L'infirmière Magazine n° 320 du 01/04/2013

 

PÉDIATRIE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS

L’hôpital pour enfants Trousseau (AP-HP) expérimente depuis fin 2011 la distraction virtuelle en 3D. Une technique qui présente de nombreux avantages.

« Regarde les poissons dans l’eau! Tu les sens nager le long de ta jambe ? » Infirmière à l’hôpital pour enfants Armand-Trousseau (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), Anne Zaïdi nettoie la plaie au pied de Roméo, 2 ans, greffé deux semaines plus tôt suite à une brûlure. Alors qu’il pleurait à chaudes larmes en entrant dans la salle de pansements, le petit garçon se laisse faire sans broncher, captivé par le grand écran qui se trouve au-dessus de lui, sur lequel évoluent des poissons colorés.

Depuis l’automne 2011, le service des consultations multidisciplinaires de chirurgie expérimente une nouvelle technique lors des soins pédiatriques : la distraction virtuelle en 3D.

Comparaison

Pour lutter contre la peur et l’anxiété, qui majorent la perception de la douleur, « les infirmières utilisaient jusqu’ici des méthodes de distraction classique : bulles de savon, marionnettes de doigts, comptines, chansons… », détaille Bénédicte Lombart, cadre de santé rattachée au Centre de lutte contre la douleur (Clud) de l’établissement, à l’origine du projet. Mais ces techniques demandent une grande disponibilité des soignantes, car l’attention des jeunes patients doit être captée tout au long du soin. Développée dans les pays anglo-saxons, la distraction virtuelle permet de saturer l’attention de l’enfant, embarqué dans un autre monde. Cependant, très peu d’études la comparant à la distraction classique lors des soins aux tout-petits ont été menées.

Le service des consultations chirurgicales, où les soins aux brûlés sont nombreux, semblait tout indiqué pour une expérimentation. « Ce sont des soins qui sont longs – 15, 20, voire 30 minutes, avec des pansements complexes. La distraction virtuelle est une bonne indication, car elle capte l’attention plus longuement que la distraction humaine », explique Bénédicte Lombart. Prêté par le fabricant, l’équipement a été installé dans l’une des trois salles de pansements du service, dans laquelle ont lieu une douzaine de consultations chaque jour.

Trois étapes

Première étape de l’expérimentation : une étude de faisabilité. Si les lunettes 3D – identiques à celles que l’on trouve au cinéma – s’adaptent sans problème au port du masque de Meopa (1), elles ont été moins bien tolérées chez les moins de 3 ans. « La deuxième étape a consisté en l’évaluation du niveau de douleur habituel pendant les soins, avec une prise en charge classique, quel que soit le mode de distraction », poursuit la cadre. La dernière étape, celle de la comparaison des deux techniques de distraction, n’a pas encore débuté.

En « complément »

Mais, pour les soignants, les avantages de la distraction virtuelle en 3D sont indéniables. « Je devais distraire les enfants 10 ou 15 minutes avant de pouvoir commencer mon soin. Avec la 3D, deux ou trois minutes suffisent. Ils acceptent le geste infirmier plus facilement », relève Anne Zaïdi, l’une des neuf infirmières du service. Toutes se sont « approprié » la technique. « Moi, je joue avec les éléments, poursuit-elle. Quand on approche le masque de Meopa du visage, il y a du vent, alors je passe les images d’une montgolfière. Quand je mets de la crème froide, il y a la neige. Et l’eau, c’est les poissons. L’enfant n’est plus focalisé sur ce que je fais, mais téléporté dans ce qui se passe à l’écran. » « C’est plus confortable pour l’infirmière, qui n’a pas forcément un binôme avec elle pour la distraction, relève Bénédicte Lombart. Mais jamais la machine ne supplantera l’investissement humain, l’attention, la douceur », ajoute-t-elle. Tout comme la 3D ne remplace pas le Meopa, mais elle peut s’utiliser en « complément ».

Les jeunes patients semblent conquis. « Le soin est plus ludique, moins subi, ce qui a un effet analgésique. Quand ils reviennent, ils demandent “la salle où il y a la télé” », explique la cadre de santé. Quant aux parents, ils peuvent également mettre les lunettes et interagir avec leur ­enfant pendant le soin. Reste à savoir si la distraction virtuelle permet de réduire de façon significative le niveau de douleur. L’étude le dira.

1 - Mélange équimolaire oxygène protoxyde d’azote