncé que la gouvernance de la politique de santé à l’école resterait bien sous l’autorité du ministère de l’Éducation nationale. Son pilotage restera donc du ressort du ministère – et non des médecins ou des ARS. Et non, il n’y aura pas de transfert des infirmières scolaires vers un quelconque corps interministériel », affirme Christian Allemand, secrétaire général adjoint du Snics-FSU.

Vigilance

Cris de joie. Mais vigilance. « Des discussions sur nos missions doivent aussi s’ouvrir dès janvier prochain, ajoute Christian Allemand. À nous de rester mobilisés pour qu’elles ne soient pas dénaturées ! » Car, au-delà de leurs inquiétudes concernant la loi pour la refondation de l’école, les infirmières scolaires es-timent que, sur le terrain, le cœur de leurs missions est menacé au nom d’impératifs de santé publique, et du fait du manque de médecins scolaires. « Nous ne sommes pas déconnectées des problématiques de santé publique, explique Béatrice Gaultier, mais le cœur de nos missions, c’est “l’accueil, l’écoute, et les soins pour quelque motif que ce soit, dès lors qu’il a une incidence sur la santé et la scolarité”, comme l’indique notre cir­culaire de mission, datée de 2001. »

Mais, dans les faits, on en est loin, tempête le Snics-FSU. « Ici et là, des académies détournent les infirmières de leurs missions pour assurer celles des médecins, notamment celles concernant les bilans de santé des plus jeunes, précise la responsable syndicale. Sans compter que les demandes croissantes d’actions de dépistage font que nous manquons de temps pour véritablement accueillir les quelque 15 millions d’élèves passant chaque année dans nos infirmeries. »

Le Snics-FSU se veut cependant optimiste. « Le ministère nous a assuré que les discussions sur nos missions s’ouvriraient sur la base de notre circulaire de mission, souligne Christian Allemand. À nous de mettre en avant nos priorités : un travail sur nos missions et qualifications pour assurer l’écoute du mal-être adolescent, le suicide étant la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans ; une réflexion sur l’éducation à la santé et le rôle de conseil que peuvent avoir les infirmières scolaires auprès des chefs d’établissement et des équipes pédagogiques. »

1- Selon le syndicat ; 1 200 selon la police.

2- Syndicat national des infirmières conseillères de santé (Snics-FSU).

TÉMOIGNAGE

« Des missions très variées »

JOËLLE CEREZO INFIRMIÈRE SCOLAIRE DANS UN COLLÈGE À MARSEILLE

« Aujourd’hui, on nous presse de nous centrer sur des actions de dépistage et des enquêtes de santé publique – rougeole, oreillons, rubéole, saturnisme, etc. Sans faire cas de la variété de nos missions de terrain. Et quand on évoque celles-ci, c’est seulement pour parler contraception d’urgence, bilan de santé des 5-6 ans et formation au secourisme.

Mais l’accueil et l’écoute des élèves, cela va bienau-delà ! C’est entendre un adolescent venu chercher un préservatif s’interroger : “Le sida, on peut l’attraper sans faire l’amour ?”. C'est accompagner un séjour au ski à la suite d’une réflexion sur l’activité physique avec un professeur d’EPS.Ou encore repérer lemal-être d’un élève venupour une migraine. »

POINT DE VUE

« Un courrier du ministère nous a rassurés »

« Le Snies(1) n’a pas souhaité manifester.Pour nous, cela aurait été prématuré. Car, si nous sommes, nous aussi, inquiètes concernant le cœur de nos missions, nous avions été quelque peu rassurées par un courrier adressé par le ministère à l’Unsa, affirmant que nous ne serions pas décentralisées. Mais nous restons vigilantes, car la tentation de certains de restreindre la mission des infirmières scolaires à un rôle de stricte santé publique est bien là. Nous, nous disons : la santé publique?? Oui. Mais pas que ça ! »

1- Syndicat national des infirmières éducatrices de santé (Snies).