L'infirmière Magazine n° 315 du 15/01/2013

 

FORMATION CONTINUE

LE POINT SUR

Complication la plus fréquente du diabète de type 2, le pied diabétique nécessite une prise en charge pluridisciplinaire.

Le patient reçoit des soins en vue de maîtriser l’infection et de revasculariser le membre. Il reste ensuite primordial de surveiller l’évolution de la plaie.

LA PATHOLOGIE

Le pied diabétique est l’ensemble des lésions cutanées et ostéo-articulaires localisées au niveau du pied. Elles englobent l’infection, l’ulcération ou la destruction des tissus. Les plus caractéristiques sont le mal perforant plantaire (unique, multiple, avec ou sans infection) et les lésions ischémiques aigües chroniques, d’origine artérielle le plus souvent, et qui s’accompagnent d’un risque élevé d’amputation.

Épidémiologie

Responsable de près de 36 000 hospitalisations en 2003 (+ 8,8 % /an depuis 1997), le pied diabétique est un problème majeur de santé publique en France. La mortalité immédiate est de 9 % et la mortalité à cinq ans, de plus de 50 %. L’incidence des amputations est quatorze fois plus importante que dans la population non diabétique : 52 % des amputations concernent un patient diabétique. Chez les diabétiques, 38 % des amputations concernent les orteils, 24 % les pieds, 21 % la jambe et 31 % la cuisse. Les lésions surviennent majoritairement à partir de 60 ans.

Physiopathologie

Le pied diabétique résulte de trois mécanismes ­pouvant être imbriqués :

→ La neuropathie sensitive est le facteur principal de plaie chronique du pied diabétique. L’hypoesthésie supprime les symptômes d’alerte, comme la douleur. L’apparition du pied diabétique est favorisée par les traumatismes du pied, principalement suite à un chaussage inadapté. Le stade ultime est le pied de Charcot (ostéo-arthropathie).

→ L’atteinte vasculaire ou artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) touche les gros vaisseaux (macroangiopathie). Elle est diffuse, distale (entre le genou et la cheville), généralement silencieuse et de découverte tardive. L’ischémie qui en résulte fragilise la peau et génère un risque infectieux pouvant conduire à la gangrène.

→ L’infection due à la dépression immunologique du diabétique. Ce risque est aggravé par le déséquilibre glycémique.

Facteurs de risque

L’âge (supérieur à 40 ans), l’ancienneté du diabète (supérieur à dix ans), la présence de déformations du pied, le degré d’atteinte neurologique, la présence d’une AOMI conditionnent l’apparition du pied diabétique. Les antécédents d’amputation, le déséquilibre glycémique (HbA1c élevée), le tabac, les conditions socio-économiques et les facteurs ethniques induisent des risques.

Signes cliniques

Les atteintes vasculaires et neurologiques évoluent le plus souvent silencieusement. Dans 15 % des cas, la neuropathie est douloureuse et insomniante.

→ Le pied diabétique peut débuter par quatre types de lésions : le durillon (traduisant un hyper-appui plantaire), l’intertrigo interdigital (porte d’entrée infectieuse), l’érythème latéral du pied (provoqué par un frottement répété de la chaussure), l’onycho– dystrophie. Sans traitement rapide ou lorsque les atteintes vasculaires et neurologiques sont trop importantes, la lésion évolue et peut s’infecter.

→ Le mal perforant plantaire, localisé généralement sur la partie antérieure de la plante du pied sous les têtes des métatarsiens ou sur la pulpe des orteils, débute par une vésicule inflammatoire s’ouvrant ensuite à l’extérieur. L’ulcération résultante, atone et indolore, entourée de lésions kératosiques, peut atteindre les structures osseuses.

Diagnostic

→ Neuropathie sensitive : diagnostic par l’utilisation du monofilament de Semmes-Weinstein.

→ Artériopathie : par la recherche de l’abolition des pouls distaux.

→ Déformations du pied et des troubles de la statique à la marche : par un examen clinique.

→ Mal perforant plantaire : par un examen à l’œil nu. L’exploration avec un stylet boutonné métallique stérile permet d’apprécier l’extension en profondeur.

→ Infection : par la recherche d’un érythème chaud autour de l’ulcère ou d’un écoulement suspect.

Plusieurs classifications permettent d’identifier la gravité d’une plaie de pied diabétique : classification PEDIS, classification de l’infection du Consensus international (grade 1 à 4) ; classification de l’université du Texas (profondeur de la plaie, infection, ischémie). D’autres examens peuvent compléter le diagnostic clinique : radiographie, écho-doppler artériel, prélèvement bactériologique, scanner ou IRM, artériographie et mesure de la pression transcutanée en O2.

LES TRAITEMENTS

Stratégie thérapeutique

La prise en charge doit être globale, avec une approche multidisciplinaire. Les grands axes sont :

→ La mise en décharge de la plaie, par le port de chaussures de décharge (chaussures de Barouk, déchargeant l’avant-pied ; Sanital, déchargeant l’arrière-pied), l’alitement, les cannes, le fauteuil roulant…

→ La maîtrise de l’infection, grâce à des soins très précoces de la plaie et, au besoin, une antibiothérapie probabiliste, adaptée ensuite à l’antibiogramme.

→ La revascularisation, qui permet de sauver les membres de l’amputation en cas d’ischémie (angioplastie avec ou sans pose de stent, pontage).

→ Les soins locaux, réalisés par une infirmière, pour surveiller l’infection : lavage du pied au savon ; nettoyage de la plaie au sérum physiologique ; méchage si la lésion est profonde ; décapage au bistouri des lésions kératosiques, de la fibrine. Le choix du pansement est réalisé en fonction de l’importance de l’atteinte infectieuse et du caractère exsudatif.

En cas d’ulcère profond non infecté, il est possible de proposer un traitement par pression négative. Pour compléter le pansement, on traitera les mycoses éventuelles et l’on appliquera une crème nourrissante.

Prévention

Des mesures simples permettent d’éviter la survenue d’ulcérations du pied :

– une toilette quotidienne des pieds, avec un séchage soigneux, en insistant entre les orteils ;

– un examen à l’aide d’un miroir ou par une tierce personne pour détecter les lésions, ou l’apparition de cors, fissures, durillons ;

– une hydratation régulière ;

– le port d’orthèses plantaires, de chaussures adaptées.

Il existe un plan de prise en charge du patient diabétique. Il inclut l’éducation thérapeutique podo– logique, le soin des ongles, le traitement de l’hyperkératose, la fourniture de semelles ou de chaussures sur mesure. Des soins de pédicurie sont à conseiller, sachant que l’assurance maladie les prend en charge (quatre à six soins par an selon le grade du risque podologique) et qu’il vaut mieux les faire pratiquer par un pédicure formé au pied diabétique.

NEUROPATHIE SENSITIVE

Test de sensibilité

Le diagnostic de la neuropathie sensitive est réalisé à l’aide du monofilament de Semmes-Weinstein. C’est un monofilament de nylon de calibre 5,07 qui, lorsqu’il se courbe sur la peau, correspond à une application de 10 g.

→ Tenir le filament perpendiculaire à la peau, et la toucher légèrement jusqu’à ce que le fil se torde.

→ Appuyer sur des zones au hasard en respectant les points rouges de l’image.

→ Le patient doit signaler qu’il ressent le filament.

DÉFINITIONS

→ Intertrigo : inflammation de la peau au niveau des plis cutanés favorisée par la transpiration, l’obésité ou l’hygiène déficiente.

→ Onychodystrophie : c’est un trouble de la croissance de l’ongle caractérisé par une lésion de la structure.

Articles de la même rubrique d'un même numéro