L'infirmière Magazine n° 320 du 01/04/2013

 

LA SORTIE CONTRE AVIS MÉDICAL

JURIDIQUE

Si la liberté d’aller et venir connaît des restrictions en secteur psychiatrique et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, elle est totale dans les hôpitaux généraux.

Tout patient peut quitter la structure dans laquelle il est hospitalisé. Mais cette décision est assimilée à un refus de soins, auquel le médecin, même s’il considère cette sortie comme prématurée et présentant un danger pour la santé de son patient, ne peut s’opposer. En effet, aux termes de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique « le médecin doit respecter la volonté de la ­personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. »

Informer sur les risques, une obligation

Si le professionnel doit donc respecter le choix du patient, il a cependant l’obligation d’informer le malade des risques auxquels il s’expose en quittant l’établissement. Ainsi, l’article R. 1111-62 précise que, « si le médecin chef de service estime que cette sortie est prématurée et présente un danger pour leur santé, les intéressés ne sont autorisés à quitter l’établissement qu’après avoir rempli une attestation établissant qu’ils ont eu connaissance des dangers que cette sortie présente pour eux. » Soulignons que, lorsque le malade refuse de signer cette attestation, un procès-verbal de ce refus est dressé et il sera inscrit dans son dossier.

Quid de la responsabilité du médecin ?

Mais la signature d’un tel document n’exonère pas automatiquement le professionnel de toute responsabilité et ne prive pas le patient de son droit d’agir en justice, même si la jurisprudence, depuis un arrêt de la Cour de cassation (C. Cass. Ch. Crim. 3 janvier 1973), considère que la responsabilité d’un médecin ne peut être engagée sur la base de la non-assistance à personne en danger lorsque le patient a refusé les soins prescrits. En l’espèce, un médecin était poursuivi par le conjoint d’une patiente décédée. L’enquête révéla que la malade avait non seulement obstinément, et de façon très agressive, refusé la thérapeutique ordonnée par le médecin, mais avait également signé un certificat constatant le refus de sa part des soins prescrits.

Quand le malade refuse l’anesthésie générale…

Dans une autre affaire, une patiente qui devait subir une opération de la cataracte refuse l’anesthésie générale proposée par le praticien. L’intervention se déroule donc sous anesthésie locorégionale. Après l’injection anesthésique apparaît un chémosis hémorragique provoquant la rupture du globe oculaire et la perte, par la patiente, de l’usage de son œil. La Cour d’appel retient la responsabilité du praticien en considérant qu’il a commis une faute « pour ne pas avoir été en mesure de convaincre sa patiente des dangers présentés par un tel acte ». La Haute Juridiction casse cette décision soulignant « qu’un médecin n’est pas tenu de réussir à convaincre son patient du danger de l’acte médical qu’il demande ».

Qui apporte la preuve en cas de litige ?

Nul doute cependant que les juges porteront une attention toute particulière à l’information qui aura été délivrée au patient. Il appartiendra ainsi au praticien de prouver d’une part qu’il a bien informé le patient des risques encourus et d’autre part qu’il a tenté de le convaincre de demeurer dans la structure ou lui a proposé une alternative à son hospitalisation (suivi en secteur ambulatoire ou par des professionnels libéraux par exemple).

CONSEIL

Informations consignées

Les modalités de la sortie du patient sont consignées dans son dossier (article R1112-2 du CSP). Le professionnel veillera à ce que soient conservés le document de décharge du malade et la mention des échanges qu’il aura eus avec lui : nombre d’entretiens, information délivrée, réaction du patient, raisons éventuelles du refus, prescriptions, propositions de prise en charge…

LES TEXTES DE RÉFÉRENCE

→ Article L. 1111-2 du code de la santé publique : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. »