L'infirmière Magazine n° 320 du 01/04/2013

 

GÉRIATRIE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES … COLLOQUES

Tout soignant en gériatrie a déjà été confronté à une personne âgée qui présente des troubles du comportement modérés ou sévères. Des patients minoritaires, mais dont la capacité à épuiser les équipes est redoutable.

Cris répétés, demandes incessantes, refus de soins, violen­ces verbales ou physiques, gestes obscènes, personnes qui crachent, s’agrippent… Une grande diversité de troubles du comportement des personnes âgées a été présentée lors d’un colloque sur « les personnes âgées pas faciles », organisé en février à Paris(1) par l’Afar, organisme de formation. Ces patients sont certes minoritaires, mais un seul peut désorganiser tout un service, voire un établissement. Attention, ils ne présentent pas toujours une maladie d’Alzheimer ni une démence.

Certains établissements ont mis en place des outils permettant une traçabilité de ces comportements inadaptés. Car le risque est de laisser passer insultes, gestes violents et actes inquiétants. À l’Ehpad Alquier-Debrousse, à Paris, les soignants effectuent tous les jours un mini-relevé. « Ce document permet de préciser et de visualiser les compor­tements inadaptés qui sont le plus souvent banalisés par les soignants car multiquotidiens, comme la déambulation ou les agrippements », explique Françoise Clément, cadre supérieure de santé.

Ne pas faire l’impasse

À l’hôpital Corentin-Celton, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le Dr Anne-Marie Lezy, gériatre, et son équipe ont mis au point une « échelle pour les personnes âgées difficiles qui épuisent » (« Epade »), qui est expérimentée depuis plus d’un an dans vingt-sept Ehpad : « L’échelle Epade, qui se présente sous la forme d’une feuille A4, pliable en quatre, tenant dans une poche de blouse, comporte quatre cases dédiées : violence et agressivité ; apathie puis opposition et refus; paroles inquiétantes ou déconcertantes; actes inquiétants ou déconcertants. À chaque incident, les soignants sont invités à renseigner l’échelle. Chaque événement s’insère dans une des cases et peut être coté de 0 à 4. » Les résultats sont évoqués toutes les semaines en réunion de synthèse. Selon le Dr Lezy, « avec l’Epade, les soignants peuvent mettre en mots ce qui a été vécu et ne pas faire l’impasse. Les discussions autour des cas difficiles permettent de souder l’équipe ». Intéressés, des confrères anglais, néerlandais et espagnols ont déjà fait la traduction de ce nouvel outil.

Donner du sens

De son côté, le Dr Christine Chansiaux-Bucalo, gériatre à l’hôpital Bretonneau (AP-HP), invite à analyser les différentes situations. Les événements que peuvent subir les soignants sont de trois types : les paroles ou les actes qui déroutent l’intervenant ou le mettent en échec; ceux qui renvoient à des problématiques personnelles non résolues; et ceux qui dérangent, souvent liés à l’incompréhension du comportement de l’autre. Exemple : « Laissez-moi sortir, je dois aller chercher mon fils à l’école », répète une résidente tous les jours.

En interrogeant l’histoire du patient, certains événements revêtent une signification. Le dialogue, la reformulation des angoisses du résident permettent, peu à peu, de trouver du sens et de modifier un comportement dérangeant. Et le Dr Chansiaux-Bucalo de conclure : « Lorsqu’on donne du sens à un comportement inadapté, celui-ci devient supportable. »

(1) La retransmission audio du colloque sera disponible à partir de mi-avril sur le site de l’organisme de formation Afar (www.afar.fr).

LE « CLOWN RELATIONNEL »

Une (re) médiation possible

→ Plusieurs établissements autour de Niort (Deux-Sèvres) bénéficient d’interventions de soignants formés à la méthode du « clown relationnel », qui parvient, par le jeu, les mimiques et les déguisements à approcher les patients les plus difficiles. Après s’être formés en Belgique, le Dr Pascal Brillatz, psychogériatre, et Céline Savin, infirmière en psychogériatrie à l’hôpital de Niort, assurent des interventions en binôme dans différents établissements de la région. « Le clown exprime l’ouverture du cœur, des sentiments, de l’émotion, commente Céline Savin. Notre objectif est de développer des capacités de communication non verbales chez des personnes psychiquement très dépendantes. »