L'infirmière Magazine n° 317 du 15/02/2013

 

MALADIES INFECTIEUSES

ACTUALITÉ

Un rapport consacré aux « nouvelles menaces » des maladies infectieuses émergentes a été présenté fin janvier au Sénat. Il vise à améliorer la prévention en France et dans le monde.

Peste, choléra, variole, grippe espagnole… Au fil des siècles, l’humanité a fait face à de nombreuses épidémies, responsables de millions de morts. Grâce aux progrès de la médecine, de l’alimentation, de l’hygiène, et à la multiplication des vaccins, le nombre de décès dus à des maladies autrefois destructrices – comme la diphtérie ou le tétanos – a diminué. Pour autant, la menace des maladies infectieuses émergentes ne doit pas être reléguée aux livres d’histoire. Selon un rapport débattu au Sénat fin janvier, 335 nouvelles maladies ont été identifiées dans la seconde moitié du XXe siècle, parmi lesquelles le sida, le virus Ebola et le chikungunya. D’autres ont réapparu, comme la peste dans le sud-ouest des États-Unis ou la tuberculose en Ile-de-France (voir ci-contre). Ces maladies sont responsables, chaque année, de 14 millions de décès dans le monde, dont 90 % dans les pays du Sud. Les pays industrialisés ne sont pas épargnés : « L’incidence des maladies émergentes a augmenté de 10 à 20 % ces dernières années », relève le rapport de la sénatrice Fabienne Keller (UMP).

Facteurs d’émergence

Concentration de la population dans des mégalopoles, déforestation, élevage intensif, changement climatique, mondialisation des échanges, insuffisance de la couverture vaccinale… Autant de facteurs d’émergence ou de réémergence identifiés. Mais, alors qu’au Moyen Âge, la Peste noire venue de Chine avait mis plusieurs années à se répandre en Occident, une épidémie de fièvre jaune apparaissant à Lagos (Nigeria) toucherait les grandes villes du monde en une seule journée, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Dans un contexte de multiplication des déplacements », cette menace est « comme une épée de Damoclès », a lancé Fabienne Keller lors de la présentation du rapport au Sénat. L’apparition du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), en 2002, responsable de près de 8 000 décès dans une vingtaine de pays, puis celle de la grippe A(H1N1), en 2009, ont alimenté la crainte d’un « scénario catastrophe » : un virus létal à diffusion aérienne rapide, avec une incubation courte, et pour lequel les moyens de prévention et de traitement sont limités.

Face à une préparation qu’elle qualifie de « faible », Fabienne Keller a identifié dix leviers d’action. Il s’agit, tout d’abord, d’influer sur tous les facteurs d’émergence et de propagation. La sénatrice recommande également de mettre en place un système de surveillance planétaire, de favoriser la pluridisciplinarité, de soutenir la recherche sur les vaccins et les thérapeutiques des maladies infectieuses, de réduire les inégalités Nord-Sud en termes de santé – notamment en luttant contre l’exode des professionnels de santé africains – et d’informer pour mieux mobiliser. L’élue alsacienne a aussi plaidé en faveur d’un « exercice de prospective de grande ampleur », réunissant des professionnels de santé, des transports, des collectivités, de l’enseignement et du tourisme.

Mieux vacciner

Une demande accueillie favorablement par Marisol Touraine, intervenant à la fin du débat public qui a suivi la présentation du rapport. Pour mieux prévenir, il faut « mieux vacciner », a insisté la ministre de la Santé, avant de déplorer la faiblesse de la couverture vaccinale contre la grippe des personnes fragiles et du personnel soignant. Il faudra aussi « réduire le recours aux antibiotiques ». Autre chantier, en 2013 : la réorganisation de la veille sanitaire. « Il faut inciter les professionnels de santé aux déclarations » et valoriser la veille sanitaire régionale, en associant davantage les médecins généralistes. « Les mesures préventives doivent être compréhensibles, et comprises par la population » pour « contrer les rumeurs », a affirmé Marisol Touraine. Enjeu : ne pas reproduire les mêmes erreurs que lors de la pandémie grippale de 2009.

Les maladies infectieuses émergentes désignent les maladies nouvelles au sens strict (par exemple, le sida), les affections qui n’ont encore jamais été identifiées dans un environnement donné (le virus West Nile aux États-Unis), les affections disparues qui réapparaissent ou dont l’origine est nouvellement décrite (les fièvres hémorragiques dues au virus Ebola). 60 % d’entre elles sont d’origine animale.