L'infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012

 

ÉDITORIAL

Quand une entreprise de voitures devient célèbre pour la mise en place d’une méthode basée sur l’amélioration des conditions de travail et la productivité, réussissant à défier un secteur en crise, cela peut donner envie de s’en inspirer… Ce fut le cas de l’ancien ministre de la Santé québécois, qui décida, bille en tête, d’appliquer la méthode Toyota à descentres de santé. Cette mission visant à « développer de la richesse au profit de la santé » fut déléguée en 2009 à une société de conseil, fort calée dans le concept de rentabilité, mais totalement étrangère au secteur de la santé. Et miracle, le premier bilan, en 2011, est exceptionnel. L’objectif consistant à augmenter le nombre de patients traités par un service de soins à domicile, à ressources égales et effectifs constants, est atteint et même dépassé : l’activité soignante a augmenté de plus de 30 % ! Utiliser moins pour faire plus. Perspective exaltante s’il en est, analogue au chant des sirènes pour Ulysse… Un an plus tard, c’est le chaos. Soignants épuisés, en détresse psychologique et physique, et dont la pratique est désormais régie par des cadences extrêmes, obéissant à une grille « de planification et de réalisation » réduisant chaque acte à des normes de durée : lavage d’une oreille quinze minutes, suivi post-décès trente minutes… Ceux qui ne remplissent pas les critères doivent se justifier auprès d’un référent. Choqués ? Le constat qui, en 2009, avait fait germer l’idée d’implanter la méthode magique était que le personnel ne passait que 30 à 40 % de son temps auprès des malades. En 2012, les soignants vivent les yeux rivés sur le chronomètre… Le nouveau ministre québécois déclare souhaiter ramener la qualité de l’intervention auprès du patient au premier rang des préoccupations. C’est rassurant.