L'infirmière Magazine n° 316 du 01/02/2013

 

NÉONATALOGIE

ACTUALITÉ

En quarante ans, près de 30 millions de bébés ont été dépistés. Plus de 18 000 ont ainsi pu être diagnostiqués et pris en charge avant que la maladie ne fasse son œuvre.

Marion, 28 ans, est ingénieure dans l’aéronautique. Mariée, la jeune femme envisage d’avoir un enfant. Elle doit cette vie heureuse à une petite goutte de sang qui, trois jours après sa naissance, a permis de diagnostiquer une phénylcétonurie (PCU). Cette maladie provoque un retard mental chez l’enfant si elle n’est pas traitée à temps. Quarante ans après la généralisation, en France, du test de Guthrie, qui permet de détecter la PCU, l’AFDPHE(1) a dressé le bilan – plus que positif – du dépistage néonatal, lors d’un colloque, le 10 janvier, à Paris. Sur les 30 millions de bébés dépistés depuis 1972, plus de 18 000 ont pu être pris en charge avant l’apparition des premiers signes cliniques, à l’origine de lourdes séquelles. Cinq maladies sont aujourd’hui systématiquement recherchées : la PCU (1972), l’hypothyroïdie congénitale (1978), la drépanocytose (1989), l’hyperplasie congénitale des surrénales (1995) et la mucoviscidose (2002).

Extension

La surdité congénitale devrait bientôt s’ajouter à la liste. Entérinée par un arrêté en avril dernier, la généralisation de ce dépistage « sans goutte de sang » a été retardée. Il est contesté par une partie de la communauté des sourds, qui craignent de se voir imposer l’implantation d’un appareillage. Revendiquant une culture et un langage propres, ils refusent d’être « réparés ». « Il faut dissocier la question du dépistage de celle de l’implantation, et convaincre qu’il est utile, quelle que soit la modalité de prise en charge, a insisté le Pr Dauman, oto-rhino-laryngologue au CHU de Bordeaux. Comme pour tous les dépistages, les parents auront le droit de refuser(2), a-t-il rappelé. La généralisation du dépistage de la drépanocytose(3) semble faire, elle, l’unanimité. Touchant essentiellement les personnes originaires d’Afrique, des Antilles, de la Guyane et de la Réunion, la maladie n’est dépistée, en métropole, que chez les nouveau-nés dont les parents viennent d’un pays à risque. « Avec les migrations de population et le développement des mariages mixtes, le dépistage ciblé n’a plus lieu d’être », a relevé le Dr Josiane Bardakdjian-Michau, du CHU de Créteil. D’autant plus que les soignants hésitent parfois à demander l’origine des parents et prélèvent « en fonction du nom et de la couleur de la peau, ce qui est discriminatoire ». Mais, aux enjeux éthiques, s’opposent les enjeux économiques : la généralisation du dépistage coûterait trois plus cher, alors que les erreurs de ciblage sont faibles. La HAS rendra son avis cette année.

1– Association française pour la prévention et le dépistage des handicaps de l’enfant

2– En 2011, pour plus de 840 000 bébés dépistés, seuls 99 refus ont été recensés.

3– Lire le Dossier formation p. 33.