DOSSIER
PRISE EN CHARGE
Le dépistage et la surveillance de la dénutrition s’avèrent indispensables face aux risques qu’elle fait encourir aux sujets âgés. Elles s’effectuent, à l’hôpital ou en Ehpad, au travers d’outils spécifiques afin d’orienter au mieux les solutions de prise en charge.
Dans la plupart des cas, la dénutrition s’aggrave au cours de l’hospitalisation, du fait du dépistage encore trop peu réalisé à ce jour, alors qu’il existe des critères simples et validés de diagnostic. Pour l’Association française des diététiciens nutritionnistes, cela est le plus souvent lié à un manque de formation de toutes les catégories de personnel
La Haute Autorité de santé (HAS) recommande un dépistage lors de chaque hospitalisation. La surveillance doit être plus fréquente chez les personnes à risques (voir encadré ci-dessous), en fonction de l’état clinique et de l’importance des situations à risque associées. D’autres auteurs suggèrent de peser les personnes âgées à l’entrée à l’hôpital, au moins une fois par semaine en court séjour, tous les quinze jours en soins de suite et réadaptation, et une fois par mois en soins de longue durée
Dans son travail sur la dénutrition en Ehpad, la Délégation territoriale des Yvelines
Le poids exprime l’état des réserves énergétiques de l’organisme. Il est idéalement obtenu chez le patient déshabillé, avec la vessie vide, si possible le matin à jeun. Il doit être évalué par rapport à une valeur de poids mesuré antérieurement pour pouvoir être interprété. Une perte de poids ≥ à 4 % est associée à une morbidité ou à une mortalité hospitalière plus élevées.
La HAS recommande de mesurer le poids :
– en institution : à l’entrée, puis au moins une fois par mois ;
– à l’hôpital : à l’entrée, puis une fois par semaine en court séjour, tous les quinze jours en soins de suite et de réadaptation, une fois par mois en soins de longue durée.
« La variation de poids est le critère le plus révélateur d’une dénutrition. C’est aussi la donnée qu’on a parfois le plus de mal à récupérer. Certains patients âgés ont des difficultés et annoncent le poids qu’ils avaient à 30 ans », remarque Magali Podevin, infirmière de l’Unité transversale de nutrition clinique (UTNC) de l’hôpital de Rangueil à Toulouse (31). Dans le meilleur des cas, la perte de poids s’évalue en comparaison du poids mesuré antérieurement. À défaut, elle est évaluée en comparaison avec le poids habituel déclaré. En cas de pathologie aiguë, le poids de référence est celui connu avant le début de la maladie.
L’IMC est le rapport poids (en kg)/taille2 (m2). « Certains experts remettent en cause l’IMC chez les personnes âgées », reconnaît le Professeur Pierre Dechelotte, chef du service de nutrition clinique du CHU de Rouen. L’idéal est effectivement une taille correctement mesurée, mais il vaut mieux utiliser la taille déclarée sur la carte d’identité (même si elle date de vingt ans) plutôt que de ne pas noter de taille ou d’IMC. » En effet, « dans la formule de l’IMC, poids/taille2, la taille est exprimée en mètres, donc une erreur, même de 5 cm, sur la taille mise au carré ne change pas beaucoup le résultat. Ce serait une mauvaise raison de ne pas calculer l’IMC », ajoute le spécialiste. Un IMC ≤ 21 est un indicateur de dénutrition chez le sujet âgé, mais un IMC > 21 ne signifie pas qu’il n’y a pas de dénutrition. « C’est d’autant plus vrai à l’heure où une bonne partie de la population développe un surpoids. Avec des seniors qui ont été en surpoids, voire obèses, et qui commencent à perdre du poids, l’IMC peut facilement rester normal de façon prolongée alors que la perte de poids est significative », continue-t-il.
L’albumine est le marqueur nutritionnel le plus ancien et le plus couramment utilisé. Une albuminémie < 35 g/l est un critère de dénutrition (HAS). Toutefois, une hypoalbuminémie peut être due à une pathologie indépendante de l’état nutritionnel, notamment à un syndrome inflammatoire. Le dosage des protéines C-réactives est donc recommandé pour évaluer l’état inflammatoire.
L’albuminémie permet aussi de distinguer une dénutrition par carence d’apports (albumine normale) d’une dénutrition associée à un syndrome inflammatoire ou à un hypercatabolisme (albuminémie basse).
Le MNA est un questionnaire développé en 1991 pour l’évaluation du risque de dénutrition chez les personnes âgées. Le questionnaire complet comporte 18 items se rapportant à des données de l’interrogatoire et à la mesure de paramètres anthropométriques simples. Une version courte pose six questions sur l’appétit, la perte de poids, la motricité, le stress, les problèmes neuro-psychologiques et l’indice de masse corporelle. Ce « MNA court » est utilisé pour le dépistage de la dénutrition (voir encadré ci-contre).
La prise en charge vise la cause de la dénutrition (anomalies dentaires, arthrose…) ; la dénutrition en elle-même (augmentation des apports énergétiques…) ; et, si nécessaire, l’organisation d’une assistance pour le quotidien (aide durant les repas…).
> Objectifs généraux :
– maintenir ou augmenter le poids et la masse maigre ;
– améliorer le bilan biologique sanguin ;
– augmenter l’activité physique et la force musculaire.
> Objectifs spécifiques :
– favoriser et adapter l’alimentation orale ;
– augmenter et améliorer les apports ;
– augmenter les apports hydriques ;
– améliorer la qualité de vie et l’autonomie.
Elle repose sur une évaluation personnalisée des capacités de mastication et de déglutition du patient à s’alimenter et sur la formulation d’un plan d’alimentation adapté à ces capacités. Il est préférable, dans la mesure du possible, de corriger au préalable les facteurs de dénutrition (suppression de régime, soins bucco– dentaires, aide aux repas, traitement des pathologies…). Souvent, des compléments nutritionnels hypercaloriques et hyperprotidiques sont introduits d’emblée dans l’alimentation.
Un rythme de trois repas suffisamment espacés et une ou deux collations par jour est recommandé. L’alimentation doit être diversifiée et comprendre cinq portions de fruits et légumes par jour, des féculents à tous les repas, des aliments riches en protéines au moins deux fois par jour et des produits laitiers trois fois par jour. Le petit déjeuner est, en général, bien apprécié. Autant en faire un repas copieux et varié.
Les collations :
– dans la matinée : jus de fruits, complément alimentaire…
– au goûter : laitage, biscuits…
– dans la soirée : tisane, lait, biscuits…
Une période de jeûne nocturne supérieure à douze heures expose à un risque d’hypoglycémie, de malaise et de chute le matin. Cette période peut être réduite en avançant l’heure du petit déjeuner, en retardant l’horaire du dîner ou en proposant une collation le soir. En cas de réveil nocturne, une petite collation (fruit, laitage, compote…) peut aussi aider à retrouver le sommeil.
Des produits alimentaires courants hautement énergétiques et/ou protidiques tels les œufs, le fromage râpé, le lait en poudre, l’huile, le beurre, la crème fraîche permettent d’augmenter la densité nutritionnelle des plats sans en augmenter le volume. Le déjeuner doit rester structuré : entrée, plat, fromage et dessert. Il doit apporter des protéines (viande ou poisson ou œufs). Le dîner ne doit pas se limiter à une soupe légère, un fromage blanc et une compote. Des produits céréaliers (pâtes, riz, semoule…) rechargent l’organisme en glucides complexes pour la nuit et permettent souvent un meilleur sommeil. Certains ingrédients ajoutés dans les plats permettent d’apporter un supplément de calories et/ou de protéines :
– la poudre de lait ou le lait concentré entier : 3 cuillères à soupe (20 g) apportent environ 8 g de protéines ;
– la poudre de protéines (1 à 3 cuillères à soupe par jour) : 1 cuillère à soupe (5 g) dans 150 ml de liquide ou 150 g de purée apporte approximativement 5 g de protéines ;
– le fromage râpé ou le fromage fondu type crème de gruyère : 20 g de gruyère apportent environ 5 g de protéines, ou 1 crème de gruyère de 30 g pour 4 g de protéines ;
– les œufs : 1 jaune d’œuf apporte 3 g de protéines ;
– la crème fraîche épaisse : 1 cuillère à soupe (25 g) pour un apport d’à peu près 80 calories ;
– le beurre fondu ou l’huile : 1 cuillère à soupe (environ 10 g) apporte de 75 à 90 calories.
Il existe aujourd’hui une grande variété de produits, tant au niveau des formules, des saveurs que des textures : liquides, crèmes, lactés, avec ou sans fibres, potages, jus de fruits, crèmes, céréales instantanées, purée de fruits… Les produits hyperénergétiques et hyperprotidiques sont souvent les plus efficaces pour augmenter les apports alimentaires. Ces produits sont mieux utilisés lorsqu’ils tiennent compte des goûts du patient et que la texture est adaptée, avec des saveurs variées. Ils ne doivent pas être pris à la place d’un repas, mais en complément des repas (même s’ils sont pris pendant ceux-ci). Leur consommation deux heures avant ou après un repas permet de préserver l’appétit. Les compléments nutritionnels oraux visent un apport alimentaire supplémentaire de 400 kcal/jour et/ou de 30 g/jour de protéines. Ce qui nécessite deux prises par jour. Ces produits doivent être présentés comme un traitement de la dénutrition, afin d’inciter les personnes à les consommer.
Lorsque la prise en charge nutritionnelle orale ne suffit pas à couvrir les besoins nutritionnels, la question d’une alimentation par voie entérale se pose. Elle doit avoir un sens dans le projet thérapeutique global et tenir compte de l’avis du malade ou de son entourage. La nutrition entérale est indiquée en cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle orale ou en première intention, en cas de troubles sévères de la déglutition ou de dénutrition sévère avec apports alimentaires très faibles. La nutrition entérale peut être utilisée provisoirement jusqu’au retour d’une alimentation orale satisfaisante. La démarche doit être expliquée. « Outre un rôle de surveillance de la compliance du patient au traitement, l’infirmière a un rôle d’explication et d’accompagnement de ce dernier et de sa famille, rappelle Pierre Dechelotte. Il faut expliquer que la pose d’une sonde ne signifie pas que le patient est moribond, que ce n’est pas synonyme de soins palliatifs, au contraire. C’est un soin actif, simple et bien toléré. Quand la démarche est bien expliquée, les choses se passent bien. D’autant que le patient perçoit rapidement l’intérêt de ce mode de nutrition, au bout de quelques jours. Pour cela, il faut également que le soignant soit convaincu. » L’HAS recommande que des réévaluations soient faites lors de chaque renouvellement de prescription. Elles comprennent : le poids et l’état nutritionnel, l’évolution de la pathologie, la tolérance de la nutrition entérale, l’observance de la nutrition entérale, l’évaluation des apports alimentaires oraux, le cas échéant. En l’absence de complications, la nutrition entérale peut ensuite être poursuivie à domicile. Sa mise en place et son suivi sont effectués par un prestataire de service spécialisé. Si le patient ou son entourage ne peuvent prendre en charge la nutrition entérale, ils sont aidés par une infirmière à domicile ou par un service de HAD.
L’apport nutritionnel administré par voie veineuse ne fait pas partie des modalités habituelles de prise en charge de la dénutrition dans un contexte gériatrique. Son recours reste exceptionnel et indiqué dans :
– les malabsorptions sévères anatomiques ou fonctionnelles ;
– les occlusions intestinales aiguës ou chroniques ;
– l’échec d’une nutrition entérale bien conduite (mauvaise tolérance).
Elle est mise en œuvre dans des services spécialisés et dans le cadre d’un projet thérapeutique. Il n’y a pas de mesure spécifique à la personne âgée.
L’activité physique potentialise l’effet d’une prise en charge nutritionnelle et permet de maintenir la force musculaire et de stimuler l’appétit. C’est un facteur logique de l’état nutritionnel, qui repose sur l’équilibre entre les entrées et les sorties énergétiques. « Dans le cas de la dénutrition, à la différence de l’obésité, l’enjeu n’est pas de faire brûler des calories, mais de stimuler la synthèse protéique, de lui redonner de l’autonomie, et de renforcer l’efficacité de la renutrition, explique Pierre Dechelotte. Le réentraînement physique chez la personne âgée dénutrie fait partie de la thérapeutique, en parrallèle de la renutrition. Faire marcher un sujet âgé qui sort d’un épisode aigu sans prise en charge nutritionnelle ne ferait que le fragiliser encore plus. » L’idée qu’une personne âgée mange peu parce qu’elle a peu d’activités doit être remplacée par le raisonnement inverse : elle bouge peu parce qu’elle manque de carburant. Associée à la prise en charge nutritionnelle, l’activité physique stimule le métabolisme, renforce l’efficacité de la renutrition et limite la perte de la masse osseuse.
Les comités de liaison alimentation et nutrition (Clan) sont constitués de médecins, de directeurs administratifs, de cadres de santé, de diététiciens, de pharmaciens, d’infirmiers et d’aides-soignants. Ces structures ont pour mission d’améliorer la prise en charge nutritionnelle des malades et la qualité de l’ensemble de la prestation alimentation/nutrition par la mobilisation du corps médical et soignant, l’aménagement des locaux, des circuits et des équipements. Ils participent, entre autres, à la définition des actions prioritaires à mener et fournissent un appui méthodologique aux différents professionnels. Les Clan travaillent en étroite collaboration avec les services de diététique et les unités transversales de nutrition clinique.
En 2008, huit UTNC ont été mises en place à titre expérimental dans les CHU de Caen, Lille, Rouen, Toulouse, Joffre-Dupuytren (AP-HP), Lyon, Nancy, et à l’hôpital Necker de l’AP-HP. Souvent présentées comme le « bras armé » des Clan, les UTNC aident les services à mettre leurs recommandations en place. Leur objectif est d’optimiser la prise en charge nutritionnelle individuelle des patients, pendant l’hospitalisation puis selon les besoins, au-delà de la sortie de l’hôpital (voir encadré p. 40). Un bilan de l’activité des UTNC pilotes a été produit (non publié à l’heure où nous imprimons). Il semble que la mise en place de ces unités a permis une très nette progression dans le taux de repérage, de prise en charge et de codage (important pour l’établissement) de la dénutrition.
1– « La démarche de soin diététique. De la théorie à la pratique », Association française des diététiciens nutritionnistes, mars 2011.
2– « Évaluation du programme national nutrition santé PNNS 2 », Inspection générale des affaires sociales (Igas), avril 2010.
3– « Nutrition de la personne âgée »
4– « Prévention de la dénutrition et qualité de la nutrition en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes », Délégation territoriale des Yvelines, mars 2011.
La présence d’un seul des critères suivants suffit à évoquer un risque de dénutrition
→ revenus financiers insuffisants ;
→ perte d’autonomie physique ou psychique ;
→ veuvage, solitude, état dépressif ;
→ problèmes bucco-dentaires ;
→ régimes restrictifs ;
→ troubles de la déglutition ;
→ consommation de 2 repas par jour seulement ;
→ constipation ;
→ prise de plus de 3 médicaments par jour ;
→ perte de 2 kg dans le dernier mois ou de 4 kg dans les 6 derniers mois ;
→ albuminémie < 35 g/l ou cholestérolémie < 1,60 g/l ;
→ toute maladie aiguë sévère.
1– « Livret d’accompagnement destiné aux professionnels de sante », Inpes, septembre 2006.
→ Cette version courte du Mini Nutritional Assessment (évaluation) est un outil recommandé par la HAS pour le diagnostic de dénutrition.
A. Le patient présente-t-il une perte d’appétit ? A-t-il mangé moins ces 3 derniers mois par manque d’appétit, problèmes digestifs, difficultés de mastication ou de déglutition ?
0 = anorexie sévère
1 = anorexie modérée
2 = pas d’anorexie
B. Perte récente de poids (< 3 mois) :
0 = perte de poids > 3 kg
1 = ne sait pas
2 = perte de poids entre 1 et 3 kg
3 = pas de perte de poids
C. Motricité :
0 = du lit au fauteuil
1 = autonome à l’intérieur
2 = sort du domicile
D. Maladie aiguë ou stress psychologique lors des 3 derniers mois :
0 = oui
2 = non
E. Problèmes neuropsychologiques :
0 = démence ou dépression sévère
1 = démence ou dépression modérée
2 = pas de problème psychologique
F. Indice de masse corporelle (IMC = poids/(taille)2 en kg/m2)
0 = IMC < 19
1 = 19 ≤ IMC < 21
2 = 21 ≤ IMC < 23
3 = IMC ≥ 23
Score de dépistage :
→ 12 points ou plus : normal. Pas besoin de continuer l’évaluation.
→ 11 points ou moins : possibilité de malnutrition. L’évaluation doit être prolongée par le MNA complet.
Magali Pons, cadre de santé diététique, et Zahia Hamdoud, cadre du département des soins de support à l’Institut de cancérologie Gustave-Roussy de Villejuif (94), décrivent les modalités d’accompagnement de patients atteints d’un cancer.
En cancérologie, la dénutrition n’est pas systématique, mais dépend du type de cancer et de l’état nutritionnel du patient au moment du diagnostic. Des pertes de poids importantes sont fréquentes au cours des cancers très anorexigènes, comme ceux de l’œsophage ou de l’estomac. Quel que soit le cancer, trois phénomènes sont en cause : une sensation de satiété précoce après quelques bouchées, des nausées à la simple vue de l’alimentation, une perte ou des modifications du goût et des odeurs.
d’une radiothérapie jusqu’à l’obtention d’un meilleur état nutritionnel.
Effets indésirables des traitements
La chimiothérapie provoque des troubles digestifs (anorexie, nausée, vomissement, altération du goût et de l’odorat), et une atteinte des épithéliums des voies digestives à l’origine, entre autres, de mucite, diarrhées, malabsorption digestive.
Les effets des radiothérapies varient en fonction du site irradié, de la dose administrée et du débit de dose. Les effets les plus fréquents sont : altération du goût et de l’odorat, dysphagie, mucite, stomatite, oesophagite, anorexie, nausée, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées, voire entérite (ultérieurement fistules, sténoses, occlusion).
Le cancer est une maladie chronique et sa prise en charge implique plusieurs étapes successives de traitements. En cas de dénutrition chez une personne âgée, il n’est pas toujours possible de récupérer entre les différentes étapes ou en fin de traitement.
Les objectifs de la prise en charge nutritionnelle
La prise en charge de l’état nutritionnel et son amélioration permettent au patient de mieux résister aux toxicités du traitement, et de se sentir moins fatigué (ce qui est fréquent), avec une meilleure activité physique. C’est un soin à part entière, qui participe à l’amélioration de sa qualité de vie et au succès de la prise en charge.
La majeure partie des patients bénéficient d’une alimentation orale où les compléments nutritionnels sont assez fréquents. Tant que le patient est capable de manger, la voie orale est privilégiée.
Les diététiciennes donnent des conseils alimentaires adaptés aux habitudes et aux capacités (de mastication, par exemple) du patient.
Accompagner la nutrition artificielle
La nutrition entérale (NE) est utilisée à différents degrés :
– transitoirement, pour retrouver rapidement un meilleur statut nutritionnel. La NE apporte une certitude sur le réel apport nutritif en termes de protéines, lipides et glucides ;
– la nutrition entérale peut être progressivement abaissée quand le patient recommence à manger. Les deux modes de nutrition sont alors associés, et il est important que le patient garde l’habitude de s’alimenter par la bouche. La nutrition entérale est aussi un moyen de relancer l’appétit du patient ;
– quand l’alimentation orale apporte suffisamment d’aliments, la sonde est enlevée.
L’éducation et l’accompagnement du patient sont essentiels pour la réussite de la prise en charge. L’infirmière doit expliquer le geste technique. Les patients ont besoin d’être rassurés, de comprendre l’intérêt du soin, et de savoir comment ça va se passer.
L’alimentation parentérale est envisagée quand le tube digestif n’est pas fonctionnel, en présence de problèmes de malabsorption sévères, après une chirurgie digestive. Comme la NE, la nutrition parentérale doit être accompagnée et évaluée.
Une vigilance accrue
Le cancer expose la personne âgée à un risque de dénutrition qui entraîne, pour les soignants, une surveillance accrue de l’état nutritionnel (poids, variation du poids et IMC). La dénutrition doit être une préoccupation permanente, au même titre que la douleur. En cas de dénutrition constatée par une perte de poids, l’infirmière doit alerter le médecin traitant, mais aussi le service d’oncologie qui traite le cancer, pour une prise en charge ciblée.
L’Unité transversale de nutrition clinique (UTNC) au CHU de Toulouse vient en appui aux services de soin pour une meilleure prise en charge de la dénutrition. Explications d’Anne Ghisolfi, gériatre, Monelle Bertrand, endocrinologue, Magali Podevin, infirmière, et Sophie Frazao, diététicienne
La prévalence de la dénutrition est élevée chez le patient hospitalisé (30 % des patients). Le sujet âgé est particulièrement exposé : plus d’un sujet âgé sur deux présente une dénutrition à son entrée à l’hôpital. Les facteurs de risque de dénutrition que constituent l’hospitalisation et la maladie viennent en effet s’ajouter aux conséquences propres du vieillissement sur l’état nutritionnel. À l’hôpital, l’UTNC intervient à tous les stades de la prise en charge.
Lors du dépistage
Le dépistage de la dénutrition chez le patient hospitalisé est défini par un cadre réglementaire : il doit être fait, pour tous les patients, dans les 48 ? heures suivant leur admission à l’hôpital. Les infirmières jouent un rôle clé dans ce dépistage.
Plusieurs actions de l’UTNC visent à améliorer la démarche au niveau institutionnel en mettant à disposition des services demandeurs des actions de formation et des outils facilitant l’évaluation de l’état nutritionnel.
Sur le plan de la prise en charge
Le rôle des infirmières des services est, ici aussi, majeur. Elles assurent la transmission de l’information aux équipes médicales, qui, en prescrivant une consultation diététique assurée par les diététiciens du service, déclenchent la prise en charge du patient dénutri. L’UTNC est sollicitée pour donner un avis dans les situations de dénutrition sévère ou lors d’une indication de nutrition artificielle si le service n’est pas doté d’un médecin ayant une compétence en nutrition artificielle. L’infirmière s’assure par ailleurs de la mise en place des mesures diététiques ou nutritionnelles prescrites.
Pour le suivi post-hospitalisation
La prise en charge nutritionnelle doit être prolongée à domicile, car le temps de l’hospitalisation ne suffit souvent pas. Pour cela, l’UTNC travaille sur la valorisation de la traçabilité dans les courriers, garante de ce suivi. Un parcours de soins doit être prévu, conformément aux recommandations de la HAS. La transmission de l’information par l’infirmière du service est également indispensable. L’UTNC du CHU de Toulouse propose aussi des consultations externes après l’hospitalisation, mais chaque unité de nutrition a un fonctionnement qui lui est propre dans le cadre de l’expérimentation mise en place en 2008.