LES HÔPITAUX PUBLICS DANS LA TOURMENTE - L'Infirmière Magazine n° 319 du 15/03/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 319 du 15/03/2013

 

ROYAUME-UNI

ACTUALITÉ

Un rapport pointe les manquements de l’hôpital de Stafford, où la mortalité des patients a été jugée excessive. Cinq autres établissements publics sont dans le collimateur.

En dénonçant les manquements de l’hôpital public de Stafford, dans le centre de l’Angleterre, Julie Bailey a lancé un pavé dans la mare. Maltraitance(1), intimidations, demandes des patients ignorées et diagnostics retardés composent une recette délétère. C’est à la suite de la mort de sa mère, que des soignants avaient laissée tomber puis fait croire qu’elle avait glissé de son lit, que la Britannique s’est lancée dans une croisade contre tout un système. Son combat a abouti à l’ouverture d’une enquête publique, confiée à l’avocat Robert Francis, et à la publication, le 6 février, d’un rapport de 1 782 pages. Durant cinq ans, Julie Bailey s’est opposée à toutes les instances officielles de son pays, dont le très sérieux Royal College of Nursing, grand syndicat infirmier. Son président avait, en effet, affirmé que la qualité des soins de l’hôpital de Stafford était « exceptionnelle ».

Mortalité record

À la lecture de ce rapport, on ne peut que s’étonner d’une telle bienveillance. Le document pointe notamment le manque d’effectifs infirmiers. Les plaintes des patients, des familles et des rares membres du personnel osant s’exprimer n’ont jamais été entendues par une direction uniquement préoccupée de réduire les frais. Une réduction nécessaire à l’obtention d’un statut d’excellence, le « Foundation Trust », permettant une gestion autonome au sein du National Health Service (NHS), le service public hospitalier. Toute l’énergie de la direction était donc focalisée sur des objectifs financiers nécessitant des réductions d’effectifs. Au sein de l’hôpital, il n’y a pas de structure hiérarchique claire. L’administration est en charge de la direction stratégique mais pas opérationnelle. Obsédés par le « Star Rating » (système de notation à étoiles), les membres de la direction en ont oublié de prendre soin des patients. Au point d’obtenir un triste record : 1 200 décès « en trop »(2), entre 2005 et 2008. Quand on sait que « trust » signifie confiance en anglais…

Onde de choc

Les témoignages font froid dans le dos. Du côté des médecins, des diagnostics erronés ont été mis en évidence, ceux-ci considérant que les patients présentaient des problèmes de comportement plutôt qu’une véritable pathologie. Et puis, Kelsey Lintern a perdu son oncle, dont l’appareil digestif avait été perforé au cours d’une intervention chirurgicale. Son bébé, sa sœur et sa grand-mère ont également trouvé la mort dans cet hôpital, à la suite d’erreurs médicales prouvées.

Au vu des multiples autres exemples, le rapporteur, Robert Francis, a donc estimé que les standards du soin étaient fondamentalement malmenés dans cet hôpital. Il a recommandé que le centre hospitalier retourne sous la tutelle du NHS. L’onde de choc se répand dans l’ensemble du service public de santé : cinq autres trusts, où la mortalité a été également jugée excessive, font l’objet d’une enquête.

1 – Les soins d’hygiène, notamment, laissaient à désirer.

2 – Le taux de mortalité est supérieur à la moyenne enregistrée dans des établissements similaires.