L'infirmière Magazine n° 320 du 01/04/2013

 

CANCÉROLOGIE

ACTUALITÉ

Un protocole, critiqué par un syndicat infirmier, permet aux soignantes de prescrire des médicaments de support et des examens aux patients traités par anticancéreux oraux.

Quatre ans après la loi HPST, les transferts de compétences ne font toujours pas l’unanimité. Dernière controverse : la validation par l’ARS Ile-de-France, fin décembre, d’un protocole de coopération instaurant une consultation infirmière de suivi des patients traités par anticancéreux oraux à domicile. Dans un communiqué, début mars, le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) s’insurge contre ces « soins low-cost » dispensés par des soignantes à la place des cancérologues. Initié fin 2010 par l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP), le protocole donne aux IDE la possibilité de prescrire des examens biologiques et radiologiques, des traitements de support (1), et de décider de poursuivre la chimiothérapie entre deux consultations médicales.

À l’origine, un constat : les patients traités par anticancéreux oraux, de plus en plus nombreux, sont parfois « livrés à eux-mêmes ». « Quand il y a un problème, leurs appels arrivent un peu partout dans le service et les informations ne suivent pas toujours », relève le Dr Frédérique Maindrault-Goebel, responsable de l’hôpital de jour d’oncologie de Saint-Antoine. « C’est impossible de former les médecins traitants. Les molécules sont très compliquées et il y en a toujours de nouvelles », poursuit-elle. Fortes de leur connaissance de la chimiothérapie et des patients, les infirmières de l’hôpital de jour étaient les mieux placées pour assurer un suivi. Six volontaires ont été formées, notamment, aux pathologies cancéreuses, aux stratégies thérapeutiques, aux anticancéreux oraux (effets indésirables…) et aux examens cliniques. Cette formation théorique de 45 heures a été complétée par un apprentissage pratique. Les soignantes ont assisté à une vingtaine de consultations médicales avant d’en mener dix, supervisées par un médecin, avec prescriptions de traitements de support et d’examens. Une formation trop courte au regard des responsabilités déléguées, juge le SNPI. « Si 45?heures de présence pour prescrire ces médicaments ce n’est pas dangereux pour les patients, comment justifier qu’il faille encore neuf années laborieuses pour former un médecin ? », lance le syndicat, qui réclame un master. « Les infirmières doivent être diplômées depuis au moins cinq ans et avoir trois ans d’expérience en cancérologie, précise le Dr Maindrault-Goebel. La majorité ont déjà une dizaine d’années d’expérience. »

Patients rassurés

Le protocole prévoit la présence, à proximité, d’un oncologue, en cas de problème. Les prescriptions sont encadrées par une grille protocolaire, sorte de check-list. « Elles ne prescriront un examen que si le protocole l’impose et que le médecin l’a oublié », développe la spécialiste. Au cours d’une première consultation, l’infirmière explique « le traitement, les effets indésirables, les contre-indications, et vérifie que tous les examens nécessaires sont prescrits ». Un autre rendez-vous est fixé quelques jours après le début du traitement pour voir s’il peut être poursuivi, sur la base des résultats des examens. En cas de problème, un numéro d’appel pour le patient et les professionnels de santé libéraux est indiqué. « Tout le monde est gagnant », assure sans ambages le Dr Maindrault-Goebel : le métier d’infirmière est valorisé, les patients sont rassurés (2), les traitements mieux observés, les problèmes détectés plus tôt, ce qui évite des consultations et des hospitalisations coûteuses. Bémol : ce protocole ne s’est accompagné d’aucune revalorisation salariale.

1 - Il peut s’agir d’antiémétiques, d’anxiolytiques, d’antibiotiques de la classe des cyclines, d’antidiarrhéiques et de topiques cutanés, pour des effets secondaires minimes ou modérés (grades 1 et 2) uniquement.

2 - En 2011, 120 patients ont bénéficié de ce mode de prise en charge.