FIN DE VIE
ACTUALITÉ
Le rapport de la mission Sicard révèle les carences du système de soins français, qui n’anticipe pas les situations de fin de vie et peine à accompagner les patients.
Des centaines d’auditions, des dizaines de débats publics et un constat : huit ans après la loi dite « Leonetti », les droits des patients en fin de vie sont encore loin d’être respectés. Chargé par François Hollande de mener une réflexion sur la fin de vie, le Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a dressé un sévère état des lieux dans son rapport, rendu le 18 décembre.
Au centre des critiques, l’hôpital, qui « capte » près de 60 % des décès
Ces décisions ont été arrêtées sans discussion préalable avec le patient, pourtant « en capacité de participer », dans plus de 20 % des cas ; sans concertation avec l’équipe médicale dans 37 % des cas ; et sans associer la famille dans près de la moitié. Par ailleurs, seuls 2,5 % des patients avaient rédigé des directives anticipées, que les médecins doivent consulter. La mission souhaite que celles-ci deviennent « souveraines » et qu’une campagne d’information majeure soit menée. « La parole des Français doit être entendue. Leur fin de vie doit leur appartenir », a insisté Didier Sicard.
En matière de sédation, la mission estime qu’il faut aller plus loin que la loi Leonetti : celle-ci admet qu’un traitement visant à soulager les douleurs ait pour effet secondaire non recherché de hâter le décès, en permettant la sédation terminale profonde. Ainsi, « lorsqu’une personne demande à interrompre tout traitement, y compris l’alimentation et l’hydratation artificielles, il serait cruel de la « laisser mourir » ou de la “laisser vivre” », explique le document.
Mais, pas question de franchir « la frontière » en dépénalisant l’euthanasie. Si, dans un récent sondage, 89 % des Français se sont dits favorables, dans les faits, la demande est rare. Selon l’étude de l’Ined, les demandes explicites représentent 1,8 % des décès. Quant au suicide assisté
1- « Où meurt-on en France ? Analyse des certificats de décès (1993-2008) », décembre 2012, Bulletin épidémiologique hebdomadaire.
2- « Les décisions médicales en fin de vie », novembre 2012, Institut national des études démographiques.
3- Les médicaments sont prescrits par le médecin, mais c’est le patient qui décide de les prendre.
Le rapport de la mission Sicard évoque peu les infirmières. « Dans les débats publics, ce sont les médecins qui ont été pointés du doigt : hypertechnicisation de la médecine, négation complète des questions éthiques, défaut majeur de formation », justifie le Pr Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie et membre de la mission. « Les infirmières participant au débat ont témoigné de leurs difficultés à appréhender les questions de fin de vie, notamment en raison du hiatus entre leur formation et la réalité, et de l’organisation du système de soins, dans laquelle elles sont des exécutantes », développe le spécialiste. Selon lui, la proximité des soignantes avec les patients doit les amener à prendre part aux décisions de fin de vie, en donnant leur avis aux médecins. « L’infirmière contribue à la connaissance de la personne, à évaluer sa qualité de vie, son projet de fin de vie. Elle doit comprendre qu’elle n’est pas là que pour les gestes techniques. »