COOPÉRATIONS LOCALES
DOSSIER
Le face-à-face qui oppose nationalement hôpitaux et cliniques se transforme parfois, sur le terrain, en une offre de soins réalisée main dans la main. Pour le meilleur, mais, quelquefois, pour le pire…
Opposés au niveau national pour des raisons financières et politiques, public et privé à but lucratif « travaillent en bonne intelligence » dans nombre de territoires, selon Cédric Lussiez, de la Fédération hospitalière de France. « Avec la démographie médicale, la guerre des secteurs est un luxe qu’on ne peut pas se permettre. » Selon Jean-Loup Durousset, de la Fédération de l’hospitalisation privée, il existe 130 à 140 projets locaux de coopération. Permettant par exemple d’harmoniser les pratiques, relève la Cour des comptes dans un rapport de septembre 2011
Neurochirurgie à Nîmes, imagerie à Saint-Étienne, alliance public-privé à Lunel ou, dès 2002, à Carpentras… Certains de nos interlocuteurs ont cité des exemples de partenariats – à leurs yeux – réussis. Mais Jean-Loup Durousset a aussi admis « qu’une vingtaine de coopérations piétinent, quand les acteurs se braquent ». D’autres ont séché devant la question. L’un a évoqué Fontainebleau. Mais ce projet, au mieux, ne fait pas l’unanimité
D’après cette juridiction, la répartition des activités entre établissements publics et structures privées « n’aboutit pas nécessairement à un équilibre satisfaisant et durable ». Au privé ce qui est rentable, et le reste de l’activité au public, comme le dénoncent certains ? On imagine sans mal que cette répartition puisse donner lieu à des discussions complexes entre établissements. Quant au partage des éventuels risques économiques ou financiers, il se fait le plus souvent au détriment de l’hôpital. Pour ce dernier, l’équilibre dépend « des loyers versés par son partenaire. Or, celui-ci peut entrer en mauvaise fortune, voire cesser ses activités avant le terme du plan de financement. » La répartition des coûts aussi peut être inégale. À Dinan, la polyclinique participe pour 26 % à l’investissement, mais occupe 80 % de l’espace du nouveau bâtiment.
Le bâtiment neuf de la polyclinique, lié par un couloir à l’hôpital, a coûté 30 millions d’euros. « La question immobilière est importante d’un point de vue comptable et juridique, admet Dominique Penhouët, directeur-adjoint de l’offre de soins à l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne. Mais, ce qui l’est davantage, c’est que l’activité médicale s’y développe en tenant compte de l’investissement collectivement consenti, en évitant les doublons » dans cette ville de 11 000 habitants. En fait, c’est une question de choix. « Cet argent aurait pu être investi ailleurs, pour renforcer l’activité de la chirurgie publique », déplore Bernard Mahé, infirmier à l’hôpital et membre de la CGT. Qui dénonce aussi le caractère « assez dérisoire » du loyer payé par la clinique. « Voilà quinze-vingt ans, il y avait trois cliniques à Dinan, et l’hôpital comptait 120 lits en chirurgie (viscérale et orthopédique). Cela correspondait à un besoin, comme cela correspond à des besoins aujourd’hui, retrace Christian Bougis, permanent FO, syndicat majoritaire à l’hôpital. Puis, l’on a appauvri la chirurgie publique, à 80, 60, puis 20 lits. On entendait alors dire que 20 lits, ce n’était pas viable, pas attractif pour de jeunes chirurgiens. La chirurgie publique a donc fermé… La clinique a développé la chirurgie, et l’hôpital, lui, a gardé les accouchements. » « Pour survivre, le public et le privé sont obligés de s’entendre », en a conclu un journal local
Les syndicats notent, toutefois, des points positifs. Pour la CGT, des activités se sont développées dans le public, également bénéficiaire d’une augmentation des effectifs. « Pour l’instant, la coopération nous a permis de garder une maternité, des urgences », souligne Christian Bougis. Mais plus tard ? L’inquiétude : que le groupe Vivalto, nouveau propriétaire de la polyclinique, renonce à son implantation dinannaise au profit, par exemple, d’un bloc opératoire renforcé à Saint-Malo. Que la polyclinique se retire de la coopération ? Qualifiant cette supposition « d’hypothèse » que « les partenaires actuels n’envisagent pas », Dominique Penhouët se veut rassurant. « L’ARS s’assure que les partenaires jouent le jeu. Je ne vois pas comment une clinique pourrait décider de s’exonérer unilatéralement d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, dans lequel cette coopération est inscrite. » Pour cinq ans.
À en croire les syndicats, un effort est aujourd’hui fait pour développer les liens, 100 % publics cette fois, avec des établissements proches
Pour les employés eux-mêmes
1– bit.ly/VRMNWb
2– 60 médecins ont signé une pétition contre la coopération public-privé : bit.ly/T8pPZn
3– Ouest-France, 15 ? décembre 2009.
4– Notamment, une externalisation des services de nettoyage et de restauration. La représentante CFDT, seul syndicat de la polyclinique, était aussi injoignable.
5– Les établissements publics de Dinan, Cancale et Saint-Malo forment une communauté hospitalière de territoire.
6– Plus de 1 000 à l’hôpital, 160 à la polyclinique.
La presse s’est largement fait l’écho des liens public-privé dans le domaine sanitaire à propos du partenariat public-privé (PPP) utilisé pour faire sortir de terre l’hôpital Sud-Francilien. Mais les coopérations existent aussi entre offreurs de soins eux-mêmes. La Cour des comptes recense 16 moyens, pour un hôpital, de coopérer. Avec un acteur privé, cette collaboration prend souvent la forme d’un groupement de coopération sanitaire. Dans ce cas, est créé un organisme doté de la personnalité morale « en vue de l’exercice de missions communes ». La coopération est alors dite institutionnelle. Elle est fonctionnelle si aucune entité dotée de la personnalité juridique n’est créée. Dans cette seconde catégorie, figurent les communautés hospitalières de territoires, entre hôpitaux publics. La loi HPST, qui visait à faire passer les coopérations « d’un statut d’outil pragmatique à celui d’instrument de planification majeure », n’a pas encore porté ses fruits, selon la Cour.