L'infirmière Magazine n° 320 du 01/04/2013

 

DOSSIER

PRISE EN CHARGE

Face à des effets indésirables majeurs tels que les troubles de l’érection, liés aux traitements du cancer, un accompagnement spécifique des patients s’avère indispensable.

La prise en charge thérapeutique et le pronostic du cancer de la prostate ont connu des évolutions importantes au cours des dernières décennies grâce à la détection précoce de l’affection et aux traitements. Le choix d’une option thérapeutique tient compte des effets secondaires qui peuvent être majeurs.

STRATÉGIE ET OPTIONS DE TRAITEMENT

Le diagnostic du cancer de la prostate se faisant en général à ce stade précoce par dosage du PSA (lire p. 34), les patients présentent de plus en plus rarement des symptômes au moment ou il est établi. Lorsque c’est le cas, le patient consulte pour des symptômes urinaires qui voient leur origine dans la compression de l’urètre par la tumeur.

« En présence des éléments réunis lors du bilan diagnostic, explique le professeur Rischmann, chef du département d’urologie-andrologie à l’hôpital Rangueil de Toulouse, le choix de la stratégie thérapeutique tient compte de différents critères :

– l’âge du patient et/ou son espérance de vie ;

– le volume tumoral ;

– le caractère agressif ou non de la tumeur sur les biopsies ;

– l’existence ou non de symptômes liés au cancer (1), l’avis du patient (vie de couple, sexualité). »

Chez des hommes jeunes ayant un cancer agressif voire modérément agressif, le traitement curatif proposé doit donner le plus de chances de guérison à long terme avec le minimum de séquelles. On discutera davantage le traitement chez des hommes âgés (+ de 75 ans), voire très âgés ayant un cancer peu agressif pour lesquels on s’oriente plus volontiers vers un traitement conservateur ou une abstention/surveillance.

Toutes les options de traitement selon le stade tumoral sont résumées dans le guide « Cancer de la prostate HAS janvier 2012 » (2).

La surveillance activeavec traitement différé

Les traitements peuvent engendrer des effets secondaires majeurs sur la vie des patients. Il est donc indispensable de mesurer le rapport bénéfices/risques des traitements car l’évolution, le plus souvent lente, de ce cancer peut justifier de discuter l’induction d’un traitement curatif au profit d’une abstention/surveillance active (ASA) : dosage du PSA tous les trois ou quatre mois + toucher rectal et biopsie une fois par an. Si ce bilan ne montre pas d’évolution, une nouvelle biopsie est envisagée après deux ou trois ans. En revanche, si le cancer a évolué, un traitement est institué. La décision requiert l’accord du patient sachant qu’elle expose plus de 30 % des sujets à une sous-évaluation.

Les traitements des cancers localisés à la prostate

La chirurgie

La chirurgie reste la technique de référence du ­traitement. Elle favorise le plus grand nombre de guérisons en faisant descendre le PSA après ablation à 0 ng/ml. La prostatectomie totale consiste à enlever, par laparotomie ou cœlioscopique (robotisée ou non), la glande prostatique dans son ensemble (vésicules séminales comprises).

La laparoscopie favorise une récupération plus rapide et diminue la douleur postopératoire ainsi que la durée du séjour. « À un an de l’opération, les retentissements urinaires de la prostatectomie touchent moins de 5 % des patients et peuvent répondre à des traitements, indique le Pr Rischmann. En revanche, les dysfonctions érectiles postopératoires sont plus fréquentes et durables. Elles sont directement corrélées à l’âge du patient et au fait de pouvoir ou non, lors de la résection tumorale, préserver les structures anatomiques nécessaires à l’érection. » Lorsque la chirurgie est proposée pour certains cancers localisés à risque élevé ou localement avancé, il n’est pas possible d’épargner les structures anatomiques visant à conserver une vie sexuelle. Néanmoins, l’espérance de vie à dix et quinze ans après prostatectomie totale redevient identique à celle des hommes du même âge indemnes de cancer prostatique.

La radiothérapie à visée curative

Elle comprend la radiothérapie conformationnelle externe (RCE) et la curiethérapie interstitielle (CI)

→ La RCE consiste à irradier la totalité de la prostate et parfois les chaînes ganglionnaires. Si les résultats immédiats sont assez bons, en revanche, dans la durée, des récidives biologiques surviennent dans 40 % des cas au-delà de dix ans. De même, un envahissement loco-régional est possible et toujours difficile à opérer. La radiothérapie rejoint les résultats de la chirurgie pour les cancers à bas risque. Elle est moins efficace lorsque l’agressivité tumorale augmente. Elle a bénéficié des progrès de l’imagerie tridimensionnelle et des nouvelles techniques « conformationnelles » d’irradiation permettant de centrer plus précisément les rayons et de diminuer leurs effets morbides sur les organes proches (rectum, vessie).

Parmi les effets secondaires de ce traitement, l’incontinence permanente est rare mais possible, les troubles urinaires atteignent environ 5 % des patients et les troubles intestinaux jusqu’à 11 %. Quant aux troubles sexuels, ils surviennent à distance suite à la détérioration des cellules nerveuses chez plus de 40 % des patients.

→ La curiethérapie interstitielle consiste à mettre en place à l’intérieur de la prostate des éléments radioactifs sous forme de grains, de fils ou de microsources (iode 125 généralement), dont les rayonnements détruisent localement les cellules cancéreuses. Ils perdent progressivement leurs propriétés radioactives dans l’année qui suit leur mise en place. Cette technique présente l’intérêt de limiter les effets secondaires sur les tissus sains avoisinants (vessie, rectum, canal anal). Dans les trois mois qui suivent l’implantation, le patient doit respecter quelques précautions de radioprotection : ne pas côtoyer de femme enceinte, ne pas uriner n’importe où et ne pas tirer la chasse tout de suite après avoir uriné, ne pas avoir de rapports non protégés. Ce traitement est contre-indiqué en présence de problème de mobilité des hanches, lorsque le poids de la prostate est supérieur à 50-60 gr ou encore, quand le patient présente un adénome obstructif ou des difficultés à uriner majeures avant traitement. « La curiethérapie donne d’assez bons résultats à condition que les patients soient asymptomatiques et qu’ils n’aient jamais été opérés de la prostate, souligne le professeur Rischmann. Après douze ans, ce traitement peut être suivi de récidives biologiques difficiles à traiter dans 30 % des cas. »

Les ultrasons focalisés (Ablatherm® HIFU)

Ce traitement local conservateur consiste à détruire la prostate et la tumeur par le biais d’ultrasons émis par une sonde endorectale sous forme de tirs qui durent 5 secondes. Ces tirs provoquent une élévation brutale de la température dans la zone traitée, ce qui détruit définitivement les tissus placés dans la zone visée. Le nombre de tirs dépend du volume de la prostate (trois à quatre cents en moyenne). Cette technique peut être associée ou suivre une résection endoscopique. Elle induit peu d’effets secondaires.

La cryothérapie

La cryothérapie consiste à détruire la prostate (et donc la tumeur en son sein) par un refroidissement intense de l’organe par gaz argon. Cette technique est principalement indiquée chez les patients initialement traités par radiothérapie présentant un redémarrage de leur tumeur. Elle peut également être envisagée d’emblée pour traiter une tumeur peu agressive au sein d’une petite prostate. Réalisée sous anesthésie générale, elle nécessite un repérage échographique de manière à implanter les aiguilles au sein de la glande à travers la peau du périnée entre la racine des bourses et l’anus. En parallèle il est procédé à un réchauffement du canal urétral qui traverse la prostate pour le protéger au maximum. Les douleurs périnéales postopératoires sont en général modérées (3 %). La principale complication reste l’impuissance (80 %) par destruction des structures vasculo-nerveuses responsables de l’érection. Enfin beaucoup plus rarement, des complications à type d’obstruction de la filière urinaire ou de communication avec le tube digestif peuvent être observées. En raison de ses résultats très variables la cryothérapie reste une technique relativement marginale.

Nouveaux traitements locaux en cours d’évaluation

Devant l’augmentation de l’incidence des cancers de la prostate de faible risque, les thérapies focales apparaissent comme une alternative séduisante entre la surveillance active et les traitements radicaux classiques. Ces techniques en développement pour le traitement curatif de cancers solides consistent, dans le cas du cancer de la prostate, à détruire la lésion cancéreuse tout en épargnant le parenchyme glandulaire sain et les organes adjacents afin de diminuer les effets indésirables (dysfonction érectile et incontinence) liés à la proximité des bandelettes neuro-vasculaires et du sphincter strié. Il s’agit donc « d’une ablation sélective de la zone malade afin de minimiser la morbidité sans compromettre l’espérance de vie ». Des études cliniques de phase II sont en cours pour déterminer leur efficacité thérapeutique et leur tolérance dans le traitement du cancer de la prostate.

Les ultrasons focalisés

Un nouveau protocole est actuellement en cours d’évaluation pour traiter la prostate par ultrasons focalisés (voir ci-dessus) ciblés uniquement dans la zone cancéreuse. Avec deux ans de recul, les résultats de ce protocole d’essai sont très satisfaisants avec plus de 85 % de contrôle et 90 % de préservation de l’érection sur l’ensemble de la population traitée.

La photothérapie dynamique (PDT)

Elle active et rend cytotoxique par la lumière, un photo­sensibilisant (PS) délivré par voie locale ou générale qui se fixe préférentiellement au niveau des cellules tumorales. L’utilisation du laser est requise pour obtenir la longueur d’onde propre à l’activation du PS (3).

La thermothérapie interstitielle par laser (LITT)

Elle permet, en l’état actuel des études pratiquées sur les cancers de la prostate, d’obtenir des volumes de nécrose reproductibles chez un modèle animal. Des investigations supplémentaires sont nécessaires chez l’homme pour vérifier l’intérêt de cette thérapie comme traitement focal des cancers de faible risque (4).

Les traitements systémiques des cancers de la prostate métastasés

L’hormonothérapie (HT)

Au premier rang des traitements systémiques, l’HT vise à réaliser une déprivation androgénique (castration chimique) par la réduction drastique du taux d’androgènes circulants. Celle-ci peut aussi être réalisée par castration chirugicale chez des patients qui ne tolèrent pas les médicaments. Elle est exceptionnelle aujourd’hui. L’HT chimique fait appel aux analogues de LHRH et aux antiandrogènes périphériques (lire encadré ci-contre) pour éviter au tout début du traitement par analogue le phénomène de « flare up » qui engendre une stimulation inappropriée de la tumeur ou de ses métastases suite à l’élévation temporaire de la testostérone. Sous l’effet du traitement hormonal la cellule prostatique n’est plus sollicitée et entre en apoptose. « Toutefois, précise le professeur Rischmann, l’apoptose ne détruit pas complètement la tumeur et le blocage androgénique n’a qu’un effet transitoire et palliatif de quelques mois à quelques années en fonction de la gravité du cas. Ce traitement n’est donné qu’en cas de métastases détectées au scanner ou à la scintigraphie osseuse. Lorsque le blocage androgénique n’est plus efficace, les nouvelles thérapies ciblées antiandrogènes (acétate d’abiratérone, Zytiga®, MTV 3 100…) peuvent être utiles. Elles agissent en inhibant une enzyme servant à la fabrication de la testostérone. » L’essai clinique international en double aveugle conduit par le professeur Charles Ryan (Université de Californie, San Francisco), montre que ce traitement freine la propagation des cancers métastasés de la prostate de près de 60 % chez des hommes ne répondant plus aux thérapies hormonales et pas encore traités par chimiothérapie. « Cette nouvelle molécule, administrée par voie orale, a également l’avantage d’améliorer la durée et la qualité de vie, explique le professeur Karim Fizazi (Institut Gustave Roussy-Villejuif), l’un des auteurs de cette étude. Les patients se disent moins fatigués, avec moins de douleurs et moins de pertes d’autonomie. » Prometteurs pour les cancers métastasés, ces nouveaux traitements font également l’objet de recherche afin de confirmer leur intérêt à des stades plus précoces. Pour l’heure, en cas d’échec des traitements hormonaux le dernier recours possible est la chimiothérapie.

La chimiothérapie

La chimiothérapie est rarement utilisée car seulement 20 % des patients répondent à ce traitement. Elle est indiquée pour soulager la douleur et maîtriser les symptômes des cancers métastatiques hormonorésistants. Le plan de traitement est déterminé au cas par cas en fonction des caractéristiques du cancer et de la tolérance au traitement. Il fait principalement appel aux Taxanes [docétaxel (Taxotère®), étoposide (VP-16® ou Vepesid®)], qui permettent de prolonger la survie au minimum de quelques mois.

CONSÉQUENCES DES TRAITEMENTS SUR LA VIE DES PATIENTS

Les conséquences fonctionnelles urinaires et sexuelles des traitements font partie des questions majeures à aborder avec les patients. Si les hommes parviennent à gérer l’inconfort des troubles urinaires parce que ceux-ci sont réversibles en quelques semaines, pour ce qui tient à la virilité, ils ont besoin de savoir précisément ce qui les attend. « Les hommes vivent très mal la perte d’érection, explique Jean Pierre Bastié, infirmier expert en urologie (hôpital Rangueil de Toulouse) et vice-président de l’Association française des infirmières et infirmiers d’urologie. Recouvrer leur virilité, y compris lorsqu’ils ne sont pas en couple, est vital et contribue à les rendre plus combatifs contre la maladie. Il est donc important, dans le cadre des consultations d’annonce, de leur expliquer précisément que l’impuissance peut durer plus ou moins longtemps selon les circonstances (huit à dix mois en général) et de les aider à y remédier temporairement ou définitivement. » C’est la raison pour laquelle, à Toulouse, ces consultations médicales sont suivies d’une consultation infirmière et d’un suivi personnalisé par des infirmiers experts (lire p. XX). Quant à la douleur elle est principalement liée à la chirurgie et aux métastases osseuses. Dans le premier cas, elle disparaît dans un délai de quatre à six semaines. En présence de métastases osseuses avérées, la prescription de bisphosphonates peut dans certains cas soulager les douleurs modérées. Leur emploi n’est pas sans effets secondaires et le rapport bénéfices/risques de cette prescription doit être évalué au cas par cas. En cas de foyer métastatique douloureux précis, une radiothérapie focalisée et fractionnée sur trois jours est très efficace. En présence de sites métastatiques multiples, la douleur peut être soulagée par des irradiations métaboliques systémiques. Cela consiste à injecter un produit à ­tropisme osseux qui réduit le volume et l’expression douloureuse des métastases. Ces nouveaux traitements sont beaucoup plus efficaces mais restent encore peu répandus.

SURVEILLANCE THÉRAPEUTIQUE ET RÉSULTATS

Un protocole individualisé

Le protocole de surveillance repose sur un consensus d’experts (2). Il est adapté en fonction de la situation individuelle de chaque patient mais suit généralement la fréquence suivante : une première visite entre six semaines et trois mois après initiation du traitement puis une visite tous les six mois pendant trois à cinq ans et ensuite une visite annuelle pendant quinze ans. À chaque visite, un dosage de PSA sérique total doit être associé à un examen clinique. Le toucher rectal est recommandé sauf en cas de prostatectomie totale avec dosage de PSA indétectable. Il convient également de prendre en compte à chaque visite la dé­tection et la prise en charge d’éventuels effets indésirables liés au traitement. En l’absence d’élévation du PSA aucun examen d’imagerie systématique n’est recommandé pour les patients asymptomatiques. En revanche, il appartiendra à l’équipe de fixer les examens à réaliser (scintigraphie osseuse, tomodensitométrie abdomino-pelvienne, IRM) en cas de suspicion de récidive.

RÉSULTATS DES TRAITEMENTS

Les taux de guérison à bas risque sont de plus de 95 %. Pour les cancers à risque intermédiaire il est de plus de 85 %. La guérison est beaucoup plus aléatoire pour les cancers à haut risque car ce type de cancer développe des métastases dans 80 % des cas et présente un risque de décès pour environ 40 % des patients. Selon les spécialistes, comparativement au cancer de la vessie, qui est extrêmement agressif avec un pronostic à quelques semaines lorsque des métastases apparaissent, celui de la prostate permet d’être assez optimiste en termes de rémission et de pronostic.

1 - À noter : un patient peut présenter des troubles urinaires consécutifs à une hypertrophie prostatique. Il n’existe aucun lien de cause à effet entre l’HBP et le cancer de la prostate et inversement

2 - http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_725257/ald-n-30-cancer-de-la-prostate

3 - Source http://www.urofrance.org/science-et-recherche/base-bibliographique/article/html/therapie-photodynamique-et-cancer-de-la-prostate.html

4 - P. Colin, N. Betrouni, N. Makni, M. Laboure, P. Puech, X. Leroy, A. Villers, S. Mordonb Service d’urologie, hôpital Claude-Huriez, CHRU, Lille, unité, Inserm U703

5 - Une transfection consiste à introduire dans le génome d’une cellule à l’aide d’un vecteur, un gène afin que la cellule fabrique la protéine souhaitée (dans ce cas GM-CSF)

6 - Source : Immunothérapie, vaccinothérapie et cancer de la prostate http://www.anamacap.fr/telechargement/strategies-de-traitement/immunotherapie-ag-2008.pdf

Médicaments

Les traitements antiandrogéniques

La production de testostérone par les testicules est déclenchée par l’hormone de libération de la lutéinostimuline (LHRH) produite par l’hypothalamus. La production de testostérone peut être bloquée en agissant sur l’axe hypotalamo-hypophysaire par l’administration sous-cutanée d’analogues de la LHRH.

→ Effets secondaires. L’injection d’analogues entraîne dans un premier temps une « réaction de flambée tumorale » au cours de laquelle les troubles urinaires peuvent s’intensifier et des douleurs osseuses apparaître qui sont parfois associées à d’autres manifestations : bouffées de chaleur, transpiration, gonflement ou gynécomastie, diminution du désir sexuel, impuissance, troubles intestinaux (diarrhée, constipation), étourdissements, maux de tête, perte d’appétit, vision trouble, fatigue, prise de poids, douleur ou rougeur au point d’injection. L’association d’un anti-androgène permet de réduire ces symptômes.

→ Molécules courantes et nouvelles perspectives. Selon le médicament utilisé, l’injection d’analogue de la LHRH peut être réalisée tous les mois, ou tous les trois, quatre ou six mois. Les molécules les plus couramment utilisées sont : la leuproréline (Eligard®- Enantone®), la goséreline (Zoladex®), la buséréline (Suprefact®), la triptoréline (Decapeptyl®). Parmi les nouvelles perspectives thérapeutiques, les antagonistes de la LHRH [dégarélix (Firmagon®)] permettent d’obtenir chez des patients sélectionnés selon des critères stricts d’éligibilité une réduction immédiate, profonde et durable de la testostérone en ciblant les cancers sans altérer les structures environnantes.

→ Formes galéniques. Les antiandrogènes bloquent le fonctionnement de la testostérone en prenant sa place au niveau des récepteurs hormonaux des cellules. Plusieurs formes galéniques existent : comprimés per os (1 à 3 par jour) ou forme liquide en injection intramusculaire. Les types les plus courants sont : le flutamide (Euflex®), le bicalutamide (Bicalutamide®) le nilutamide (Anandron®), l’acétate de cyprotérone (Andocur®). Des troubles visuels et de la vision des couleurs peuvent être observés chez près d’un quart des patients traités par nilutamide. Ils sont réversibles à l’arrêt du traitement.

L’efficacité de l’hormonothérapie est souvent limitée dans le temps car les cellules cancéreuses prostatiques deviennent résistantes. À ce stade, la chimiothérapie constitue le seul recours.

CONSULTATION INFIRMIÈRE

DU TEMPS POUR EXPLIQUER ET ACCOMPAGNER

L’infirmier intervient à plusieurs niveaux dans le parcours de soins des patients. Témoignage de Jean-Pierre Bastié, infirmier expert en urologie à Toulouse.

Je prends en charge le patient en pré-opératoire dans le cadre d’une consultation d’annonce paramédicale, en post-opératoire immédiat après la chirurgie et pendant l’hospitalisation puis, par téléphone, après l’ablation de la sonde vésicale, pour vérifier que la reprise des mictions à domicile se passe bien. Ce lien téléphonique permet également d’accompagner et de conseiller le patient face aux problèmes d’incontinence. Je le revois ensuite à un mois et demi de la chirurgie dans le cadre de la prise en charge des troubles de l’érection. »

La consultation para­médicale d’annonce

Elle est importante car elle permet de reprendre avec le patient le déroulement de la prise en charge, de répondre à ses questions sur l’intervention, d’aborder les effets secondaires des traitements et les moyens disponibles pour y répondre qu’ils soient d’ordre médical, technique, psychologique ou social.

Incontinence

Les problèmes d’incontinence ne concernent pas tous les patients. En effet, plus la technique chirurgicale évolue plus les résultats sont encourageants dans ce domaine. « Pour ceux qui présentent malgré tout des troubles je leur propose les dispositifs (protections, étuis péniens) capables de leur apporter une aide temporaire pour les gérer. Je les encourage également à rééduquer leur sphincter. Dans notre service, un programme d’ETP a été mis en place avant la chirurgie pour apprendre à tonifier le sphincter strié. Contrairement au sphincter lisse qui disparaît avec la prostate, le sphincter strié est dépendant de la volonté et peut être stimulé et tonifié en faisant une gymnastique très simple trois fois par jour avant la chirurgie. A posteriori, la rééducation doit être poursuivie et si ce n’est pas suffisant, une rééducation périnéale (une vingtaine de séances) par un kinésithérapeute ou une sage-femme est prescrite. »

Les troubles érectiles

Ils nécessitent un accompagnement spécifique. C’est un temps fort de la prise en charge soignante. « Je présente les diverses techniques (l’injection intracaverneuse, système vacuum à dépression, microsuppositoire intra-urétral) (voir p. 42) qui peuvent permettre soit de passer le cap si les nerfs érecteurs ont été épargnés car il y a toujours quelques mois pendant lesquels l’érection n’est pas suffisante pour avoir un rapport, soit de pallier une dysfonction durable lorsque la localisation de la tumeur a entraîné l’ablation des nerfs érecteurs. »

Participation du partenaire

C’est un facteur de succès : « Les patients perçoivent cette consultation comme un réel avantage. Leurs réactions face à la situation varient d’un individu à l’autre comme dans tout processus d’acceptation suite à l’annonce d’une maladie grave, chronique ou d’un handicap. C’est ce qui donne tout son intérêt à la démarche d’accompagnement que les infirmiers conduisent avec le malade et dans ce cas particulier avec le couple. L’expérience montre en effet que, chaque fois que les individus sont en couple, il est toujours très bénéfique de faire participer leur partenaire dès le début de la prise en charge afin qu’il bénéficie du même niveau d’information et puisse avoir le sentiment d’être partie prenante de la prise en charge plutôt que la subir. » Le partenaire est également très sollicité en cas de traitements par hormonothérapie pour soutenir le patient face aux effets secondaires de ces médicaments, très similaires aux symptômes de la ménopause chez la femme (bouffées de chaleur, prise de poids, fatigue, gynécomastie, risque de phlébite, perte de la libido…) Là encore, les patients peuvent bénéficier du programme d’ETP sur les alternatives aux troubles de l’érection. Dans un contexte où l’intimité du couple est très directement concernée, la présence bienveillante des soignants est ­particulièrement utile. « C’est la raison pour laquelle les patients ont la possibilité de m’appeler dès qu’ils en éprouvent le besoin », conclut Jean-Pierre Bastié. Une prise en charge chronophage mais justifiée, insistent les médecins, car on ne peut pas bousculer les patients sur de tels sujets. D’où l’intérêt, comme cela se fait à Toulouse, de confier aux infirmiers, dans le cadre d’une délégation de tâches, l’accompagnement spécifique des patients afin que la prise en charge soit parfaitement assurée. C.Q.F.D.