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IATROGÉNIE AU QUOTIDIEN
M. C., patient de 66 ans, présente des épisodes répétitifs de vertiges avec bourdonnements d’oreille, vision floue et douleur au niveau de la nuque. Les examens cardiaque et ORL demandés par son médecin traitant apparaissent normaux. Seul antécédent, une hypertension artérielle traitée par Celectol 200 mg (Céliprolol) et Lercan 10 mg (Lercanidipine).
L’interrogatoire a révélé que les vertiges étaient brefs (1 à 2 secondes), tous suivis d’une syncope, et qu’ils survenaient seulement le matin.
L’examen de l’ordonnance de son médecin traitant a montré que M. C. était aussi traité par Omix LP 0,4 mg (Tamsulosine LP) pour une hypertrophie bénigne de la prostate, à raison d’un comprimé à la fin du petit-déjeuner.
L’effet indésirable majeur de l’Omix est l’hypotension orthostatique, pouvant conduire à des syncopes. Cet effet est potentialisé par l’antihypertenseur antagoniste du calcium (Lercan) que prend M. C. au moment du petit-déjeuner. De plus, le Lercan a un effet hypotenseur potentialisé si on l’associe à un bêta-bloquant tel que le Celectol(r), qui se prend, de préférence, avant le petit-déjeuner.
Ainsi, ces 3 comprimés pris le matin avant 9 heures ont potentialisé leurs effets hypotenseurs jusqu’en début d’après-midi. On est donc ici en présence d’une hypotension orthostatique iatrogénique.
La tamsulosine est un alpha-bloquant dont les propriétés provoquent une relaxation du muscle lisse de la prostate et de l’urètre.
Elle augmente le débit urinaire et améliore les syndromes obstructifs grâce à la relaxation exercée sur les muscles lisses prostatiques et urétraux.
Les effets d’Omix sur l’obstruction et la miction sont maintenus lors du traitement à long terme. Les alpha-1-bloquants peuvent entraîner une diminution de la pression artérielle par un mécanisme de diminution des résistances vasculaires périphériques. Les autres alpha-bloquants sont : alfuzosine, doxazosine, prazosine, silodosine, térazosine
La tamsulosine est indiquée dans l’hypertrophie bénigne de la prostate avec manifestations fonctionnelles gênantes, notamment avec des signes obstructifs, en dehors des indications chirurgicales.
Dans cette indication, une gélule par jour est administrée, à heure fixe, de préférence à la fin d’un petit déjeuner consistant (ou, à défaut, à la fin d’un autre repas).
L’hypotension orthostatique, l’hypersensibilité connue aux quinazolines (alfuzosine, prazosine) et l’association aux autres alpha-1-bloquants sont contre-indiquées.
Plusieurs précautions sont nécessaires lors de l’administration de tamsulosine :
– une surveillance urologique est indispensable, afin de dépister une indication au traitement chirurgical, un cancer de la prostate associé ;
– la recherche d’une hypotension orthostatique (clinique et/ou manométrique) ;
– préconiser un passage progressif en orthostatisme, et une mise en décubitus en cas de symptômes lipothymiques (vertiges, sueurs, fatigue) ;
– débuter à dose faible, le soir, progressive et avec prudence chez les sujets âgés (risque d’hypotension orthostatique) et les coronariens (effet tachycardisant possible avec risque d’angor fonctionnel, efficacement prévenu par un traitement B-bloquant).
Les effets indésirables induits par la tamsulosine sont, essentiellement, l’hypotension orthostatique dose-dépendante, parfois syncopale (à traiter par décubitus, puis réduction des doses et interruption du traitement), et les troubles digestifs à type de nausées, gastralgies et diarrhées.
Les antihypertenseurs alpha-bloquants (prazosine et urapidil) sont déconseillés, car ils majorent l’effet hypotenseur. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 – le vardénafil (Levitra), le sildénafil (Viagra) ou le tadalafil (Cialis) – accentuent le risque d’hypotension, et les inhibiteurs puissants du CYP3A4 majorent les effets indésirables de la tamsulosine par inhibition de son métabolisme hépatique : leur association nécessite donc des précautions d’emploi.
L’association à d’autres antihypertenseurs et aux dérivés nitrés et apparentés est aussi à prendre en compte, car ces derniers majorent le risque d’hypotension.
Avant d’instaurer un traitement contre l’hypotension, il faut, en tout premier lieu, étudier la possibilité d’une iatrogénie. Si tel est le cas, tous les médicaments favorisant une hypotension orthostatique doivent être exclus. La diminution de posologie du médicament incriminé n’est pas envisageable, car, souvent, l’effet indésirable survient à dose thérapeutique. Si le médicament est indispensable au patient et non substituable, il vaut mieux maintenir la dose efficace et modifier l’horaire de prise (lire En pratique).
Les mesures non pharmacologiques sont également à envisager en priorité, en corrigeant les anomalies hydro-électriques (déplétion sodée, potassique ou magnésienne), en éduquant le patient au changement de position progressif. Des mesures simples (voir Éducation thérapeutique), comme, notamment, la sur-élévation de la tête pendant le sommeil, permettent parfois de diminuer l’intensité des symptômes (diminution de la diurèse nocturne, responsable de la chute tensionnelle au lever, par augmentation de la libération de rénine).
Lorsque ces mesures sont insuffisantes et que l’hypothèse d’une origine iatrogène a été éliminée, on peut recourir aux traitements médicamenteux.
→ Évaluation de la tension artérielle pour détecter une hypotension orthostatique
S’assurer que le patient a pu bénéficier d’une période de repos de cinq minutes, en position allongée, avant l’évaluation de la tension artérielle. Trois lectures de la pression artérielle et du pouls sont nécessaires :
– première lecture, en position couchée sur le dos, après la période de repos ;
– deuxième lecture, après changement de position (couché à debout ou couché à assis), en respectant un intervalle d’une minute entre le changement de position. L’infirmière doit être particulièrement attentive aux symptômes d’étourdissement et assurer la sécurité du patient lors du changement de position ;
– troisième lecture, réalisée 3 minutes après le lever.
→ Observations cliniques
Spécifier les signes et les symptômes qui se sont manifestés lors de la mesure de la pression artérielle. L’infirmière, au plus près du patient, peut déceler une situation problématique et, donc, être en mesure de faire des suggestions pour diminuer l’incidence de l’hypotension orthostatique. Par exemple, il serait possible, dans le cas décrit précédemment, que le médecin ou le pharmacien, à la suite des observations de la soignante, modifie l’heure de prise d’un médicament afin de réduire les manifestations de l’hypotension orthostatique durant la matinée.
Il est primordial d’éduquer le patient sur l’observance de son traitement, l’heure de prise de ses médicaments, et de prévenir le médecin en cas d’apparition de nouveaux symptômes. L’infirmière joue un rôle déterminant pour aider le patient à adapter son style de vie dans le but de mieux contrôler ce problème de santé. La transmission des connaissances et des mesures préventives permet d’atténuer les manifestations et les conséquences de l’hypotension orthostatique (voir Éducation thérapeutique).
→ Changer graduellement de position.
→ Augmenter l’apport hydrique quotidien de 2 à 2,5 litres par jour (vérifier les contre-indications).
→ Croiser et décroiser les jambes à quelques reprises, s’accroupir.
→ Élever la tête du lit de 10 à 20 degrés.
→ Prendre de petits repas fréquents, faibles en glucides.
→ Réduire ou cesser la consommation d’alcool.
→ Éviter toutes manœuvres vagales (prévenir la constipation).
→ Éviter la chaleur excessive.
→ Faire de l’exercice physique de façon modérée et sécurisée.
→ Prévenir les risques de chute.
→ Utiliser des bandes de compression et des bandes de compression abdominale.
→ Tenir un journal de bord.